Once upon a time...
Il était une fois, une grande famille aimante. Des enfants qui jouent dans les prés. Une enfance heureuse. Bull…shit.
Peut-on vraiment parler d’enfance? À l’aube de ton adolescence, tu avais déjà une pelletée de gamins entre les bras. Parent de substitution de ta fratrie délaissée par un père en fuite et une mère alitée. 6 vies à ta charge. 6 vies aimantes, ingrates, aveugles, survivantes. Tu as sacrifié ta jeunesse Tes années d’insouciance. Pour mettre du pain sur la table. Maintenir un toit au-dessus de vos têtes. Pour être une mère intransigeante, alors que la vôtre n’avait pas la force. D’encadrer. D’éduquer. D’aimer. Tu as voulu offrir à tes frangins, ce que personne ne t’offrait à toi. Tu aurais tout donné pour ceux que tu aimes.
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Il s’est présenté au pas de ta porte. Il t’a vendu du rêve. À toi, adolescente épuisée par un destin qui ne devait pas être le tien. Trahie par ses géniteurs. Engouffrant une rancune que tu n’avais pas le temps d’exprimer. Il t’a offert un quotidien plus heureux. Pour toi. Pour tes frangins. Une chance d’alléger la responsabilité qui t’accablait. Le tout pour un prix d’apparence dérisoire.
Que représentait l’abandon d’une mère absente, mourante? Une mère qui ne vous avait jamais rien donné et avait tout délégué à son aînée. Tu buvais ses paroles comme l’annonce de ton sursis. Tu n’as pas hésité. Tu as claqué la porte de ta demeure. Traîné la marmaille avec toi. Rejoins le Jolly Roger. Une nouvelle demeure. Une nouvelle famille. Un nouveau père. Le grand frère que tu avais toujours voulu. Celui qui te protégerait de ces douleurs passées. Tu en étais persuadée. Convaincue. Tu l’aimais, Tinkerbell. Il t’avait sortie de ton enfer. Sauvée d’un futur trop prévisible. Celui d’une famille qui se bat contre son destin, mais ne s’en sort jamais. Oui, tu l’aimais. L’adorais.
Un amour entaché bien rapidement. Par ces taquineries qui piquent. Ces commentaires sur ton physique. Incessants. Lassants. Ton attachement les rendant encore plus difficiles à entendre. Plus facile à croire. Des propos acerbes qui se frayaient un chemin jusqu’à ton cœur. Qui alimentaient tes doutes. Plus tu y croyais et plus ces mots devenaient tranchants. Plus la douleur se faisait vive. Trop vive. Vous ne vous êtes jamais compris. Jamais écouté. Il n’a pas su voir le dégoût qu’il créait en toi. La façon dont tu grimaçais face à ton reflet. Il n’a jamais vu la colère qui grandissait. Et toi, tu n’as jamais compris l’affection qu’il t’accordait. Qu’il cachait entre ces mots. Le temps a eu raison de votre proximité. Tu le détestais. Le haïssais d’avoir détruit ce lien qui vous unissait.
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Elle t’a intriguée dès son arrivée. Dérobée à son monde par Tinkerbell. Elle n’était pas comme les autres. Ne se jouait pas de toi ou de ton physique. Tendresse. Douceur. Tout ce que tu n’avais pas trouvé chez ta famille. Tinkerbell et Hook t’avaient offert la sécurité. Un monde auquel appartenir. Wendy c’était autre chose. Tu la croisais sur le pont et ton cœur battait si fort. Ton souffle se faisait court. Tes mains moites. Tu perdais ton assurance. Tu la voulais à tes côtés. Tu la voulais pour toi. Pour toi seule.
Mais Wendy passait tout son temps avec Tinkerbell. Et Tinkerbell tout son temps avec Wendy. Tu étais spectatrice de l’idylle dont tu rêvais. Tu ne pouvais pas le supporter. Pas elle. Pas lui. Tu laissais ton chagrin alimenter ta colère. Manigançais pour les séparer. Les éloigner. Susurrais à l’oreille de l’un. De l’autre. Une vérité déformée. Une rumeur habile. Tu semais le chaos dans leur quotidien. Ne te gênait pas pour donner ton avis. Te gardant bien de dévoiler tes véritables intentions. Mais rien n’y faisait.
Au fil de tes échecs, l'amertume grandissait. Te prenait tout entière. Tu rêvais de voir leur affection voler en éclat. Tu criais pour t’éviter de pleurer. Avec Hook à tes côtés, tu te sentais légitime. Il approuvait tes sentiments et te permettait de justifier tes actions. S’il avait su, il se serait tu. S’il t'avait regardée davantage, comme il regardait Tinkerbell, peut-être aurait-il mieux mesuré tes excès. Ta détermination. Ta sensibilité explosive. S’il t’avait aimé autant que lui… Peut-être auriez-vous évité la catastrophe.
Tes cris qui explosent dans les cieux des Otherlands. Ton esprit embrouillé par la colère. Aveugle. Égoïste. Tes pas qui s’avancent vers Wendy. Menaçant. Qui l’acculent contre la rambarde. Elle ne comprend pas. Elle ne voit pas. Les souffrances qu’elle te cause. Tu veux qu’elle comprenne. Comme elle t’a comprise à son arrivée. Tu veux qu’elle te rende cet amour immense qui t’accapare. Tu écoutes à moitié les mots qu’elle te hurle en retour. Pourquoi ne veut-elle pas comprendre? Tu agis sans réfléchir. Tu la repousses. Son corps disparaît. Passé par-dessus bord.
Tu ne bouges plus. Ne saisis pas vraiment ce qui vient de se passer. La rage disparaît. Laisse place à la peur. Où est Wendy? Qu’as-tu fait? Non. Ce n’est pas toi. Tu n’as rien fait. Tu l’as poussée. Mais ce n’est pas de ta faute. On t’a provoquée. On ne t’a pas donné d’autre choix. Tu n’en serais jamais arrivée là s’ils avaient écouté. Tu n’aurais jamais osé s’il n’avait pas repoussé tes limites pendant des années.
“C’est de ta faute Tinkerbell! Tout est de ta faute!” ▲ ▼ ▲ ▼ ▲
Tinkerbell est parti. Il t’a abandonnée pour elle comme elle t’a abandonnée pour lui. Hook a disparu. Quelque part au fond des cales. Parfois, vous l’entendez gueuler sa peine. Il vide les bouteilles pour oublier la perte de ses enfants. Wendy, décédée. Tinkerbell, à sa recherche. Toi, qui as perdu ton innocence. Il t’avait pourtant figée dans le temps. Ton âme, enfermée pour te préserver. Éternellement, enfant. Ça n’a pas suffi. Tu n’as plus rien de la gamine qu’il a arrachée à sa tragédie.
Vous avez perdu votre capitaine. Le Jolly Roger est à la dérive. Tu as fait ce que tu fais le mieux. Tu as repris le contrôle. Sauvé la mise. Comme tu avais tenté de sauver tes frères et sœurs. Comme tu les avais protégés en les emmenant ici. Tu as repris la barre. En faisant fi de ton propre deuil. De tes propres blessures. De ta propre fatigue.
On ne saura jamais vraiment comment c’est arrivé. Pourquoi tu n’as pas vu venir la cime de l’Onyx. Tu gardes pour toi tes faiblesses. Tes erreurs. Tes secrets. Certains diront que tu étais bouleversée. Acharnée à ne pas le laisser paraître, tu as trop pris sur toi. Des responsabilités que tu ne pouvais pas combler. Certains diront que tu ne dormais plus. Que les seuls moments où tu pouvais pleurer sans être vue étaient ceux que tu partageais avec ton lit. Que secouée par les sanglots, tu ne trouvais plus le sommeil. Certains diront que tu n’en pouvais plus. Que tu as détourné les yeux et laissé le navire s’écraser sur le sommet colossal.
Tu t’es éveillée au milieu des tiens. Tu as retrouvé tes frères et les enfants perdus. Mais ton père adoptif était introuvable. Hook t’avait délaissée comme tous les autres. Trahie encore et encore par ceux dont tu étais la plus proche. Par ta famille. Par ceux qui devaient veiller sur toi. Si tel était leur souhait, alors tu leur prouverais que tu n’avais pas besoin d’eux.
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Wonderland est devenu ta demeure. Cachée derrière tes souhaits d'indépendance, tu as continué à chercher secrètement Hook. Jetant un coup d’œil par les portes des tavernes. Scrutant discrètement le visage des sujets du royaume à la poursuite de ta figure paternelle. Recherches infructueuses, elles t’ont tout de même menée jusqu’à elle.
Douce. Candide. Adorable. Tu es tombée sous son charme et l’as laissée prendre sa place au sein de ton cœur. Son affection est devenue tout pour toi. Tu attendais ces moments de paix avec impatience. La retrouver. Partager ton temps avec elle. L’aimer tout simplement. Vous vous fréquentiez depuis peu. Vous connaissiez depuis aussi peu. Tu aurais tout donné pour elle. Tout jusqu’à ton âme. Tu lui as confié ton talisman sans réfléchir. Tu lui vouais une confiance inconditionnelle.
Mais dans ta vie, l’amour est une mascarade. Une tromperie. Un conte de fées. Il est toujours faux. Menteur. Un moyen de t’amadouer pour tout te prendre. Pourquoi t’attendais-tu à autre chose? À une affection véritable? C’est au milieu des tiens qu’elle a laissé tomber les masques. Qu’elle a révélé sa véritable identité. Non pas celle d’une jeune fille vulnérable, mais celle du prince maltraitant ses jouets par pure malice. Ta douce n’était qu’un rêve en dentelle. Qu’une parure derrière laquelle se cachait ton véritable cauchemar. Humiliée, blessée, tu as fui en laissant ton âme et ton cœur brisé à Snow White.
Il t’a détruite. Dernier poignard enfoncé dans ta chair. Dernière trahison impardonnable. Dernière preuve de l’hypocrisie universelle. Tous ceux que tu acceptais à tes côtés te trahissaient les uns après les autres. C’était trop. Tu ne pouvais plus. Assez de se jouer de Petra Pan. Assez de la balancer contre les murs. De la marteler pour assouvir un plaisir malsain. Tu n’aimerais plus. Tu ne te ferais plus prendre par leurs belles paroles. Tu serais sans pitié. Et Snow White serait le premier à payer.
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Tu as été cette rumeur. Ce murmure entre les ruelles de l’Underland. Une silhouette sombre. Encapée. Qui rallie tranquillement les méprisés. Les mal-aimés. Empathique à leur détresse, tu leur as servi ta vérité. Le portrait déformé d’une monarchie dépassée, hypocrite. Une perception envenimée des sévices qu’ils faisaient endurer. Tu as propagé le doute. Il a grandi dans les tréfonds du royaume. S’est élevé encore et encore. Glissant dans les esprits l’image d’un monde meilleur.
Ce n’était pas assez. De parler. De convaincre. Vos actes n’étaient pas assez grands. Vos cris, pas assez forts.Ton amour déchu, son frère royal, tu voulais qu’ils te voient. Qu’ils t’entendent. Tu voulais qu’ils regrettent. De vous avoir négligé. Toi. Les Nouveau’thés. Tous ceux qu’ils avaient regardés de haut en se pensant intouchables. Tu as été ce vent ravageur. Qui détruit pour mieux reconstruire. Tu as mené la révolte. Dérobé une partie du royaume. Tu as récupéré le Jolly Roger et ce qui l’entourait. Tu es devenue créatrice de Memeland. Défiant l’absoluité de Wonderland.
Tu as retrouvé une famille sur laquelle veiller. À l’image de tes frères, tu as imposé tes règles à ton peuple. Pour son bien. Sa sécurité. Pour veiller sur la paix au sein de ton royaume, tu n’hésitais pas à châtier l’indiscipline. Si tu inspirais parfois la peur, ce n’était que pour leur promettre un avenir meilleur.
Petit à petit Memeland a grandi, a gagné en puissance. Ta nouvelle force te permettant d’atteindre plus facilement tes objectifs. De calmer les feux de ta colère. La chance tournait en ta faveur. Un souffle anonyme te rendant ton père d’adoption. Son emplacement dévoilé, tu as ramené Hook à tes côtés. Son âme dérobée, il ne te quitterait plus. À défaut de savoir lui faire confiance, tu t’entourais d’un cortège doué. Tu guettes pourtant toujours cette terre voisine. Cherche discrètement une nouvelle faiblesse à exploiter. Pour faire souffrir ceux qui t’ont maltraitée.