591 ap.A. Le regard se perd, tantôt sur les devantures de toutes sortes, tantôt dans le vide. Le moral n'y est pas aujourd'hui. Le soleil n'est plus, la lune est tout en haut dans le ciel. La plupart des échoppes sont fermées, bien évidemment. Et toi tu es là, seule avec ta fatigues, seule avec tes yeux froids et suppliants de se fermer une bonne dizaine d'heures. Mais tu n'en peux plus. De ces souvenirs, de cette froideur, de ces cauchemars. Tu aimerais que le sommeil te soit réparateur, mais il ne fait que t'épuiser. Et s'il n'est pas réparateur, tu aimerais au moins qu'il soit clément. Qu'il te laisse au moins sans cauchemars, quelques nuits. Sans réveil difficile, sans sueurs froides, sans peur de te réveiller un épée plantée dans le plexus. Mais ton sommeil ne connait ni silence ni trêve, alors on te retrouvait souvent ainsi. La nuit durant, arpentant les rues, une allure de zombie collée à la peau. Hier c'était aux abords de Lostland, avec un air nostalgique dans les yeux. Aujourd'hui, c'était au tour des échoppes, non si loin du crématorium. A chaque balade nocturne, tu remarquais de nouveaux détails dans le paysage. C'était amusant, c'est comme si tu redécouvrais les lieux que tu avais toujours arpenté depuis maintenant plus de quatre cent ans. Combien d'années ça fait exactement, déjà ? Ca fait longtemps que tu as abandonné de te rappeler le nombre d'années que ça fait exactement, que tu foules ces terres, que tu respires. Mais de temps en temps, la question revient, et tu essayes, quand même, de chercher. En vain. Tu abandonnes généralement rapidement. Aujourd'hui, d'autant plus. Car les yeux étaient attirés, intrigués. C'était lui ? Celui dont les rumeurs parlaient, celui qui effaçait les rêves et la fatigue à la fois, ne laissant que l'éveil aux nuit autrement douloureuses. Cela semble bien être lui, la tête haute, l'air hautain. Mais sans être sûre, il te fallait savoir. Tu accélères le pas pour aller à sa rencontre, l'espoir dans les yeux, la crainte dans la gorge. Il n'était pas réputé agréable, tu espérais que ça se passerait bien.
❝ Bonjour ! Euh.. Vous êtes bien celui qui arrête les rêves ? ❞
Ces terres déjantées me répugnent, m'indignent et me révoltent par la léthargie dans laquelle vos esprits se plongent systématiquement. Pourquoi prendre la peine de réfléchir quand on peut s'en dispenser ? Vous qui ne jurez que par la facilité, je vous exècre. Pourtant, je suis là, détonnant avec le décor, quel qu'il soit sans trouver ce que je cherche, sans m'épuiser ni pouvoir fouler cette destination convoitée à laquelle seul moi n'ai pas droit. À croire que la nuisance que je suis aurait pu dissoudre cette harmonie avant même que je n'aie le temps de leur prouver le contraire. Soit, si je ne peux rêver, ironiquement j'en dispense d'autres de le faire. Souvent contre un service, parfois par caprice. Ceux dont les illusions mièvres m'agacent et empiètent sur mon humeur, je les maudis d'une nuit sans sommeil.
Une excuse, un regard épuisé, une demande à m'en faire grincer des dents. Lèvre retroussée dans une grimace à fossette, je sais ce que tu cherches. Tu pourrais mourir de fatigue et perdre un bout de quelque chose à tout jamais. Mais tu es venue à moi pour une raison bien précise, pourquoi t'en priver ? Tu es maîtresse de tes choix, aussi mauvais soient-ils. Tu seras un peu plus comme moi de regretter les immenses conséquences de tes actes.
"Plaît-il ? Je suis l'Insomnie, les rêves et les cauchemars, je ne m'en occupe pas" crois-tu, petite insolente qu'il est impossible d'imaginer, les yeux grands ouverts ? Si je n'avais pas cette idée en tête, il y a longtemps que j'aurais tout détruit et tu n'aurais pas vu le jour. Ni toi ni tes angoisses. Ne fais pas l'erreur de confondre la douceur plaisante de tes songes, si peuplés de folies puissent-ils être avec l'horreur dont tes propres démons se nourrissent.
"Tout à un prix. Ton sommeil contre un service, quel qu'il soit quand je le réclamerai. Si tu ne le respectes pas je te pourchasserais et tu ne dormiras plus jusqu'à ce que mort s'ensuive" tu es libre de tes choix, mais lorsqu'ils font appel à moi, tu ferais mieux de tenir parole, car la mienne, si peu fiable soit-elle, sera toujours promesse quand il s'agit de menaces.
Jabberwocky
Déjan-thé
Icône :
Citation : " I will bring justice to the dead, and love to the dying ones. "
Messages : 29
Âge : 400 ans par là
Race : Déjan'thé
Métier : Opératrice de crémation
Avatar : A2 - NieR Automata
Origine : Jabberwocky de Lewis Carroll
Pouvoir : Se transformer en dragon
Icône :
Citation : " I will bring justice to the dead, and love to the dying ones. "
La réponse fut aussi sèche que tu t'y attendais. Il était fidèle à sa réputation. Le regard jugeur, l'air hautain, le ton froid. Mais il faut dire qu'il n'y en avait pas deux comme lui foulant ces terres, il était le seul à potentiellement pouvoir t'aider. Il allait te falloir trouver quoi lui dire, comment t'y prendre, essayer de le comprendre. Car tu refusais de continuer à vivre cette vie de nuits épouvantables. Tu avais besoin que ça s'arrête. Pas demain ni le jour d'après, maintenant tant que tu en avais la clé devant les yeux. S'en suivirent d'autres mots, qui sonnaient comme un contrat. Il ne s'était d'ailleurs pas arrêté pour répondre à tes questions, pour t'écouter lui répondre ou ne serait-ce que pour faire en sorte que tu l'entendes, non. Il marchait nonchalamment de la même que tu l'avais trouvé, à toi revenait de le suivre si tu voulais pouvoir continuer cette discussion. Il avait les pouvoirs sur toi et tes attentes, et il l'avait très bien compris. Tu soupçonnais qu'il trouvait ça relaxant, d'avoir cette supériorité. Mais tu ne le connaissais pas assez pour le savoir réellement. C'était juste un avis, construit par cette rencontre fortuite et les dires de ceux qui parlent de lui.
❝ Très bien, soit. Je ne compte pas me défiler de toute manière. Mais, dites-moi, ❞ Était venu le moment des négociations, car c'était bien mignon son petit contrat, mais le fameux avait utilisé le futur dans sa phrase. Et toi tu voulais échanger service contre paix tout de suite, pas quand il en aurait bien envie. ❝ Vous n'auriez pas un service à me demander, maintenant ? Je suis débrouillarde, je peux sûrement vous aider. ❞ Semi-mensonge. Autant l'étais-tu, débrouillarde, autant n'étais-tu point magicienne. Tu espérais seulement maintenant qu'il serait assez clément pour te proposer un échange sur le tas, et surtout, qu'il te soit possible de le mener à bien.
Lente agonie pour quelques heures de sursis. Tu ne prends pas mes mises en garde au sérieux. Quand viendra le jour où tu le regretteras, fais-moi signe, que je me repaisse de cette souillure à laquelle tu n'as pu échapper. Je te narguerai d'un air réprobateur, celui que l'on ne veut entendre. Loin d'être la voix de la raison, j'en connais un rayon sur les travers de ce monde et le manque de sommeil, très chère, est l'un des pires. Je lève mes yeux au ciel, ton impatience est telle que je suis à deux doigts de répondre à ton souhait et te poursuivre jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Bras croisés, je t'observe, petite crevette inconsciente. "Si c'était si simple, on me courrait après et crois bien que ça ne m'arrangerait pas. Pourquoi faut-il toujours que vous soyez pressés ?" Le temps n'est qu'une notion secondaire quand nombre d'entre nous possèdent l'éternité. Pas toi, je l'espère. Bien que tu ne serais pas la première à quémander si dangereux état pour des broutilles.
"C'est à prendre ou à laisser, aucune négociation possible, sais-tu seulement ce qu'une nuit de sommeil signifie pour d'autres ?" Dernière question avant la transaction. Du reste, tu fais ce que bon te semble, je réclamerai mon service quand je le déciderai et il n'en sera pas autrement.
Ils sont si prévisibles, ces microbes avides de je ne sais quoi. Ne peuvent-ils pas se contenter de ce qu'ils ont ? Non, non, évidemment. Je voudrais tant pouvoir prétendre au somnambulisme et poignarder tous ces lâches sans la moindre sanction. Qui pourrait en vouloir à cette subtile transe ?
