C’était fini. Ils avaient atterri mollement dans un buisson comme la plus vile des déjections. Le monstre n’avait pas demandé son reste et s’agitant prestement n’était déjà plus visible. L’océan n’était pas loin, on pouvait entendre le gargouillement de sa panse, tendrement calme après cette tempête viscérale.
Melkus avait perdu le fil du temps. Il demeura sans bouger quelques instants ou quelques heures. Lorsqu’il se releva finalement, les feuilles s’étaient collées, vertes anarchistes, un peu partout sur son corps gluant et sale. Lui, l’homme de la mer ressemblait à un fantasque être des bois, mal façonné et gauche, semblant se demander comment il pouvait bien vivre. Il éclata alors d’un rire gros, joyeux et terrifiant à la fois.
Il s’en était sorti ! Il avait vaincu le titanesque transit du géant ! Il claqua des mains et se mit à danser devant Wilhermine. Épuisé, le souffle court, et l’haleine longue de sucs digestifs d'autrui, il tomba à genoux face à elle.
« On s’est rencontré au moment le plus étrange de nos existences. Je ne sais pas si on se reverra un jour, mais ça restera gravé. J’ai perdu mon équipage, mes amis… Je vais pleurer et hurler à en briser des milliers d’éclats de rire futurs, mais toi… toi… Je vais me souvenir de toi et je te remercie parce que désormais, je garderai l’idée que même lorsqu’on touche le fond, même d’un intestin, il est toujours possible de creuser pour s’en sortir tant qu’on a quatre mains ! »
Melkus quitta peu après sa compagne d’infortune. Un canot avait miraculeusement survécu au désastre. À l’intérieur, les quelques instruments laissés en cas d’urgence allaient lui permettre de regagner l’un des navires de la flotte. Il commença donc à ramer et tandis que l’effort brûlait peu à peu ses muscles déjà bien endoloris, une pensée ne manquait pas de le réconforter ; son expérience allait permettre de fixer ce lieu sur une carte et d’en éloigner les marins pour que plus personne ne soit victime de la Digest’île !
