old town road + Martin

La neige sous mes pas s’enfonce pour n’en laisser que la trace. Mes lacets sont complètement morts, durcis par le froid et je me heurte à une saleté de verre qui ne veut pas bouger. J’ai eu la merveilleuse idée de prendre un serlfie au sommet de cette dernière, mais pour y accéder je dois passer par la partie ébréchée du bouclier et ça, c’est moins drôle. Entrer par là c’est un peu comme signaler qu’on veut rentrer au palais, c’est un peu con, alors je longe la paroi transparente pour me créer des escaliers assez loin pour ne pas me faire repérer. Enfin, ça on n’est jamais à l’abri de rien. Grimper tout en haut, ça n’a pas l’air difficile, en redescendre par contre, je sens que je vais me tuer. Allez, tu es Jack Frost, concentre-toi et ça va bien se passer ! Je me donne du courage, sautille comme une fichue bestiole face à l’immense bouteille et me lance. Mes mains au-dessus d’un escalier que je crée à mesure que je grimpe me donnent une impression de déjà vue. J’ai une chanson dans la tête qui ne colle pas du tout avec l’ambiance, mais bon, elle se déloge pas de là, je vais faire avec.

Bien, je suis arrivé sans encombre, c’est étrangement tout petit en bas et ça me donne la chair de poule, si je tombe ou que le verre se brise, je ne donne pas cher de ma peau de bonhomme de neige ! Y’a pas un yéti dans le coin ? Au cas où… pour amortir, voyez ? Je masse ma nuque, retire ma capuche et m’arrange rapidement en sortant mon sourire le plus brillant pour faire couiner la fée des dents. J’adore l’embêter, elle suit mes réseaux, j’en suis sûre ! Je ne poste rien d’exceptionnel en dehors de mes œuvres qui me servent de porte-folio, c’est dire, ma tête on ne la voit que si j’en ai envie et généralement quand je fais le con comme là. Bon, après quelques prises, je m’amuse avec la vue sous mes pieds et je me dis… que ce serait vraiment cool de visiter, sans m’approcher de trop près du château par contre, ça c’est hors de question, je tiens un peu à ma vie. Mais je me dis, ça doit faire bizarre d’être dans l’enceinte de ce truc non ? Même si c’est hyper grand, je serais sans doute devenu claustrophobe, ou alors j’aurais eu peur que quelqu’un répare la brèche et remplisse le tout d’eau, vous imaginez ?

Je redescends comme je suis arrivé en glissant sur la rampe de l’escalier et atterrissant sur la poudreuse.  Direction Hollywood Town. Au moins, il y a de quoi faire. Mais avant… Un petit cadeau. Je me présente devant le passage qui est gardé et leur fait un grand sourire. Ils entendent une sorte de crissement sourd et voient un mur de glace se créer pour épouser parfaitement les formes de la brèche. Tu veux rentrer hein ? Bah maintenant galère. Bon, j’ai bien fait un escalier, mais pour sortir… va falloir détruire. T’en fais paaas avec de la patience tu y arriveras ! Je me fais crier dessus, mais je m’enfuis comme un voleur ! J’adore quand je peux rendre service !

Je soupire, las d’avoir marché jusqu’à la ville, mais le décor Far West est assez classe. J’ai juste envie de me poser pour me désaltérer et flemmer un peu. On me donnera bien quelque chose à faire par ici non ? Sinon… j’irais pêcher, mais vraiment j’en ai pas envie. Je préfère voler de la nourriture, ça fait varier le menu. Bon… je me frotte les mains et c’est partie, qui sera la première victime ?  

Les mains dans les poches, je m’approche de la ville qui ne me plait pas vraiment, tout ce que j’espère c’est pouvoir plumer quelqu’un pour manger ou pour avoir un endroit où dormir autre qu’une botte de foin. Et particulièrement un endroit où on ne viendra pas me chercher. J’ai déjà commencé à foutre le bordel, je vais essayer de me faire discret au possible, même si je ne tiendrais pas longtemps c’est certain. Je cherchais une victime et en fin de compte y’a ce type qui ne se présente même pas et qui vient me parler. Nouveau ? « Euh… ouais ? » c’était évident. Lui par contre, il est stylé. On repassera pour la discrétion il grille ma couverture, il parle trop fort ET beaucoup trop vite. Il est trop proche. On est amis ? On se connait ? Ou est-ce que c’est une façon de m’aborder comme une autre ? T’es mignon, très, très mignon je dois dire oui. Grand, musclé et roux… ok, je devais très certainement être coiffeur avant d’être amnésique parce que ça me fascine cette obsession pour les cheveux. Enfin bref, tout ça n’excuse pas le fait que tu sois trop proche et je ne suis pas friand du contact rapproché, principalement quand je l’initie pas. Je suis capricieux et buté, tu vas vite l’apprendre, bouge pas. « ok, ok, vous pouvez réduire la cadence ? » Tout ce qu’il raconte sur la ville, son histoire, les bons coins à fréquenter, ça a l’air intéressant, mais c’est pas mon délire et ça risque plus de m’endormir ou de me faire chier que me passionner. Ouais, je suis un petit con. Encore, je le vouvoie parce que c’est lui qui a commencé, même si clairement y’avait pas besoin de se donner autant de mal. Je le sens pas ce type, il m’emmène où ? J’ai beau être un peu gringalet, ça ne veut pas dire que je ne suis pas réactif en dépit de ma flemme… j’ai d’autres moyens pour maîtriser ta jolie bouille de playboy pâlichon.

Au lieu de ça, je soupire et je nous freine un peu. Tu vois, le problème avec ce genre de comportement, aussi serviable que ça soit, c’est que j’ai du mal à y croire. Ça a été ma première leçon en me réveillant : ne pas faire confiance à tout le monde. J’avais le danger aux trousses pour une raison que j’ignorais, le cœur battant, et c’était pas de la tachycardie, non. Bon, après un réveil brutal à constater que t’es seul survivant d’une ère glaciaire dans le coin paumé où tu te trouves, c’est normal d’avoir du mal à se calmer, pas vrai ? Mais je reste persuadé que ça n’est pas seulement ça. Je me doute bien qu’il y a quelque chose avec lui, soit c’est le coup de foudre, soit et c’est ce pour quoi je penche : c’est qu’il est un peu trop réveillé pour être vraiment aussi charitable. Je ne me fais pas d’illusion, la seule personne que j’ai croisée dans le coin à avoir le cœur sur la main c’est le poney exhibitionniste, trop pur pour ce monde celui-là. Toi, toi quand je te regarde t’as rien du tout de pur l’ami et tu respires la classe, ce qui m’agace assez. Je plisse mes grands yeux bleus et cherche à le percer à jour, comme si un nouveau pouvoir allait surgir et que j’étais capable de lire les pensées. Bien sûr, on y croit. Peu importe, y’a pas grand-chose à faire de ma peau de toute façon.

Tout ce que j’ai regardé pendant qu’il était en train de pointer les bâtiments du doigt dans ses grands gestes, c’était pas du tout ce qu’il voulait en fait… « Oubliez la visite, vous les avez eus où les bonbons ? » je crève la dalle tout le temps, faut pas m’en vouloir.

Avant de connaître l’histoire de quelqu’un d’autre ou d’un bâtiment, j’aimerais bien connaître la mienne et dépoussiérer des vieilleries ne m’aidera pas forcément, autant nous faire gagner du temps et trouver un intérêt commun… du genre, les sucreries ? Il m’en passe sans poser plus de questions. Sympa ! Je ne vais pas faire la fine bouche et j’en engouffre un aussitôt. C’est trop bizarre. Trop proche, trop sympa et en même temps… hm pourquoi le seul type couvert comme un esquimau en plein soleil ? Ouais… je la connais bien cette technique due : je détonne avec le décor, je suis un pigeon près à se faire sucrer ou alors je me fais des films. Ça tombe bien ! Je suis au bon endroit. Dans le doute, discrètement, je crée des piécettes de glace en fouillant dans mon sac à la recherche de … rien du tout.  « Stupide lettre, j’ai dû la paumer… » ouais une lettre. J’ai bien une ou deux annonces dans mes petits papiers qui correspondaient à des demandes par ici, mais je ne mets pas la main dessus. « hm… je ne sais pas d’où je viens et je me déplace souvent » je cherche des indices l’ami, je ne suis pas détective, mais j’ai besoin de m’améliorer dans ce domaine.

Il s’arrête enfin et me sourit. Ah, ouais, c’est bien comme ça aussi, je cligne… je ne sais pas si c’est parce que je suis ébloui ou parce que j- OOOOh la longue mèche auburn… JE CRAQUE, merde ça a dû se voir, clairement. Trop. Je racle ma gorge. « Frost, enchanté Lawrence » c’est naturel comme couleur ?! Non, Frost, la ferme, demande pas, il vaut mieux. C’est encore plus bizarre que de se faire accoster par un cowboy au teint porcelaine. « Vous êtes du coin ? » ou pas du tout, dans le doute hein, il peut très bien avoir une intolérance au soleil ou cramer un peu trop pour se permettre de se passer de crème, pas mes oignons ! Je suis juste curieux comme lui peut l’être. Je me demande ce qu’il fait lui aussi, en tout cas il a l’air de connaître le coin et de pouvoir me renseigner sur… « hm… vous connaissez du monde par ici ? » il ne me connait pas, ça, c’est sûr, c’est bien dommage, mais ça peut s’arranger, si j’arrive à m’entendre parler avec le gosse qui chiale pas loin. Je le cherche et quand mes yeux tombent sur lui… je constate que c’est moi sa cible. Je ne suis pas l’abominable homme des neiges, calme-toi dis donc, en termes de monstre t’as vu ton père gamin ? Tu pourrais faire de la balançoire en faisant un nœud avec ses moustaches ! Et je ne parle même pas des poils qui dépasse de ses manches…  Je le toise en plissant les yeux. « Sale mioche, tss… » je marmonne, ce n’est pas que je n’aime pas, je dirais juste que là dans l’absolu faire un caca nerveux sur un inconnu c’est pas le top des rencontres, on n’est loin du cliché du petit poupon parfait. Ça n’existe pas ? M’en fiche ! Bref, Lawrence ~ ou en étions-nous avant d’entendre le petit piailler ? « Y’a pas des coins plus tranquilles et plus à l’ombre pour discuter ? » je vais mourir de chaud dans pas longtemps si je ne glaçais pas ma peau suffisamment sous mes vêtements.

Je masse ma nuque, il sourit toujours. N’importe qui se méfierait… ou pas, puis qu’est-ce que j’en sais, je ne suis clairement pas le mieux placé pour savoir ce que les gens pensent. La plupart du temps je passe à côté de ce qui est essentiel. Si on oublie mon amnésie, je me suis découvert moins concerné par ce qui m’entoure et c’est tant mieux. Je voudrais bien qu’on me reconnaisse, mais pas de la mauvaise manière alors me planquer sous ma capuche et mon foulard, c’est ce que je fais de mieux même si je dois avouer que c’est pas spécialement la meilleure des solutions par ce soleil. Je suis garde au moins mon foulard en retirant ma veste et l’attachant autour de ma taille. Bien, maintenant, est-ce qu’on passe aux choses sérieuses ? « J’avais vu une annonce pour un petit boulot, je l’ai prise, mais je ne la retrouve plus, pas si grave au pire il y aura bien d’autres affiches » surtout qu’elles sont placardées comme ça sur les maisons, y’en a pas des masses pour le côté authentique je suppose, c’est plutôt cool, mais ce soleil, vraiment ça me chauffe les nerfs aussi !

Il s’appelle Lawrence hein ? C’est bien mieux que Frost, m’enfin, j’aime bien mon nom aussi, il est aussi givré que moi. Blague nulle, bonjour, c’est surtout pour mon pouvoir que je m’appelle comme ça et chaque fois je me demande si je suis le seul, si j’ai de la famille capable de faire ça. J’aimerais bien savoir. Je le regarde dans les yeux quelques secondes, j’essaye de savoir si je le connais, mais je sais que je n’en serais pas capable. Puis, y’a ce gamin qui pleure et qui me fait grincer des dents. On s’éloigne vers un pub, il y a de l’eau pour les chevaux, merde je pense qu’elle va légèrement geler à cause de moi pour peu que je m’en approche un peu trop. Je pose mes mains sur mes genoux un instant. La chaleur me fait toujours cet effet pourri. Quand il prononce mon nom, je lève le nez instinctivement. Il en voit beaucoup trop de moi et je m’expose surement assez pour qu’on puisse placarder ma tête si je fais une connerie. Autant dire que si j’ai eu par le passé quelque chose à me reprocher, j’espère que ça n’est pas ici. « Oui mieux ! Merci bien Lawrence » J’ai écumé la ville plusieurs fois sans y voir mon portrait, c’est déjà ça, le seul endroit où j’aurais pu figurer c’est dans les archives et possiblement le bureau du shérif si tenté que ça fonctionne vraiment comme dans un western. Pas trop envie d’y aller tout de suite on va dire.

Je masse ma nuque à l’aide d’une main bien fraîche et soupire. Dire que c’est le milieu de la journée… ça craint, c’est le pire moment pour moi. Pourquoi je ne peux pas apprécier les saunas ? Je n’y vois absolument aucun plaisir comparé à beaucoup de gens, les bains glacés ne me font aucun effet cela dit, chacun son délire. « Dites… ma tête elle ne vous dit vraiment rien, hein ? » j'avais pourtant espoir qu'on me connaisse et m'apprécie dans le coin, comme Apple ? Puis dans le pire des cas, si ça tourne au vinaigre, j'ai qu'à m'enfuir non ? Mes yeux brillent peut-être un peu trop intensément, mais je n'ai aucun contrôle sur eux contrairement à ma glace.

Forcément, à demander ça je passe pour un abruti et ça me contrarie assez pour que j’offre mon regard le plus blasé sans compter la frustration latente. Si j’avais le choix, je n’aurais rien demandé. Il aurait pu me reconnaître, de loin, si j’avais un commerce ou si je me déplaçais souvent ou… j’en sais rien ? On entre dans la taverne pour surement boire un coup, ça va être drôle pour lui comme pour moi, je le sens. L’alcool et moi on n’est pas vraiment faits pour s’entendre et généralement quand je finis ivre et bien, ça laisse des séquelles, mais je ne vais pas tout dire, ça gâcherait la surprise ! Puis hey, où serait le plaisir ? C’est bon pour me désaltérer ça, même si je crois que c’est une idée reçue, on se rafraichit moins avec une bière qu’avec de l’eau ? D’où je sais ça moi ? Peu importe, je masse ma nuque et observe autour, les gens parlent fort, sentent fort aussi et sont tous du coin pratiquement. Y’en a pas un qui détonne à part moi qui suis un peu plus moderne avec mes fringues de racaille. Un foulard autour du cou ça passe heureusement, cet accessoire est indémodable et aussi intouchable me concernant. Je soupire, mon très cher guide est concentré sur les autres même s’il s’adresse à moi pour que j’en dise un peu plus. Comment est-ce qu’il peut m’aider s’il ne me connait pas ? Il connait peut-être du monde hm ? Je hausse les épaules. « Je me suis réveillé un beau jour, j’étais seul et je ne me souvenais de plus rien » plus rien du tout, trou noir complet. Pour une cuite, ça en est une sacrée, je me demande si j’ai consommé quelque chose qu’il fallait pas ?

On nous apporte deux pintes et je suis fauché, ça, ça va être un problème. Dis, le guide, tu m’as fait rentrer dans cette fournaise, va falloir assumer et ce n’est pas en battant des cils que je vais payer pour nous deux hein ! À moins que… je demande au barman d’approcher et de se pencher pour lui glisser quelques mots à l’oreille. C’est simple comme bonjour, mais il n’est pas convaincu, alors je sors de ma bourse ce que j’avais créé précédemment pour les lui mettre au creux de la main. Toujours sceptique, il regarde son butin plus loin et me laisse boire tranquille. Comme quoi, c’est utile quand même… bon, je vais plus ou moins bosser gratuitement puisqu’on consomme, mais au moins je ne me ferais pas une mauvaise réputation. Pas trop mauvaise du moins. Pas encore. Je bois comme je l’entends et pose mon verre après l’avoir vidé de moitié. Elle est colossale cette chope faut dire. « Ah ! ça fait du bien » bon, c’est pas tout ça, mais « Comment vous comptez m’aider ? » en me faisant boire pour oublier un peu plus ? Tout ce que tu veux Law’ ! J’ai pas un rond et je pense que ce serait pas mal l’homme ivre version Frost ! Même si pour l’instant, je suis encore assez sobre. Oh… pourvu qu’il n’y ait pas de chambre ici ! Ou plutôt oui ? Pwah… qu’est-ce que je suis en train de penser moi ? Je crois que j’en ai un peu marre de courir après les indices et qu’ils soient pas si faciles à récolter. Personne ne me reconnait, ça me rend triste autant que ça me fout en rogne, autant se servir de toute cette énergie à bon escient : souvent la connerie.