old town road + Martin

N’importe qui pourrait être suspicieux face à un amnésique et on pourrait vouloir profiter de moi d’une façon ou d’une autre, c’est un peu pour ça que je ne le dis crie pas sur tous les toits et que je ne m’étale pas sur le sujet. Je n’ai pas envie de mettre en péril les personnes qui sont prises dans la glace que j’ai trouvée à mon réveil. Je ne suis même pas certain que ce soit moi le responsable ou l’un d’entre eux où… s’il y en avait un autre. J’aimerais pouvoir dire avec certitude que je ne suis pas responsable, mais faut pas chercher bien loin pour comprendre qu’entre quelqu’un qui peut créer et sculpter de la glace et une ville gelée, y’a un lien. Automatiquement, en ayant ou non fait quelque chose, ça ne change rien à mon cas. Et si c’est moi, j’aimerais savoir pourquoi ? Je me décharge un peu de tout ça en parlant au barman et reviens sur le regard de Lawrence qui s’est désintéressé de façon passagère pour inspecter le bois du comptoir. Ouais, pas très propre, j’imagine que de toute façon ça n’a pas trop d’importance et ça donne de l’authenticité à cette fausse ville de cowboys ? En tout cas, ça m’inspire autant que ce que je pourrais décider de faire.

Les conseils du roux me poussent à me renfrogner directement, je garde la tête vissée entre mes épaules pour passer ma main sur le vieux foulard terne, blanc malgré tout et mon baluchon. « J’ai seulement cette vieille canne et mon foulard. Je suppose que c’est un bon début » même si je crains être un criminel, au bout d’un moment, me cacher ou non ne change rien à la donne, ça peut juste éventuellement attirer des gens rusés ou tarés, les deux peut-être. Quant à ma famille… j’y ai plusieurs fois pensé, mais il y aurait eu des recherches aussi si j’avais une quelconque importance non ? En même temps j’en sais rien, je passe le plus clair de mon temps derrière mon foulard ou à minimiser les sorties à découvert parce que je fais certaines conneries passibles de quelques peines disons… ça dépend de ce que je fais et à qui je le fais. Un exemple tout bête : geler la pizza de Ches parce qu’il voulait pas partager, je sais que je peux le faire.

Si je demandais qui sait créer de la glace à un inconnu qui cherche à se renseigner ou à m’aider, est-ce qu’il l’associerait à … merde c’est qui déjà qui sait faire ça ? Quelqu’un d’important, mais pour ce que j’en ai à faire… maintenant que j’y pense, j’espère pas y être lié. « Hmm… positif ou négatif dans tous les cas ça m’apportera peut-être plus, mais j’espère que les gens d’ici vont pas vouloir me trouer la peau pour me ramener je ne sais où » bon, sans parler de trophées, ce serait con qu’une affiche de recherche d’informations soit confondue avec une affiche de recherche criminelle. Ce serait tellement ma veine ça ! J’offre de nouveau à boire à mon compagnon d’infortune… enfin au guide sympa… je voudrais tellement lui faire une tresse ! Mais je vais me retenir d’approcher trop près mes doigts, il mord peut-être… j’aurais mordu à sa place. « Dites, c’est bien cool de vouloir m’aider comme ça… » y’a une raison particulière ? C’est rarement par gentillesse qu’on agit en général, mais il a l’air complètement désintéressé. Quoi, t’es déçu peut-être ? Allez, qu’est-ce qui se passe ? J’aime pas mijoter…

Pourquoi je suis venu ici ? Aucune idée, j’ai marché en me pavanant avec ma capuche et mon foulard à la recherche d’information, comme si quelqu’un allait reconnaître un visage masqué et voulait s’en approcher. Oui, je suis un crétin et alors ? ça m’a pas tué aux dernières nouvelles. Pas que je sache du moins. « Je fais régulièrement le tour des villes pour savoir si j’obtiens des infos. Parfois je rencontre des gens comme vous qui me parlent et d’autres c’est moi qui pêche l’information au pif » pas très astucieux, de plus en plus suspect et je m’en bats les cacahuètes. Bon, elles sont pas si petites, j’abuse un peu là quand même. BREF.

On cherche tous les deux à savoir quelle sera la prochaine étape, c’est pas évident quand on a la tête vide d’apporter plus de détails et plutôt crever que de lui balancer à quel point ses cheveux sont MA GNI FIQUES, quoi qu’un peu négligés, je rêverais de les brosser. Mais l’heure n’est pas à mes doux rêves tordus. Non, il faudrait bouger de nos chaises pour aller voir le shérif.

Rien ne se passe comme prévu, au moment où je lève le nez pour regarder une serveuse passer, je la vois littéralement s’écrouler, être rattrapée, puis me tomber dessus non sans que l’alcool me noie. C’est même pas frais, mais ça risque de l’être dans pas longtemps. Tant mieux. J’ai fermé les yeux avant de les rouvrir face aux… arguments de la demoiselle. Une demi-seconde, même pas, une fraction, parce que j’atteints très rapidement ses yeux. « Vous allez bien ? » Je suis trempé, je pue et elle est assise sur moi… tu parles d’attirer l’attention. Y’en a qui sifflent, d’autres qui se marrent et j’aime pas ça. Ça me fait légèrement paniquer, je détourne pour me concentrer sur Law et la pauvre serveuse qui s’est immédiatement levée.  Je l’imite lentement à mon tour. Sans surprise elle est un peu plus petite que moi avec ses talons. Je fais quoi ? Un geste, vite, vite.

Ma main monte lentement à hauteur de son visage, elle ferme les yeux. Mais non, y’a pas de raison ! Je dépasse le haut de sa tête et je pose ma main par-dessus. Elle a de jolies boucles qui redescendent, ses cheveux sont attachés. « Une frange, ça vous irait mieux qu’une longue mèche ondulée et… vous avez de jolies boucles avec du volume, c’est dommage d’attacher vos cheveux comme ça » JE STRESSE OK ? ON NE JUGE PAS ! Au moins, même si j’ai l’air con, je lui ai donné un bon conseil et elle est tellement abasourdie qu’elle a les yeux ronds comme des billes en me regardant. Bah… tu t’attendais à quoi ? Hm, mauvaise question. Bien sûr que j’ai vu qu’il y avait du monde au balcon, mais faut me regarder un peu, j’ai l’air d’être un de ces abrutis qui s’égosille à postillonner leurs haleines fétides toute la journée ? Pitié, dites-moi que non. Je regarde Law qui a toujours sa main autour de son poignet, ah il a essayé d’aider et il a pas l’air de rire de la situation non plus. Super. « Bon, loin de moi l’idée de vouloir vous fausser compagnie, mais… Si on dégageait de là à deux ou à trois hein, juste pour éviter un meurtre ? » Je dis ça, je dis rien, mais si y’en a un qui a le malheur dans cette foule de demeurés de prononcer une fois de plus le mot nichon… je le transforme en glace à l’eau géante avec en guise de bâtonnet une énorme stalagmite dans le cul, avec un peu de chance, je rends service, il se découvrira une nouvelle passion.

Ça s’est enchainé rapidement, j’aime pas les gens trop bruyants, trop vulgaires, ils font bien ce qu’ils veulent du moment qu’ils m’emmerdent pas, sauf que cette fille a rien fait pour mériter ça et je sens qu’elle est comme un bout de viande au milieu de fauves affamés c’est encore plus navrant. J’ai envie de sortir, Law et la petite brune me dévisagent. Bah quoi ? Elle veut peut-être pas quitter son job ? Elle devrait pourtant, vue ce qu’elle récolte. Si tu pensais attirer les clients par ta gentillesse et ton travail bien fait, tu as très mal interprété. Mignonne et ayant des atouts prisés par beaucoup. Moi ? Je m’en fous de comment elle peut bien être, c’est pas ça qui va m’intéresser et à vrai dire, j’aurais presque peur de mourir étouffé. J’ouvre la marche en les invitant à me suivre, mais me fait arrêter par la main sur mon poignet. Hein ? Law préfère esquiver par les toilettes. C’est pas grave si je sens la bière l’ami, j’ai qu’à faire fondre un peu de glace pour… ouais. C’est vrai, il ne sait pas ce que je suis capable de faire, pas encore.

On entre et c’est vraiment petit entre le siège et le lavabo, c’est à se demander comment c’est homologué ce truc ?! Y’a à peine de quoi passer la porte. C’est au moins un peu plus calme. « Merci » peu importe la raison. J’ouvre l’eau pour passer du frais, hm… non en fait c’est mieux si j’enlève carrément mon haut. Je prends soin de savonner mon foulard, j’y passe même un bon moment avant de gesticuler comme je peux pour me défaire de tout mon bordel. En me déplaçant, je me heurte forcément au cowboy. Une fois, juste une fois. J’ai fait attention. Mais c’est la fois de trop. Je m’immobilise, torse nu face au miroir et au robinet en tournant la tête vers lui derrière. C’est pas un gun qu’il tenait droit pointé sur moi… j’aurais presque préféré même si l’idée est tentante, c’est pas vraiment le moment et c’est quoi qui l’a mis dans cet état d’abord ? J’ai pas compris ! C’est le malaise et je m’exhibe comme ça. Lentement je remets mon haut en m’aspergeant pour ne plus empester l’alcool. Mais je sens que si je reste trop longtemps, mes vêtements vont s’imprégner de l’odeur de cet établissement, si on peut l’appeler comme ça. Quant à Lawrence… je me tourne lentement en posant mes mains sur le lavabo « Tu comptes sortir comme ça ? » oui, je me suis dit qu’étant donné la situation, le tutoiement c’est un peu plus propice. Je pourrais déguerpir. Je pourrais. Je remets mon foulard autour du cou pour l’instant en me demandant c’est quoi ce bordel. La serveuse, la bière, les toilettes, maintenant l’érection. Ça sonne comme une collection de films cochons. Mais on ne met jamais l’accent sur les sublimes cheveux collés au corps et ceux de Law seraient vraiment sublime dans ce cas de f… BREF. « Je t’attends dehors ? » pourquoi je pose la question ? Il m’empêchera pas de sortir que je sache…

J’aurais préféré ne rien sentir, ça aurait été moins gênant pour Lawrence j’imagine, mais malheureusement, maintenant qu’il y a eu un contact visuel, comment je suis censé… faire ? C’est techniquement pas mon problème, d’un autre côté, je n’ai pas envie de mal agir alors qu’il s’est montré sympa. Je comptais sortir sauf qu’il m’a retenu en me disant non. Ses doigts se crispent sur mon poignet. Si je n’avais pas vu cette mèche se replacer – ça aurait été un comble pour moi, déjà – j’aurais surement tenté de geler un peu le bout de ses doigts, sans aller jusqu’à la nécrose, pas pour si peu. Ma main retombe quelques secondes plus tard le long de mon corps. Hm… Le tutoiement lui a pas plu aussi je crois, enfin, ça me semblait légitime quand deux mecs sont coincés dans une cabine minuscule et que le coucou de l’un d’entre eux sonne midi ? « Ok, ok et qu’est-ce que je suis c- » censé faire pour t’aider. Mais bien sûr, Je sais très bien ce qu’il pourrait répondre, qu’est-ce que je suis débile des fois ! Mais c’est pas comme si je pouvais vraiment être utile. Non, rectification, est-ce que j’ai envie d’être utile d’une quelconque façon moins raisonnable ? Tu vas un petit peu vite pour moi quand même, je dois bien le dire j’étais pas du tout dans le bon mood !

« Et si tu… » utilisait l’une de tes meilleures amies ? Main droite ou main gauche ? Comme ça, pas besoin de moi ! M’enfin je vais pas mimer ça, hein, hm… je n’imaginais pas le cowboy aussi perturbé. C’est pour quoi ? ça ne lui est jamais arrivé ? Ce serait… possible, en effet, même si j’ai du mal à le croire ? Hey je juge pas, chacun sa vie, c’est juste que j’imaginais jamais me retrouver dans une situation pareille alors… non d’une noix de coco givrée, c’est pas facile ! Et puis c’est petit, il fait chaud dans cette foutue pièce. Instinctivement j’ai besoin d’un peu de glace, alors je repose mes mains sur la céramique. Peu à peu c’est plus frais, même si forcément des petits fragments finissent par se voir, notamment sur le miroir. « Ah… oui, ça pourrait te rafraîchir… un peu » ma glace continue de se propager en fine pellicule sur le mur près de lui. On va éviter de coincer la porte, n’est-ce pas ? C’est le parfait timing je trouve pour révéler un pouvoir. En espérant que ça l’excite pas davantage hahaha… non, ça n’excite personne la glace hein ?

Je ne sais pas comment l’aider sans le mettre davantage mal à l’aise alors j’opte pour une solution de facilité : refroidir un peu la pièce. Ça semble marcher ? Je n’en sais rien, il est devenu moins causant que tout à l’heure. Sa petite visite guidée était finalement préférable à ce silence et ce regard gêné de petit garçon ayant fait une connerie. Vraiment, c’est mignon quelque part et j’ai tout le loisir de pouvoir observer sous le chapeau les superbes cheveux longs qui glissent sa nuque. J’en frissonnerais presque. Je décolle mes mains de la fine couche de glace et lui me dévisage toujours, ce qui est inconfortable. Il a reculé autant qu’il le pouvait, le message est passé, ce n’était peut-être pas moi et il avait pas l’intention de faire quoi que ce soit, attendre que ça passe, c’est pas plus mal et pour l’y aider, j’essaye de faire comme si de rien n’était.

« Tu fais quoi dans la vie ? Tu as l’air super calé sur le coin, mais je me rends compte que je ne te l’ai pas demandé » je me suis retenu, j’ai fait un effort pour ne pas parler cheveux, j’aurais peut-être dû, j’en sais rien, à force je trouve ça très bizarre et je n’ai pas envie que ce soit plus embarrassant. Bon, je l’intéresse pas des masses, puisqu’il cherche à sortir, c’est déjà bon signe, il a dû se calmer et j’ai pas spécialement envie de vérifier d’un coup d’œil, il sort comme il veut après tout. « Hm… » ou pas. On n’est quand même pas bloqués, si ? C’est quoi ces galères qui s’enchainent ? J’ai l’impression que ma vie est faites de ça, bon, je ne vais pas m’en plaindre tant que ce n’est pas mortel ou que je ne perds pas deux fois la mémoire… là, je crois que si mon cerveau en était capable – ce que j’espère bien – les souvenirs de mon subconscient me pousseraient à péter un plomb. Mais on n’en est pas encore là ! Y’a rien si ce n’est nous pour pouvoir péter cette fichue porte, même si je n’aime pas en arriver-là c’est pas le bois pourri qui va résister et qui coutera cher, de toute façon si le verrou est grippé c’est le problème du propriétaire, je ne compte pas moisir là et je pense que Law non plus après le petit épisode de chaleur. D’ailleurs, il a du mal à m’adresser la parole où ? Mais je m’en fous moi… je veux dire, faut pas se prendre la tête pour si peu, ce sont des choses qui arrivent, même si c’est assez troublant dans un moment pareil. J’espère que la serveuse a eu la bonne idée de fuir aussi, en quel cas ça risque de chier très fort, pour elle comme pour la bande d’abrutis.

Je donne des coups de pieds en profitant pour humidifier le bois sans le rendre dur, un dosage parfaitement maîtrisé depuis… reste plus qu’à faire céder la porte sans tenir compte de la poignée. Je prendrais une vraie douche plus tard, là, clairement j’ai plus envie, tant pis si je sens encore la bière. « Ah ! Elle va lâcher ! »