le froid revient
discret mais insistant
Il s'insinue dans les nombreuses fissures de son esprit en noir et blanc. Le givre prend ses aises. Forme des étoiles aux pointes ô-combien tranchantes. Sad sent ses mains trembler et son esprit tourner en boucle comme un disque rayé. Usurpateur. Egoïste. Contrefaçon. Chaque tour le rend plus
nauséeux que le précédent.
Mais Mad est là. Mad est tout près, même, caressant délicatement sa main pour le ramener vers des cieux plus cléments. Vers lui et sa douceur. Lui et sa lumière. Lui qui lui répètera autant de fois que nécessaire comme il a tort, qu'il s'en rende compte ou pas. Comme il est important pour au moins une personne. (pour au moins lui) Il tire lentement et Sad se laisse faire, docile. Incline sa tête vers la main qui remonte sur sa joue, apaisé par le contact. Il n'a jamais été seul. L'affirmation lui tire un soupir tremblant. Parce qu'elle n'a rien de faux, mais elle sonne nouvelle à chaque fois qu'il l'entend.
Sad regarde ses yeux
les trouve très verts
il dit que c'est
leur nom
et Sad le croit
Sad l'écoute
Mad voulait savoir. (parce que l'avis de Sad lui importe) Une intention si innocente que le chapelier gris s'en veut presque d'avoir tout de suite pris le pire chemin possible. Il.. non, il ne peut pas dire ça. Il n'essaie pas de faire autrement. De faire
mieux. Pas souvent. Il est rare pour lui de réaliser assez vite qu'il s'engage sur la mauvaise route, à vrai dire. Mais avec cette clarification, les ténèbres persiflantes perdent quelques unes de leurs voix. La tension dans ses épaules se relâche. Son oeil gauche pleure, mais il n'essaie pas d'y toucher.
il parle de respecter ses choix
(une pensée amère le traite de menteur)
(si c'était vrai, il ne seraient plus ici, n'est-ce pas ?)
Sad, en revanche.. Sad n'est pas si amer. Pas maintenant. Parce que son frère a dit qu'il était heureux et c'est une bonne chose, non ? Comment s'acharner à lui en vouloir quand il lui met de si jolies images en tête ? Il n'y pense déjà plus, trop occupé à laisser son esprit fondre dans une brume aux teintes dorées. Au parfum de soleil. Il est éveillé et tout le laisse tranquille. Une rare occurence. C'est comme si les bras de Mad, qui remontent dans son dos, le protégeaient des plus sombres idées. Il est dans une si jolie brume. Il aimerait y rester.
«
N-non, je.. » proteste-t-il lorsque Mad s'excuse
Non, il n'aurait jamais pensé ça ! Du moins, il pense que si l'idée lui venait, Mad serait trop gentil pour la formuler. Pour la lui faire entendre. Alors il secoue faiblement la tête, se blottissant un peu plus contre le chapelier fou. Ses paupières s'alourdissent. Il a une main sur les côtes de son frère, laissant la régularité de son souffle calmer le tumulte. Eclipser l'orage et tous ses éclairs.
Pourquoi seraient-ils deux, demande-t-il. Et oh, Sad sait que c'est réthorique et qu'il n'est pas censé penser à une réponse, mais les spirales sont faciles. Les spirales sont une habitude. Ca lui semble évident: il y en a deux, dont un à jeter. Peut être a-t-il été gardé par paresse. Par sentimentalisme. Par pitié. Par simple impuissance à complètement tuer une partie du Chapelier, parce que justement, il faudrait tout tuer en entier. Ne pas s'arrêter à des demi-mesures.
mais Mad rétablit le silence
avec un fait qu'il oublie trop souvent
«
Mad. ah, il a la gorge serrée,
Toi.. toi aussi. Je t'aime. » n'en déplaise à ses sursauts de colère
Son oeil gauche pleure toujours, mais blotti contre Mad, il ne s'en rend pas vraiment compte. Il n'y pense pas. Un poids vient de le quitter. Sad.. Sad lui a dit. Comme il se doit. Comme il le fait si rarement. Le
montre si rarement, s'imagine-t-il. Sad est doux come un agneau, mais est-ce que Sad rend correctement tout son soin, toute son affection au chapelier fou ? Il pense que non. Il pense qu'il s'en rend continuellement indigne.
il se tue quand Mad le préfère vivant
il pleure quand Mad préfère ses sourires
et il essaie si rarement de faire autrement
mais il lui a dit
c'est déjà ça
«
Vrai-vraiment insiste-t-il,
tu.. quand tu es là je- je les entends moins. » tous ces sons discordants qui lui répètent ce qu'il sait déjà
Sad lâche un soupir. Il se sent de plus en plus lourd, mais pas d'une façon désagréable. Au contraire. Il pense que peut-être.. peut être qu'il devrait profiter de l'accalmie. C'est difficile à prendre, comme décision. D'une part il devrait en profiter pour somber, mais de l'autre.. il n'a pas envie que ça prenne fin. Car quand il se réveillera, nul doute, rien n'ira plus.
«
Tu.. me rends heureux de rester. » admet-t-il sans ciller