when I watch the world burn, all I think about is you • belial • end

Il fut un temps où Belial vivait au dessus du monde. (le Sien) Auréolé d’or et de lumière, tout en plumes et en yeux. Belilal côtoyait le Très Haut et dirigeait ses armées, travaillant son adresse à la lance et chantant de divines balades aux nuages à ses heures perdues. Le monde était beau. Belial avait un sens. Un rôle. Une place. Belial était aimé et Belial aimait librement, attaché à tous ses frères mais particulièrement Lucifer.

ses plaisanteries n’étaient pas du goût de tous
mais Lucifer, au moins, semblait appréciatif

Ca aurait pu durer longtemps, contemple parfois Belial en se rappelant de ses ailes. Enfin. Elle suppose que ça a duré longtemps. Mais des siècles sont maintenant des secondes à ses yeux et toute cette éblouissante lumière lui semble bien loin désormais. Pour elle, les doutes ont vite émergé.

Chaque ange était l’ange de quelque-chose, de ce que comprenait Belial. Bras droit du Très Haut, Porteur de Lumière, Messager, Gardien.. Sans arborer de jalousie (ce n’était encore pas dans ses cordes), Belial commençait néanmoins à s’interroger. Si leur Père aimait chacun de façon égale et inconditionnelle.. pourquoi n’avait-il pas de réel titre ? Certainement, il devait rater quelque-chose. Sans doute Ses nobles intentions lui échappaient-elles.

alors Belial est devenu curieux
Belial a cherché des réponses
peut-être n’aurait-il pas dû

Il n’y avait.. rien de très beau à dire sur lui. Rien d’agréable à entendre. Ange des ombres, ange sans loi, ange des rébellions; si les formulations variaient, toutes s’accordaient en un point: rien de bon n’était attendu de lui. Etait-ce un choix délibéré ? Etait-ce là Sa volonté ? Belial avait.. des questions. Des craintes. Des remarques.

Sans doute est-ce là ce qui le poussa à suivre Lucifer dans sa lutte pour voler de lui-même. (ça et cette amitié qu’ils nourrissaient depuis bien longtemps) Ce qui le fit sourire alors que ses ailes brûlaient dans Sa destructrice lumière. Ce qui l’a fait rire des os brisés et se délecter de son halo émietté.

il avait été créé pour ça, non ?
il avait bien joué son rôle
quel gentil pantin

Et pourtant, pensait-il en arrachant les restes de ses ailes calcinées, pourtant.. quelle hypocrisie. Leur Créateur n’était pas aussi Bon qu’il voulait bien le laisser croire. Ni aussi Juste, ni aussi Compatissant. Pourquoi, autrement, aurait-Il destiné Belial à autant de souffrance ? Pourquoi le punir de s’être parfaitement conformé à son rôle ?

par cruauté, réalisa-t-il, voilà tout
le Très Haut ne valait pas mieux que lui

Accepter cette réalité ne la rendait pas moins amère. Moins tranchante. (ce sentiment d’injustice, de trahison piquait plus encore que les cicatrices dans son dos) Mais Belial n’était pas le seul affecté. Pas le seul rejeté, le seul orphelin, le seul effondré. Alors il s’est appliqué à être une présence lumineuse dans ces ténèbres désormais leurs. Oreille attentive pour les paroles des uns et épaule pour les larmes des autres. Il était aussi cruel avec Ses sujets que doux avec ses compagnons d’infortune.

Ou.. de fortune, peut-être. Une fois habitués aux odeurs de sulfur et aux cris, les Enfers devinrent aisément leur Paradis. L’endroit où Belial se trouvait le plus à sa place.. après le champ de bataille. Car c’était là qu’il se sentait réellement en vie. Le sang masquait ses imperfections et les horreurs remplissaient ses vides.

il aurait pu faire ça longtemps
suivre Lucifer au bout de sa lutte
piétiner chaque dogme et saigner chaque ennemi

il aurait pu faire tout ça
(il aurait voulu faire tout ça)

si on ne l’avait pas de nouveau enchaîné

Cette fois-ci captif d’une ridicule bouteille en verre, Belial n’en finissait pas de pester. Ce vil sorcier méritait bien plus d’être appelé 'serpent' que Lucifer lui-même ! Certainement, il n’existait en ce monde nulle créature l’égalant en perfidie ! Aucun démon de l’enfer, aucun de ces répugnants humains ne saurait entrer en compétition avec ce Solomon !

Au fil des années, cela dit, force fut de constater que toute sa rage ne libérerait pas Belial. Ni les promesses de carnage ni les offres murmurées ne convainquaient le sorcier. Quant à cette maudite bouteille.. pour toute sa puissance, l’ange échouait toujours à l’ouvrir. Être réduit au rôle de prisonnier de poche d’un sorcier ne faisait du bien ni à son humeur ni à son ego, mais sous sa colère grondait autre-chose. Plus le temps passait, plus Belial se sentait.. inquiet.

pour Lucifer
pour son armée
pour tous les autres

S’il se doutait qu’ils pouvaient s’en sortir sans lui, Belial n’en était pas moins préoccupé. Comment avançait leur lutte ? Pas trop de blessés? Pensaient-ils à se reposer ? A faire des repas complets ? Les flammes de leur nouveau Paradis brûlaient-elles toujours aussi joliment ? Belial n’en savait rien et faute de meilleure compagnie, il se mit à le mentionner à Solomon. Les menaces firent place aux questions, les marchés pour sa liberté à des échanges d’informations.

Un fond de rancune avait beau persister, Solomon et Belial finirent par s’apprivoiser. Lentement. D’un peu loin. S’il n’avait pas été coincé ici, peut-être l’ange n’aurait-il jamais découvert cet aspect de lui-même. Peut-être serait-il resté trop obnubilé par les carnages et la vengeance pour voir la réalité. Belial veut le bien-être des siens. Il s’en inquiète davantage que de son ego malmené et ses envies de violence. S’il le faut, sans doute les fera-t-il passer avant lui.

(c’est.. une faiblesse, pense-t-il)
(mais il ne se verrait pas l'éliminer)

Le Très Haut leur a tous donné des défauts et Belial y vit là l’un des siens. Il ne l’ignorerait pas. N’en aurait pas honte non plus. Ne s’aliénerait pas pour une chose pareille. Tout ceci, annonça-t-il à Solomon avec un rictus, c’est le rôle de Leur Père qui est au Cieux. Lui, serait fier. Il les aimerait sans s’en cacher.

ce serait l’un de ses actes de rébellion
certainement l’un des plus sincères

Peut-être sa conviction a-t-elle inspiré Solomon, ce jour-là. Peut-être a-t-il lui aussi fini par décider qu’aussi puissant soit le Très Haut, il ne méritait pas d’être révéré. Quoi qu’il en soit, leur amitié fit un large bond suite à cette conversation. Si bien qu’à la nouvelle de l’ascension de Lucifer au plus haut honneur (à la plus haute horreur), Solomon n’hésita pas à libérer son captif. Il y pensait depuis longtemps, avait-il admis. En sachant comme Lucifer lui importait, le sorcier ne pouvait plus garder Belial enfermé. Pas dans de telles circonstances.

Malheureusement, le temps qu’ils atteignent Son Ami qui est aux Cieux, ce dernier n’y était plus. Parti. De l’autre côté du miroir, paraît-il. Ce monde était un cirque et Lucifer refusait de s’en faire le clown en chef. C’est en tout cas ce que se dit Belial.

alors à son tour
il est parti

Les Autres-Terres étaient étranges. Elles l’ont amoindri autant qu’elles l’ont étendu. Solomon, qui l’avait suivi, semblait tout aussi décontenancé. Quel vaste et curieux paysage. Quels amusants rebondissements. Aussi intrigué soit-il par ce nouveau monde, cela dit, Belial cherchait avant tout Lucifer. Si Solomon l’y aida pendant un temps, les deux finirent par faire chemin à part, ne restant en contact que grâce à ces curieux nouveaux appareils appelés thé-léphones.

Belial devint Belle Iial
et Belle Iial se fit connaître

Figure de l’ombre ou charmante partenaire conversation, l’ange commença à créer des connexion. Entre ses contacts ayant quitté l’autre monde à sa suite et de nouvelles connaissances dans ce monde encore plus fou, son réseau s’étendit à une vitesse confortable. (elle se trouva même à y prendre goût, s’amusant des rumeurs et autres murmures) Retrouver les traces de son ami, en revanche, n’avançait pas aussi vite qu’elle l’aurait voulu. Entre guerres, déchirements et vols d’âme comme au bon vieux temps, quelques contactes vinrent à disparaître. D’autres à changer. Belial, néanmoins, ne faisait que s’améliorer.

C’est au bout de quelques siècles, la chute d’un royaume et la fin d’une ère que Belial trouva quelque-chose de solide. Une ville sous-terraine. Un serpent tapi entre les racines d’un grand arbre. Si elle crût d’abord avoir entendu parler du mauvais mythe, Belial décida qu’il ne lui coûterait rien d’essayer.

elle s’y rendit sans réelles attentes
en repartit le coeur en fête

Luci.. Lucy était bien là. Même Solomon peinait à y croire. Lucy était là, vivante et en pleine forme, avec tout un tas de contrats à son nom, fondation d’un vaste projet futur. Lucy avait son âme, aussi. Belle la lui avait confiée, sous forme de talisman. (un flacon en verre pas plus grand que son pouce, quelle ironie) Belle lui offrit toute sa confiance avec, avant de filer pour le récemment-fondé Mêmeland. D’après Solomon, c’est là qu’elle aurait le meilleur internet..

Elle profita de l’excellente connexion du nouveau Royaume pour étendre les siennes pendant quelques années tranquilles. L’internet était un lieu fabuleux. Plein de failles à exploiter et d’informations à subtiliser. Il semblait à Belial qu’il serait encore plus simple de faire abandonner leurs âmes aux imprudents par l’un de ces ‘autorisez vous les brownies ?’ que par un contrat en bonne et due forme. (et elle ne prit certes pas d’âmes, mais elle en profita) Une nouvelle corde à son arc, l’ange s’informa par ici, usurpa par là, se faisant facilement un nom en ligne et sans doute tout un tas d’ennemis.

rien de très inquiétant
(rien de très nouveau)

Ce qui était nouveau, en revanche, ce fut le train ! A peine Lucifer lui communiqua-t-elle l’idée que Belial bondit à bord. Tant de nouvelles âmes à tourmenter de tant de façons différentes, quel divertissement. Si son premier intérêt fut la représentation du nouveau royaume sur les réseaux sociaux, elle se retrouva vite avec sa propre émission. Visiblement, Belial n’est pas l’unique amatrice de rumeurs ! Elle doit cependant admettre.. que rien de tout ceci ne lui semblait particulièrement attrayant, lorsqu’elle a accepté l’offre. Non, son esprit a rendu la chose très simple:

un road trip avec Lucy ?
n’en dites pas plus !