An apple per day... Jack Jack o/

J’aime pas ce regard… j’ai l’impression qu’il va pleurer et je ne sais pas trop comment y réagir. Je n’aime pas non plus me souvenir de quand j’étais seul et que j’ai découvert ma glace, les gens prisonniers de cette dernière et que personne ne se souvenait de moi ? Enfin, personne jusqu’à présent. C’est très frustrant qu’il ne puisse rien m’apprendre et en même temps, j’ai envie de lui faire confiance. Dire que je voulais voler ce qu’il avait dans sa charrette au départ. Mon menton sur son épaule, j’observe ses cheveux qui tombent sur sa nuque. Y’en a qui ne résistent pas à se piquer au fuseau, moi j’ai du mal à réprimer l’envie de passer mes doigts dans les mèches ébène. J-je peux non ? Ça fait partie du contrat non négociable d’une étreinte ? M’en fous, personne ne me laisse jamais faire, même le chat sauvage je dois faire ça en furtif, alors pour une fois…

Ma main monte le long de son dos, je ferme les yeux en entremêlant mes doigts dans la forêt d’épis sombres et la sensation me fait frissonner. Je pourrais rester comme ça pour l’éternité, vraiment. Si c’était pas un peu trop suspect de ma part, je serais resté plus longtemps, alors j’ouvre les yeux en soupirant. Je remarque qu’il a des grains de beauté qui descendent sur ses épaules et qu’il est relativement musclé. En fait, je fais vraiment crevette à côté. Y’a un truc qui me revient du peu que j’ai vécu sans ma mémoire : c’est toujours les gars qui ressemblent à des armoires à glace qui sont les moins offensifs. Enfin, ça reste à prouver, c’est loin d’être un ours géant, faut pas déconner, il est juste confortable. Ouais, Frost, ta gueule, ça vaudra mieux pour tout le monde.

Je ne sais pas lequel des deux ça soulage le plus qu’on redevienne ami. Pouvoir compter sur quelqu’un… c’est pas quelque chose que je fais naturellement et je ne peux même pas dire si j’étais comme ça avant. Je m’éloigne assez pour voir qu’il me sourit, content ? Il n’a pas pu trop m’aider, mais ce n’est pas rien non plus que j’obtiens alors je vais rester encore un peu. On a un bout de chemin en commun, ce qui m’arrange. Je jette un œil à la voiturette pleine et hausse les épaules. « Ouais, aucun souci pour ça » dans ma tête la seule chose qui tourne, c’est : cette fois, ne m’oublie pas s’il te plait. C’est, comme qui dirait le problème de ma vie. Je ne suis rien ni personne et c’est un peu trop bizarre à mon sens que personne ne me reconnaisse ? Je ne fais pas spécialement d’efforts non plus, je masque mon visage au cas où la plupart du temps. J’ai peur de beaucoup de choses, mais je crois qu’être oublié c’est pire que d’être reconnu pour un crime. Au moins, on s’en souvient, même si c’est négatif. Enfin, je n’espère pas non plus !

Une main sur ma nuque je masse nerveusement, l’espace s’est largement réduit avec le câlin et le fait qu’on n’ait pas vraiment bougé. J’essaye de me souvenir de lui de toutes mes forces… comment je peux oublier comme ça ? Même mon meilleur repère ne fonctionne pas : les cheveux. Si proche du but, quoi ! « Dis… t’as déjà pensé à laisser pousser tes cheveux plus ? » ouais, très constructif, mais ça me détend de parler houppette et queue de cheval. Non, pas celle du bas… trop tard, j’ai regardé. Abruti. Je déglutis. « Je veux dire, t’as une super qualité, t’as beaucoup de chance » et C’est pas courant du tout de demander ça. Je t’ai déjà posé la question Jack ? Tu les coupes souvent ? « Hm. T’as pas vraiment de barbe, ça t’irais bien aussi, ‘fin t’es bien comme tu es déjà, c’est juste que je me suis découvert capillophile ? Ça existe ce mot ? » plus je parle, plus je me sens con. Jack, arrêtes-moi ? Aide-moi ?

Je me doutais qu’il allait resserrer l’étreinte, pas que ça allait me faire autant de bien. C’est la première fois qu’on arrive à me tenir si longtemps, aussi proche depuis que je me suis réveillé. Si on oublie certaines choses qui nécessitent forcément un rapprochement… ce qui n’a rien à voir avec l’étreinte du poney. Il n’y cherche pas le même réconfort, il n’apporte pas le même non plus et c’est sincère. Je voudrais que ce soit durable ? Je le connais à peine, mais lui non. Son menton sur mon épaule, je sens son souffle sur ma nuque et ça finit par brûler quand il dit vouloir m’aider. J’en frissonne assez pour rester un moment bête comme je suis à simplement grogner pour approuver avant de lui tapoter doucement le dos. Ce n’est pas le seul ami que je me suis fait depuis et tous sont différents, juste que ça me surprendra toujours. Son caractère est particulier.

J’essaye de ne pas avoir l’air d’un psychopathe à parler cheveux, même si c’est surement loupé. Jack le prend pas mal pourtant, il répond que ce n’est pas facile à entretenir. Hmf, pour moi ça l’est, mais je ne peux pas critiquer je sais quoi faire instinctivement et malgré ça j’attache mes cheveux en une petite couette. « T’as pas du tout l’air d’un mioche » nan… clairement pas, il a une bonne carrure, matez-moi cette pomme d’Adam et cette mâchoire carrée. Tu te fiches de moi, hein ? Même si je sais que je ne suis pas né de la dernière pluie, je me comporte et j’ai l’apparence d’un pinceau. « Avec ou sans barbe t’es plutôt bien » foutu. C’est bon, on a compris. Je me désespère, c’est vrai que je suis peut-être coiffeur. J’étais. Ça a l’air de lui plaire et j’ai droit à ses mains qui attrapent les miennes. À mesure qu’il les bouge, je suis et je me rapproche davantage. Bordel, t’as aucune notion de proximité poney… mais t’es vraiment sympa et j’ai décidé de pas te cryogéniser pour si peu. Quand on te connait un peu je suppose que c’est naturel chez toi ? Je pourrais m’y faire, chanceux. « Ah ? Quelqu’un qui s’y connait en coiffure ? » connu en plus ? Peut-être qu’avec un peu de chance, effectivement, ça pourrait être positif pour moi. J’acquiesce et je me retrouve à dandiner malgré moi avec ses mains qui s’agitent et moi qui ais refermé les miennes, entremêlées. Super. Du coup je lâche doucement et les pose sur ses joues. « Ok, ok, t’es vraiment une crème glacée, tu sais ? » je suis un peu perdu, il a un effet bizarre sur moi ce type et je dois digérer tellement d’informations que je ne sais pas comment réagir ! Je sais pas lequel des deux se calque sur les humeurs de l’autre tellement il est empathique. « Eeeeeeh je sais pas ce que je voulais dire » j’ai rien, rien dans la tête en fait, je voulais juste qu’il arrête de me faire balader dans tous les sens, il est plus grand que moi de quelques centimètres et la logique veut que s’il écarte les bras avec les miens, je me rapproche automatiquement et même si c’est fichtrement tentant, non d’un cacao givré j’ai pas envie de perdre le peu de cervelle que j’ai là tout de suite !

Enfin, ça c’était clair. Jusqu’à ce que mes doigts passent sous les poils doux qui se soulèvent, à contre sens du passage et je mords ma joue pour ne pas faire de remarque en le dévisageant intensément. Je comprends mieux pourquoi on ne me laisse pas toucher en général. Le pire c’est sans doute qu’il a rien fait pour que je sois aussi perturbé. Pas besoin, c’est surement d’origine. Il est si tactile... C’est doux. Tais-toi, tais-toi. T’es un peu frustrant Jack ! « On a encore du temps où on doit se mettre en route ? » piètre diversion, pendant que je lui gratouille littéralement le menton…

Ma vision s’est voilée quelques secondes, perdu dans une mémoire ravagée, je vois des cheveux noirs et j’entends une voix me répéter que je suis aimé. Une odeur familière, un vent qui se fait silencieux hormis ce qu’il soulève sur son passage et une étreinte. J’en frissonne, mes yeux grands ouverts sur un paysage qui s’estompe. Le désert se fait docile, la chaleur n’émane pas des lieux, mais du corps près du mien et de l’agitation de mon palpitant un peu trop secoué. Je me souviens… de qui, je n’en sais rien, mais quelqu’un m’aimait et je ne sais même pas si cette personne est là quelque part, ni si elle se conjugue encore au présent ou définitivement au passé. Je m’éloigne à peine du poney adorable qui provoquait déjà suffisamment de dégâts et l’observe en lui sommant d’arrêter de remuer comme ça d’une façon qui me dessert une nouvelle fois. Mon penchant sérieux pour les cheveux s’étend visiblement aux barbes… et je n’avais déjà pas envie de bouger, ça ne m’aide pas. Il faudrait pourtant. Dans un soupir à contrecœur je lui demande si on a encore le temps. Réponse claire : ce serait bien qu’on s’y mette. Je n’ai pas cessé mes caresses et lui en profite bien on dirait, vraiment, Apple Jack, tu es une crème et si je m’écoutais… non, en fait je suis content de ne pas tout gâcher cette fois.

Un sourcil arqué, je le dévisage. Il vient quand même de me confier qu’il faisait dans l’illégal. Il a confiance en moi à ce point ? Il ne devrait pas. Je mords ma lèvre en gonflant mes joues. Ce type-là, il a vraiment de la chance ou alors il sait des choses inconsciemment ou… hm non, je ne préfère même pas spéculer, vivons dangereusement, de toute façon je suis un vagabond. Enfin, j’espère bien. « Rien de particulier alors, c’est parti ! » je me redresse et prends ma veste en même temps, l’attache autour de ma taille et passe une main sur mon foulard pour m’assurer qu’il est toujours là. Mon baluchon attaché à ma canne, je m’étire longuement, bras en l’air et observe les alentours. Loin derrière il y a la ville, devant rien jusqu’à l’épaisse brume en sépia qui semble plus brune à l’horizon, si mince que c’est à peine perceptible et que je doute sérieusement d’avoir une si bonne vue pour déterminer si c’est bien notre destination. J’esquisse un sourire en me posant là où il y a de la place dans la carriole. « Tu dois connaître pas mal de coins non ? Tu as un endroit où tu préfères aller ? » pour ma part je cherche encore et dans l’idéal, avoir des infos sur moi avant de pouvoir me dire que tout va bien, que je peux être qui je veux. Je me soucie pas vraiment de ce qu’on peut bien penser de moi en fait, alors ça parait bête de chasser son propre passer, mais ça a son importance pour ne pas créer un effet boule de neige, hm ? Ce serait con de provoquer une avalanche à cause de ça, même si je doute avoir autant de pouvoir. N’être personne, finalement ça a ses avantages, je voudrais m’assurer que c’est bien le cas. Et toi, Petit poney, je me demande comment tu vois les choses. T’as l’air simple à comprendre et ça me plait. Hm… attend, quand même avec moi et ma température, toi complètement nu… « Mais… t’as pas froid ? »

Tout ce que je connais c’est le village froid dans des montagnes lointaines. Je pourrais y retourner, j’ai un peu oublié d’où je venais à vrai dire, mais je sais comment m’y rendre. Le vent n’a pas besoin de me parler pour m’indiquer le chemin, il fait toujours plus frais et des montagnes… eh bien, ça n’est pas ce qui manque, certes, mais je saurais lesquelles. J’ai une appréciation du froid qui diffère selon les endroits, forcément ce coin du globe n’est pas particulièrement frais et je n’en ferais pas un de mes arrêts fétiches. De ce que j’ai pu voir, il y a des lieux que j’affectionne pour leur beauté et d’autres que je fantasme pour ne pas y avoir mis les pieds. Pas encore. Je me demande comment Wonderland est ? Je ne m’attarde pas assez sur les décors, un peu trop sur les températures. Il n’y a pas de vent par ici, juste un soleil qui se mettra à frapper fort plutôt qu’à onduler sur ma peau trop blanche en comparaison de celle de Jack.

Il me confirme que c’est clairement pas son affaire les problèmes d’états et c’est marrant. Non, en fait, pas du tout, ça ne l’est pas. Je sens juste que si je venais à m’inquiéter pour lui j’en aurais des cheveux blancs et la raison même pour laquelle j’ai pensé ça c’est que je me sens toujours coupable. Il a l’air de ne pas être le genre à chercher des noises et à en récolter beaucoup de la part de types comme moi. Après, je me dis qu’il n’aurait pas survécu des décennies s’il était incapable de se défendre et ça me laisse perplexe. Soit il a beaucoup de bol, soit il est protégé, soit il sait très bien se défendre. Dans tous les cas c’est tant mieux, surtout pour moi.

Sa façon de parler des lieux qu’il aime, elle me rappelle que je n’ai nulle part où je me sens vraiment chez moi pour l’instant et je ne sais pas si je serais capable de me poser, en tout cas pas tant que je n’aurais pas réglé certaines choses. Mais après ça ? Me poser, oui, où ? Je n’aime pas ça, devoir rester figé à un endroit. Non, clairement avoir des enfants et cuisiner des bons petits plats avec un tablier à dentelles, hm, comment dire ? Oui et non ? J’ai besoin de divertissement ou… de ne pas stagner en fait. Bref, tout ça pour dire que lui a une petite routine bien sympa et il la vend super bien le pire ! Si seulement il n’avait que ça pour lui ! Mais non.

Outre le physique avantageux de monsieur, y’a cette chaleur qui émane de lui et je ne parle pas du contact de sa peau, juste de comment je ressens les choses, il est tellement lumineux que s’il me disait péter des arcs-en-ciel je le croirais sur parole ! Et ce rire... il me rappelle que, comme ça spontanément, c'est plutôt rare aussi bien de ma part que des autres. J'aime bien, c'est communicatif, c'est aussi nostalgique, est-ce que j'ai déjà été heureux comme ça ? Enfin, passons, c’est surtout surprenant qu’il n’ait pas froid après m’avoir pris dans ses bras. Et sa réponse est encore plus givrée que moi ! « Mais c’est quand tu veux pour- » MERDE… oui, non, j’ai déconné. « Ah… hm, ouais ‘fin ça t’a pas dérangé ma main dans tes cheveux ? » change de sujet, c’est ça, ça passera crème, je commence à connaître. Mouais.

Il se… sangle, sous mes yeux et je comprends bien qu’il va reprendre une forme animale, mais quand même ça a quelque chose de particulier de voir un être humain volontairement se mettre entre des lamelles de cuir. Je déglutis après mon bug visuel. « Ah, oui, euh… où ça du coup ? » dans la charrette ou sur lui ? j’ai pas saisi… je suis con. « J’ai rien dit » je vais pas… me mettre à la place du cocher, je vais complètement penser à tous ces gens qui font claquer le fouet… MAIS TUEZ-MOI ! Je pose mes mains à plat sur mon front, soulevant quelques mèches noires au passage et grogne une fraction de seconde. C’est froid, ça fait du bien. « Bon, bon, bon, j’imagine que ça doit pas mal aider à supporter la chaleur d’être un poney non ? » parce qu’entre lui, ma tête qui va exploser et les températures par ici, j’ai de quoi avoir le tournis pour deux ans.