An apple per day... Jack Jack o/

Ce sont des questions bêtes qui me traversent l’esprit quand il est question de ce passé oublié. Pourtant, si on oublie le village de glace et l’absence totale de ressenti sur ce que j’étais, qui je connaissais et ce que j’aimais, c’est un peu comme si je redécouvrais. Sans attache ? Est-ce que je peux me considérer comme tel aujourd’hui ? Particulièrement avec ces mots qu’on m’a susurrés et que j’ai oubliés ? Je ressens moins de culpabilité envers cette personne qu’envers Apple que j’ai voulu escroquer… il n’y a aucune logique si ce n’est qu’il a su trouver les mots justes pour me perdre complètement dans une spirale d’émotions contre lesquelles je pensais être immunisé à force. Et je mettrais ma main à couper que ça n’est pas délibérément ce qu’il voulait, il est naturellement comme ça, ça se voit.

Il s’agite pendant que je reste de marbre à lui balancer connerie sur connerie, pourtant c’est vrai, j’étais réticent à une étreinte, pas habitué, si ce n’est quand on cherche à me voler… je le sais très bien, je pourrais faire la même chose. Et maintenant ? Je réclamerais presque si ma fierté ne me retenait pas. Et si le moment n’était pas mieux choisi aussi. Je note pour ma main dans ses cheveux, je m’en doutais un peu. Il est vraiment, vraiment très amical, c’est presque désespérant à quel point je suis censé être tout l’opposé. Il me laisserait lui faire une couette ? Oui. Oui, complètement, c’est même certain…

J’ai encore du mal à me remettre, tout était si lent et ça me plaisait pour une fois. Mais ça doit bouger de nouveau, alors je pose des questions bêtes et j’acquiesce d’un air décidé en posant ma main au niveau de mon nombril. Aucune envie d’avoir mal des mois durant par la faute d’un galop et de ma connerie. « Je ne sais pas si je suis déjà monté à cheval alors dans le doute, je vais éviter de me prendre pour un cowboy » et ne pas prendre le risque de marcher tout comme. hm.

Une fois dans la carriole, je m’étonne de ne pas avoir de réaction. En fait, je pense que quelques fusibles ont dû griller dans le coin de ma tête pour certaines raisons. J’ai un peu trop réfléchi et je continue. Je le laisse nous guider, à défaut de connaître le chemin, mais j’imprime dans ma mémoire le moindre passage qui me semble intéressant à retenir. Que ce soit par la présence d’une créature ou d’un passage sinueux, tant qu’il y a des traces, même si ça ne veut rien dire, je trouverais un moyen de me repérer. Je me suis quand même mis dans le pétrin une nouvelle fois. À croire que je collectionne les bons points, mais pas du tout envie de me transformer en image, j’espère que mon poids ne sera pas une contrainte à notre petite escapade. Il l’aurait dit ? Je ne sais pas, il n’y a peut-être pas pensé en fin de compte, mais moi oui et avant que je pose la question il reprend la parole. De la neige à Wonderland, c’est clairement plus propice pour moi que Memeland, mais ça… entre ce qui est bon pour moi et ce que je choisis, souvent ça détonne complètement. Je lui souris en ajustant ma veste et mon foulard au niveau du menton. « Merci, j’ai hâte d’y être » même si ça n’est pas encore assez chaud pour que je fasse un malaise, savoir que la température ne grimpera pas sur le chemin, ça me soulage. Jack me sourit à son tour et ça me surprend. Un poney qui sourit comme ça, en fait il n’y a que lui pour dégager cette bonne humeur. Je crois que même sans m’avoir montré ses deux formes, j’aurais complètement pu penser à lui. Je me demande comment c’est possible d’être aussi adorable dans un monde où les tensions entre royaumes pourrissent la vie de beaucoup de gens et la méfiance est une seconde nature ? C’est tant mieux, pour lui comme pour moi, mais je n’aime pas ne pas savoir alors, j’aimerai en savoir un peu plus sur lui.

Je lève le nez à l’entente de sa voix et me fige littéralement. Des endroits chers à mon cœur ? Les trouver ou en avoir d’autres hm ? Mon… sourire, gravé dans sa mémoire ? Il ne m’a pas entièrement oublié et mon cœur s’affole encore. Dis, le canasson t’es spécialiste avec les bonshommes de neige ? Je me mettrais à fondre rien que pour toi… en fait c’est même le cas, mais pour l’instant, je vais garder ça pour moi. Je passe une main contre ma nuque pour y libérer du froid et me détendre. « Les endroits… ils ont peu d’importance, ce sont les personnes que j’ai-… apprécie qui les rendent spéciaux et cette charrette pourrait être un de ces endroits » est-ce qu’on peut dire que j’aime beaucoup de monde ? Il y a Little, Lope, Ches et maintenant lui. Pour ceux que j’apprécie, disons que j’aurais moins de scrupule à voler et laisser. C’est pas du tout correct, mais c’est comme ça, je n’ai pas beaucoup de places et je préfère les limiter, même si je n’ai pas le contrôle, j’essaye ? Pas avec lui, impossible, c’est pire qu’une flèche ce qui m’a transpercé et ça se propage dans une chaleur qui commence à me plaire.

Il veut me voir sourire hm ? J’ai été heureux, avec lui en tout cas. Si je ne me retenais pas, je baisserais ma capuche pour me laisser submerger par tout ça, parce que j’ai honte de l’avoir oublié. J’aurais aimé me souvenir, pour une fois pas pour les statues de glace, mais pour moi, parce que j’ai peur d’oublier encore. J’inspire. J’ai peur. Oui, j’ai peur de perdre ces personnes qui me sont chères. Je secoue ma tête et grogne. « Tu m’as bien parlé d’une taverne, hm ? Tu m’y emmèneras aussi ? » cette fois, s’il le faut j’écrirais pour me souvenir de toi et de tout ce que je peux relier.

Parler chevaux et cowboys le fait rire et je suis sûr qu’il a imaginé tout comme moi la scène que ça aurait pu donner. Je ne vais pas mentir, c’est effectivement très drôle. Mais du reste, c’est indécent à ce point l’effet que son rire me fait. En fait, c’est communicatif. Je suis loin d’être une porte de prison, mais avec lui c’est carrément l’inverse, c’est comme si toute la froideur dont je disposais n’était absolument plus mienne. « Mais, ça ne te dérangerait vraiment pas d’avoir quelqu’un sur le dos ? Au sens propre du terme » après tout, c’est un poney qui parle et je me vois mal poney ou pas me trimballer un gringalet ou un grand costaud. Enfin, il tire bien son chariot, ça n’est pas pareil… en fait ça explique la différence de carrure. Si je devais être un poney à coup sûr je tiendrais mal sur mes cannes.

Sans me faire prier plus je m’installe et me planque au possible sans couper court à la conversation et je suis bien content qu’il ne voie pas la tête que je dois surement tirer. C’est perturbant de se dire qu’un inconnu veut son bien sans rien demander en retour et même le terme qui le désigne me déplait parce que ce n’est pas totalement vrai. On a juste oublié ce qu’on était l’un pour l’autre. Pour moi, les lieux défilent et même si les décors changent, ce n’est pas pour l’architecture que je resterais, mais bel et bien parce que je m’y sentirais à l’aise et pour ça j’ai besoin d’avoir des personnes de confiance dans les parages. Lui pour le coup il a des endroits qu’il aime, il voyage et ça, c’est bien, je le recroiserais souvent. Ça me rassure ? Oui, complètement. Par contre, il est question d’autres personnes, c’est qui ça ? Son p’tit loup ? Oh puis ça ne me regarde pas vraiment… Si ? Non. Mais, j’ai envie de savoir. Curieux ? Mah ! Sa faute autant que la mienne. J’avais envie d’en savoir plus ? Je suis servi « P’tit loup ? » et je m’étouffe dans une jalousie qui n’a pas lieu d’être. Son super pouvoir à lui si on passe à côté de cette transformation en poney c’est bien de savoir se faire aimer en moins de dix minutes ? Non parce que je me rends bien compte à quel point c’est dangereux si ça existait. Et ça ne serait vraiment pas drôle pour le détenteur non plus, mais bref, c’est pas le sujet !

En tout cas je saurais où le trouver quitte à y camper si j’ai envie de le voir. Ou, comme il le dit s’il me garde avec lui… pour une raison très précise, j’ai envie de lui répondre que je ne le quitterais plus jamais et c’est mal parce que ce serait faux. Pour une fois, je combats l’égoïsme, c’est beau. « Je préfèrerais être plus comme toi, tu te prends pas la tête et t’as l’air heureux » et j’en passe, il s’attire surement des ennuis sans le vouloir, mais celui qui ne les lui pardonne pas doit vraiment ne pas avoir de cœur. J’en ai bien un finalement. Pas que je ne le savais pas, mais parfois j’avais des doutes sur son fonctionnement. L’adrénaline c’est cool pour ça, mais lui c’est encore mieux parce que je ne m’y attends pas. « Peut-être que ça deviendra mes endroits préférés aussi » surtout s’il est là et s’ils sont un peu comme lui là-bas.

Pas le temps d’en dire plus, c’est le galop qui me bute. Je m’accroche à ce que je peux pour ne pas dégringoler et bouger le moins possible. Je n’ai pas le mal des transports, pourtant ça n’a rien d’agréable. Après c’est sûr que niveau confort c’est pas ce que j’aurais privilégié de toute façon et je n’ai pas mon mot à dire je me suis carrément invité. En tout cas, j’ai compris un truc : on a passé la frontière. C’est dingue et c’est… tellement pas crédible quand je le regarde. Un vrai filou, ça me fait rire et je descends quand il me dit de le faire. La chaleur a amplement baissé et je soupire d’aise rien qu’en m’étirant. J’ai failli m’étaler en me dressant sur mes pieds, mais ça fait un bien fou. Maintenant que ça ne secoue plus je le regarde récupérer son sous-vêtement, short et chapeau. Tu m’étonnes qu’il en ait rien à faire des étiquettes de conduites… se retrouver nu chaque fois qu’il se change, ça aurait été problématique et à vrai dire, passé le câlin à tout sentir, c’est une promenade de santé de le voir enfiler quelque chose. Ok, ok, je regarde pas tant que ça non plus, ce qui m’intéresse le plus c’est sa crinière. Enfin, ses cheveux je veux dire. « J’aime bien marcher de toute façon » pas trop dur pour lui ? Il a pas mal d’endurance quand même « Tu te reposes à quel moment ? Tu le fais souvent ce trajet ? Voir d’autres ? » j’ai un peu contré sa question avec la mienne, mais c’était volontaire. Parce que, je me sens mieux c’est clair et les seules émotions qui me rendent dingue c’est celle qui pop au hasard à ton contact Apple… mais ça, ça je ne te le dirais pas tout de suite, trop d’ascendant sur moi tu aurais. Maître Yoda je suis ? Non, du tout, c’est qui celui-là d’ailleurs ?

« Hm t’inquiètes pas, je suis peut-être une petite nature quand il fait chaud » et aussi quand il s’agit d’attractions à sensations « Mais je tiens le coup » et pour le reste… « T’as vraiment pas froid comme ça ? C’est dingue je trouve. T’es bien le premier que je rencontre à pas être gêné, ça m’est déjà arrivé de me faire recaler parce que je suis un glaçon… sur pattes » je vais m’étrangler, pourquoi j’ai dit ça ?! Non, en fait je sais très bien pourquoi je l’ai pensé, mais pas pourquoi je l’ai dit, je suis débile ! Regardez-moi, je suis Jack Frost et je suis une guimauve surgelée nianiania ! « Je t’aide ? » la voix qui part dans les aigus, parfait, manquait plus que ça. Ça ne m’embarrasse pas d’habitude, c’est juste que je balance des bails qui sont pas censés être simples. « J’suis pas triste hein… je vais bien, on me refuse pas grand ch- mhhff oublies » se justifier, c’est pire, tais-toi Frost, je vais bouder. Pas lui, mais je vais bouder ma bêtise et me forcer au silence. J'ai honte de lui avoir parlé de ça. Honte parce que je l'aime bien, pas parce que ça se fait pas, ça je m'en fiche encore. Si j’étais pas si con et si j’avais pas besoin d’un peu d’animation, j’aurais été moine. Ah. Oui et jamais de la vie je raserais mes magnifiques cheveux.

Même avec le sourire, ses mots sont quand même durs. Enfin, il est là et son dos n’est pas cassé, mais il a pas pris une pause depuis longtemps si j’ai bien compris et à sa place j’aurais tout lâché depuis longtemps. Enfin, ça dépend ce que ça peut apporter, il n’est pas complètement seul. Je me demande ce que ça fait d’avoir autant de personnes proches de soi, je les ai tous oubliés ou alors il n’y en a jamais eu, je ne sais même pas. Enfin si, je ne me dégagerais pas ce souvenir de la tête si s’en est vraiment un, mais ça ne m’avance pas plus. Je repose une question, ça me semble tellement bizarre qu’il ait si peu froid comme ça. Mais aucune autre explication que sa tolérance par la force de sa nudité, incroyable, vraiment.

« Tant mieux pour moi » je l’ai dit très bas, mais je l’ai quand même dit, hého, j’en pense pas moins de toute façon c’est pas comme si je m’étais pas déjà cramé à plusieurs reprises. J’essaye plus de sauver les pots cassés qu’autre chose actuellement. Je lui propose mon aide pour faire passer un peu ce manque de tact et je suis outré qu’il en a si peu lui-même. Non, en fait ça ne me dérange pas du tout au contraire, j’ai même rit quand il m’a regardé pour jauger si j’étais apte à soulever des caisses ou non. C’est plus ma fierté qui s’est pris un crochet. Je hausse les épaules. « j’ai peut-être une idée, c’est assez humide pour qu’avec un petit peu de glace on fasse tout glisser » plutôt que de s’arracher la colonne… partisan du moindre effort, Frost pour te servir, surtout toi… juste un filet de verglas et peut-être un petit mur pour arrêter les caisses ?

C’est pas que ça me tient vraiment à cœur, c’est juste que ça m’évite de me charcuter l’intérieur des joues à coups de dents pour sentir une fois de plus sa peau contre moi. Je suis plus couvert que lui, il n’empêche que je ne me suis jamais senti aussi bien de toute ma vie – de ce que je me souviens en tout cas – j’aurais préféré qu’il oublie qu’on me lâche parce que je suis trop froid pour certains, mais lui me fait bien comprendre qu’il s’en fout. Vraiment, si je commençais pas à le comprendre je me dirais qu’il me cherche et je lui serais tombé dans les bras sans vergogne. Tu me plais un peu trop pour ton bien le canasson... mais y’a ce p’tit loup qui me ferait presque culpabiliser. Presque, parce que je n’ai pas envie d’être abandonné, même si pour ça je dois prendre la place de quelqu’un d’autre. C’est pas joli, je sais et je m’en fous, je suis bien avec toi.

À me serrer plus fort, je vais vraiment finir par me dissoudre. Je frissonne même, une première. J’oublie bien vite que sa tête est sur la mienne en ronronnant jusqu’à me sentir con soudainement. Sa… petite sœur. Est-ce que j’ai vraiment été jaloux d’une petite fille ? Je devrais avoir honte et en fait, pas du tout, je suis soulagé. C’est grave. Enfin, sauf que c’est triste aussi qu’il l’ait perdu un moment, je ne sais pas ce que j’aurais fait à sa place. Et je réalise qu’il m’inclut quand il parle de ses proches. « Apple… » tu te rends bien compte de ce que tu fais ? Je pense pas mériter autant. Non, c’est même sûr, je vais brûler en enfer pour avoir droit à autant. Même si autant ça veut juste dire toi. Mais, j’ai pas envie de te lâcher alors, je serre moi aussi, non sans bougonner sinon c’est pas drôle. « Je vais finir par croire que t’as tout plein de pouvoirs, tu bats des records pour moi, t’as pas idée » par quoi commencer ? Me faire fondre, c’est évident, me donner envie de rire et de pleurer en même temps, me rendre meilleur ? Oui un peu, même si j’étais prêt à prendre la place de quelqu’un, le concernant je ne compte pas abuser de lui et de sa gentillesse. Enfin, si, je veux dire… BREF.

Je recule un peu. D’habitude c’est moi qui passe mes mains dans les cheveux des autres, mais là c’est lui qui l’a fait et ça m’a plu aussi. « Faut que je te dise quelque chose » quitte à ce que je me brise comme un miroir, au moins ce sera directement fait. « Quand je me suis réveillé, y’avait des gens pris dans la glace et je ne sais pas si je suis responsable ou non » je mords ma lèvre et inspecte un peu ses réactions tout en préparant un petit chemin verglacé, comme si de rien n’était. « J’ai envie de les aider, de comprendre… mais en même temps je veux pas savoir quel genre de personne j’étais parce que j’ai peur » mais ce dont j’ai peur actuellement, c’est que tu changes d’attitude avec moi et c’est pour ça que je te le dis. Que ça soit une coupure nette, franche et que j’en vienne à oublier un jour, même si je me demande si c’est possible.

Y’a pas beaucoup de personne qui savent ça, trois à tout casser et t’es l’une d’elles. Mais c’est plus difficile quand c’est toi. On se connaissait, tu m’as accepté sans savoir. Je dessine des signes au sol, des bêtises, juste pour m’occuper et ne pas affronter ton regard quand tu me diras ce que t’en penses parce que dans les deux cas, je pourrais être un problème selon ce que j’étais avant. C’est ça d’apprécier quelqu’un non ? Tout ressentir en dix fois pires ? Ou mieux je suppose, mais là, c’est pas le top.

Je n’ai peut-être pas les épaules pour soulever des caisses à répétition comme lui le fait, mais je suis débrouillard. C’est un peu parce que j’ai était contraint de l’être au risque de crever de faim que je suis devenu pêcheur et quand j’ai découvert mon pouvoir, j’ai appris à sculpter. Autre chose que de la glace, je n’ai jamais tenté, mais ça pourrait être intéressant en vrai. Enfin, si j’avais pas cette passion bizarre pour les cheveux. Je suis calé sans savoir pourquoi et ça me plait bien ce côté-là. C’est l’un des aspects positifs d’une vie antérieure qui ressort ? Enfin, je suppose. Toujours est-il que pour doser pour faire du verglas, je dois contrôler et ça prend un peu de temps, mais ça n’a rien de difficile pour moi et Apple semble apprécier. En même temps, ça le soulagerait d’avoir moins de poids et de ne pas avoir à faire des allers retour. Je peux même faire des petits dos-d’âne pour ralentir la cargaison à l’arrivée…

Je n’ai pas souvenir d’avoir été tactile vraiment avec quelqu’un, sauf lui. C’est nul dit comme ça, peut-être même la niaiserie absolue, mais j’en ai rien à faire parce qu’il y répond. Il a l’air de pas comprendre ce que je dis et je me mets à rire aussi. « Non, je veux dire… je suis pas aussi sympa avec tout le monde, pas aussi tactile et j’en passe » on va éviter de laisser filtrer trop de compliments, il les mérite, mais mon égo se briserait à mesure que je révèlerais ce que je pense de lui. Même si je ne le cache pas vraiment, il ne devine pas tout et c’est vraiment tant mieux. N’importe qui d’autre aurait pu profiter de la situation, pas lui. N’importe qui aurait pu comprendre que c’était plus un coup de foudre à ce stade que je m’étais reçu… mais pas lui. Bref, ça me fait d’autant plus mal qu’il ne sait pas le pire et j’avais envie de le lui dire.

Maintenant j’ai peur de ce qu’il va faire et il n’y aura pas de conséquences si ce n’est que je l’éviterais au possible. J’envisage le pire pour être certain de m’y préparer convenablement. C’est mieux comme ça, mais il s’accroupit et prend ma main pour la poser sur sa joue. J’arrête immédiatement de la geler pour le regarder faire et commence à comprendre où il veut en venir avec ce geste. Est-ce qu’il serait vraiment capable d’accepter qui j’étais parce que maintenant et aujourd’hui je suis différent ? Sa main sur ma tête, son regard sans sourire et ses remerciements. Il n’y a rien qui va, je m’attendais à tout sauf à ça. À quel point ?! À quel point tu es déraisonnable à possiblement te mettre en danger en me fréquentant moi ? Pas tout le monde serait aussi conciliant à ta place et toi, tu ne te poses même pas de questions, j’aurais pu tuer des gens que tu balayes complètement mon passé, voire mon passif juste comme ça ?

« Tu… »



Non… j’ai l’impression d’avoir été cassé à l’intérieur. C’était le battement de trop. J’étais prêt à le croire et à me dire qu’au final je m’en fichais s’il m’acceptait c’était l’essentiel. Mais, je me redresse et je me dis que c’est mort. Je lui ai fait quelque chose et il ne s’en souvient pas. Ça devait être horrible. Maintenant, je ne sais pas comment réagir et j’hésite entre craquer et lui dire ou me taire et garder ça pour moi. Je déglutis, l’observe de mes yeux clairs. « Merci, Apple, t’es une crème » glacée… oui. Je prends sur moi, pour ne rien ajouter, mais plus les minutes passent mon sourire s’effiloche. « Quelqu’un t’as déjà fait pleurer ? » je suis prêt à répéter s’il n’a pas entendu tellement c’était soudain. Les caisses glissent comme prévu après un premier test concluant et de temps en temps je pose des questions. Ça risque d’être difficile d’obtenir des réponses. S’il m’a oublié, peut-être que c’était pour le mieux… parce qu’on s’était disputé, parce qu’on ne s’est plus vu pour une raison que j’ignore et ça me fait mal parce que je suis surement responsable. Mais quelle vie de merde quand même ! Pourquoi il me fait cet effet-là et pourquoi ça doit se passer comme ça ?!

« Je veux dire, je suis sûr que c’est le cas Apple… parce que… je » m’en souviens ? Non, mais à un moment si je lui dis ça il va croire que je me fous de sa gueule et que je me suis servi de lui. « Tu ne me croirais pas si je te le disais, mais je crois que c’était moi » j’en suis sûr en fait. Ça me déprime, pourquoi je lui dis ?! C’était plus simple quand j’avais pas de souvenirs que je me méfiais de tout le monde, mais ce stupide cœur, là, il s’en mêle et il prend son pied comme un sadomaso.

Je veux savoir, mais tout de suite ou non ? Je suis assez perdu pour avoir envie de croire encore un peu qu’il ne m’en voudra pas et je sens sur mes joues que je n’ai pas su retenir ces foutues larmes de rage. Qu’est-ce que j’ai fait de si terrible pour que les morceaux décousus de ma vie soient autant pourris ? « Si tu te souviens… ne m’en veux pas s’il te plait… dis-le-moi et je ferais tout pour m’excuser… parce qu’il n’y a que deux choses auxquelles je tiens aujourd’hui, peut-être trois » les mots s’étouffent, mais je dois aller jusqu’au bout et ça m’énerve. « Réparer mes erreurs, être juste un petit con sans histoire et ceux qui m’ont tendu la main ».

Mes dents se serrent, je ne dis plus rien, j’attrape juste ses mains pour les placer sur mon foulard et je recule au possible contre une paroi. Je n’ai pas envie que ça marche et s’il y avait des dieux parmi nous je les prierais tous pour que ça se passe bien. « Ça ne te dit… rien ? » je t’en supplie, dis-moi encore que tu m’acceptes si ça te revient… je veux être cette personne meilleure en laquelle tu crois. Je veux être honnête avec toi.

C’est facile de faire de la glace, j’ai appris à le faire et a en comprendre la subtilité. En fonction de la température, je pourrais même faire de la neige, mais… si je ne le fais pas c’est également parce que ça demande de l’énergie. J’utilise ce que je sais, j’ai des limites malgré tout, il n’est pas obligé de le savoir, ça a l’air de lui plaire et juste pour ce regard, je suis aux anges. Bon, c’est aussi parce que c’est toujours flatteur de voir des gars bien plus baraque que moi être surpris comme ça par ce que je suis capable de faire. Mais, bref, je veux dire, j’en prends même pas pour mon égo par rapport à ça parce qu’il ne me regarde pas de haut.

Le problème quand on est méfiant, c’est qu’on est forcément louche pour les autres. La confiance doit être réciproque et je ne suis pas du genre à l’accorder facilement. Sans compter qu’en termes de réputation, quand tu dois survivre, au début, c’est pas la sculpture et la pêche qui m’ont maintenu en vie. Alors, la considération et la culpabilité, on oublie bien vite, ça devient secondaire. Sauf quand tu t’appelles Apple. Là, c’est comme se manger un coup de sabot en plein dans la gueule, mais avec la douceur d’un bain de plumes. Je sais absolument pas l’effet physique que ça fait dans le second cas. Le premier, c’est un mauvais souvenir par contre. Mais bref, je pense que lui comme moi on ne s’attendait pas à ce que ça soit si fort ? Tu parles… j’ai même pensé à juste faire mon bout de chemin avec lui alors qu’on s’est rencontré y’a quelques heures à peine.

Et maintenant, même en me souriant et me disant qu’il ne m’imagine pas autrement, je me sens coupable d’avoir été lâche. Je vois mon trou de mémoire comme ça, même si je ne suis pas responsable – et je n’en sais strictement rien, c’est dire – à quel moment tu oublies un truc aussi énorme qu’un village piégé comme ça ? C’est pas tout. J’ai hésité, même en m’ayant accepté, j’ai hésité quand j’ai compris qu’on se connaissait vraiment et qu’on avait surement été proche. J’avais envie de l’aider et de fuir après, mais… juste me dire qu’il m’acceptait même en ne sachant pas ce que j’avais bien pu faire, je… j’ai voulu être honnête jusqu’au bout.

Il parle de sa famille et d’effacer le négatif. C’est pourtant pas insignifiant ce que j’ai vu, en tout cas ça ne l’était pas pour moi. Juste parce que c’est à son contact que je me souviens et ça fait déjà deux fois en l’espace de quelques heures. Pourquoi lui ? Pourquoi quand j’ai la possibilité d’être plus qu’un petit con d’arnaqueur ? Je le sens bien que je panique, mais même en tremblant, je ne peux pas lui faire ça. Ses mains sur le foulard, il ne veut pas serrer et pourtant, j’essaye de toutes mes forces de recréer la scène, j’ai sans doute pas assez de volonté pour qu’il se souvienne lui, mais à aucun moment je ne pense que c’est ‘rien’

Je n’arrive même pas à le regarder en face tellement la peur me tord. C’est ça qu’on appelle des crampes ? Il m’y force, sans me faire mal, juste ses mains sur mes joues. C’est pas drôle, c’est vraiment nul cette ironie de merde qui me nargue dans ses mots alors qu’il ne pensait pas à mal. Oui, c’est cool. « Mais je veux pas me souvenir si c’est pour apprendre qu’on n’était plus potes et si je t’ai fait du mal… » parce qu’on ne se dispute pas sans raison valable, surtout avec Apple Jack qui n’est absolument pas rancunier au point de se foutre royalement de qui tu es même si t’as possiblement fait de la merde pour tout un patelin.

Ses doigts glissent et j’acquiesce, son front contre le mien, mes bras tombent lourdement de part et d’autre de mon corps et je serre les poings. « On s’est disputé, toi et moi, tu pleurais et tu m’en voulais, je ne sais pas ce que tu m’as dit, les mots je les entendais pas et je ne sais pas si c’est parce que je refuse encore de les entendre ou si c’est le choc, mais je sais que c’est la dernière fois qu’on s’est parlé toi et moi » comment tu peux encore croire que ça allait Apple ? Et malgré ça, je m’accroche à l’idée que tu m’as dite, je veux que tu me pardonnes quand moi je ne le ferais pas, parce que je vivrais avec ça, avec ce que je t’ai fait et je m’excuserais tous les jours pour avoir été un con du plus profond de mon âme.

Tes promesses, elles me réchauffent, mais elles me font peur. Pour toi j’ai décidé que je serais quelqu’un de meilleur et à ce moment-là évidemment, mon cerveau me souffle que j’ai été une de ces raclures à te faire mal. J’ai pas envie que tu m’accompagnes et de savoir ce que j’ai fait et en même temps c’est primordial pour que je puisse saisir toute l’ampleur de cette situation et réellement trouver un moyen de réparer ce que j’ai cassé.

« Même avec ça, t’es capable de me dire que je serais plus seul, Apple tu te rends pas compte ? T’es la dernière personne à qui je voulais faire du mal et je t’en ai déjà fait… même si tu me dis que c’est pas grave, pour moi ça l’est » parce que… parce que j’ai peur de t’en faire encore, idiot ! Et pourtant, je n’arrive pas à m’éloigner, même si je le voulais là, tout de suite, c’est impossible. Je m’étouffe dans mes sanglots, calmés jusqu’à ne plus me secouer, mais ça n’arrête pas de saigner à l’intérieur. C’est peut-être ça, Jack Frost… avoir supposément un cœur de glace, mais quand il se met à fondre, il fait du mal à ceux qui y sont parvenus ?

J’essuie les larmes d’une manche, l’autre main le repousse doucement sans quitter son torse, c’est pas le but, je cherche juste à préserver le peu de dignité qu’il me reste. Si ça avait été quelqu’un d’autre, je n’aurais pas eu de scrupule à le laisser là, pris dans la glace. Mais c’est Apple et de lui, j’accepte tout, c’est son droit. Un très gros ascendant que je lui laisse de toute façon volontiers… « Je veux pas que tu te sentes responsable pour moi, je pense que dans cette vie comme dans l’autre enfin, je sais même pas si je suis déjà mort ou non, c’est juste que… je pense être assez grand pour me foutre dans la merde seul et j’assumerais comme un grand » et ce serait même pas pour moi que je le ferais, enfin, si, mais en même temps non. « me laisses-pas, mais si je suis dans la merde, le sois pas avec moi, je préfère crever que de t’entrainer comme ça… s’il te plait, promets-le sinon je te dirais plus si je me souviens de quelque chose » chantage… affectif ? Totalement, mais je suis sérieux, je retrouve un semblant de calme et j’en profite pour remonter ma main toujours sur son torse et lui poke la joue. « Dis-toi que si je te demande ça c’est parce que… je suis persuadé que si toi tu es toujours-là, on finira par se croiser » y’a du bon dans ce que j’ai vécu, pas vrai ? Même si cette fois, dans cette vie, je briserais ceux qui lui feront du mal et je ne lui en ferais pas.