Soie et étoffe

Robin avançait doucement pour ne pas faire trembler la toile qui l'entourait. Un faux mouvement et ils rappliqueraient. Ce n'était pourtant pas un problème, il était suffisamment patient et méticuleux pour ne rien risquer. Et puis son corps était si tordu et fin qu'il n'avait aucun mal à se faufiler n'importe où.

Il approchait de son but. Aucune tentation d'accélérer pour autant. Il ne ressentait pas d'excitation. Il devait y aller, prendre l'étoffe et repartir. Ensuite, il recommencerait ailleurs. Il n'avait pas hâte de partir d'ici ou que tout se finisse. Toutes ces questions lui glissaient dessus. Les seules qui avaient encore une importance se résumaient rapidement : quoi, où et comment ou plus précisément quelle relique de Marianne ? En quel lieu ? Comment la récupérer ?

Sa réussite jusqu'à maintenant au sein de ce monde malade était donc simple à expliquer. Il allait toujours à l'essentiel et ne se souciait de rien d'autre une fois son cap fixé.

Devant lui, une femme se débattait pour sortir d'un cocon. Son agitation n'avait pour le moment attirer personne. Ils n'étaient que tous les deux mais ce n'était qu'une question de temps avant que cette solitude soit rompue.

Robin arma son arc et se prépara à tirer.

La créature semblait sûre d'elle. Robin pesa rapidement le pour et le contre. Il pouvait tirer mais c'était prendre le risque qu'elle eût dit vraie sur l'inefficacité de son attaque. Dans ce cas, elle ne manquerait pas d'être bruyante et de s'agiter d'autant plus. Il pouvait passer son chemin mais si elle s'avérait belliqueuse comme leur première interaction le suggérait, elle avait toutes les chances de devenir un problème pour la suite.

Il rangea son arc et tira sa lame. En quelques coups précis, il défit la toile et libéra ce qui s'avéra être une jeune femme au teint gris.

Robin ne lui adressa pas la parole et se contenta de lui indiquer le silence en plaçant son index sur ses lèvres. Il repartit ensuite d'un pas rapide mais toujours prudent ; ce n'était pas le moment de faiblir, il approchait de son but.

Elle semblait désormais le suivre. Robin ne s'en offusquait pas. Tant qu'elle ne faisait pas de bruits, il s'en moquait. Il réajusta son équipement. Il pouvait maintenant apercevoir la caverne.

 Dans une anfractuosité du flanc montagneux, presque entièrement recouverte de toiles comme le reste du paysage, demeurait l'un des objets de sa terrible obsession ; un morceau de la robe de feu sa promise. Comme toutes les autres pièces d'elle qu'il avait accumulées, elle ne calmerait sa tragique affliction qu'un temps, mais qu'importe, c'était toujours un peu d'elle pour remplir son vide.

 Robin commença à escalader la paroi. La nouvelle venue, allait-elle le suivre ou non ? Peu lui importait.
Il sentit toutefois rapidement un véritable problème. Il avait été trop brusque dans ses mouvements malgré ses précautions. Deux immenses araignées arrivaient. Il fallait passer à l'action. Les créatures étaient vives, il n'avait pas beaucoup de temps.

 Robin redescendit rapidement et sortit de sa poche, un fin aiguillon. Il se piqua les différents membres ainsi que le torse et la tête puis ressortit son arc. Les effets se firent rapidement sentir. Tout son corps était engourdi. Il avait perdu sa sensibilité et ainsi son sens du toucher.

  S'infliger à lui-même de terribles handicaps était la technique la plus terrible du frêle renard qu'il était. En devenant cette parodie d'être, il avait en effet obtenu le sinistre pouvoir de pouvoir répandre autour de lui la perte de ses sens.

Les araignées chutèrent de leurs toiles telles des proies ivres. Lui maintenait son arc tendu. Comment était-ce possible ? Le venin qui paralysait ses sensations, accentuait également ses nerfs vecteurs de douleur. Il pouvait donc contrairement à ceux sous son emprise continuer d'user de son toucher, mais le prix à payer était redoutable.

La première flèche partit au milieu de la forêt d'yeux de la bête. Elle s'écroula sans un son, tandis que sa compagne se dandinait affreusement sur le dos.

Il tira sa seconde flèche et l'autre connut le même sort.

Robin s'avança ensuite près des cadavres pour récupérer ses armes. Les pointes étaient encore en état. Il les nettoya avec un chiffon puis les rangea.

Son étrange poursuivante était toujours là. Il se demanda ce qu'elle pouvait bien vouloir. Elle ne semblait pas intéressée par la grotte sinon elle aurait pu aisément se faufiler pendant qu'il était occupé. Ou alors elle était idiote.

Dans un cas comme dans l'autre, elle ne posait aucun problème et c'était là le principal. Il recommença à grimper.

Il atteignit rapidement son objectif mais s'agaça en découvrant non pas l'étoffe directement mais un coffre. Il essaya de l'ouvrir mais n'obtient aucun résultat malgré sa dextérité dans le domaine.

Il le prit avec lui, il n'était pas bien lourd, et descendit la paroi. Il s'approcha ensuite de sa visiteuse et lui montra le coffre.

"Est-ce que tu as une idée de comment on ouvre une serrure de ce type ? Manifestement, c'est un mécanisme magique."

Robin fronça les sourcils. Il n'avait aucune envie de prendre le risque de détruire le coffre. Quant à l'autre possibilité ... Il n'avait pas mis les pieds dans une ville depuis longtemps. Toutefois, cela n'avait aucun intérêt non plus de transporter un coffre qu'il ne pouvait ouvrir.

L'autre problème était qu'elle voulait l'accompagner. Elle se décrivait comme "des plus inutiles" et il était d'accord avec ce constat auquel il ajouterait bien "et épouvantablement bruyante". Et puis ... Il était délicat de lui faire confiance.

Qu'était-elle donc au juste ? Elle ne semblait pas craindre la mort mais empestait son odeur et malgré sa façon nonchalante d'exister, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle était plus que ce qu'elle voulait bien claironner.

Mais il n'avait pas vraiment le choix non plus. Il préférait éviter un affrontement face à une créature qu'il ne comprenait pas.

"Suis-moi si tu veux. Tant que tu ne me gênes pas, peu importe."