.Bagheera

Tu n’es le jouet de personne.

Simple promesse que tu t’étais faite à toi-même, cette nuit-là, lorsque tu t’étais enfuis de ta cage dorée, alors que la révolte grondait contre les portes de la grande tour.

Enfant passeur, tu attiras beaucoup de curiosité lorsque tes pouvoirs furent découverts par mégarde dans tes jeunes années. La nouvelle ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et tu n’échappas guère à l’appétit vorace du Créateur. Enlevé à tes parents, les pieds et poings liés, tu ne trainais pas de réel boulet, ni de chaînes ; tu restais captif. Un œil toujours présent pour observer le moindre de tes gestes. Il aurait été fort dommage de perdre un si jeune passeur avant qu’il ne soit assez grand pour appatter les Alices vers le Royaume Noir. Le roi t’avait arraché à tes parents, le duc te privait de ta liberté.

Tu le détestais, l’enfant du Duc. Un gamin insolent d’à peu près ton âge. Tu n’aimais pas cette famille. Pourtant il t’était bien plus simple de te remémorer leur faux sourire que le visage de tes propres parents. A cette époque, tu ne manquais de rien. Tu bénéficiais même d’un logis luxueux que grand nombre ne pouvait se permettre dans le Royaume. Mais tu n’étais à l’époque qu’un simple animal de compagnie, parfois un domestique, un souffre douleur ou un jouet. Il fallait bien te donner une utilité et t’apprendre à être docile et obéissant, le temps que tu ne grandisses et que le Roi Noir ne s’approprie ton âme ainsi que ton statut de passeur.

Le temps fila et le vent finit par tourner. Le ciel s’obscurcit et le tonnerre gronda. Fouches pointés vers la tour, le peuple réclamait les droits des Alices. Tu profitas de la cohue et du regard du duc tourné vers cette tempête pour ouvrir la cage symbolique dans laquelle l’on t’avait enfermé durant d’interminables années. Tu ne pris aucune affaire avec toi, rien ne t’appartenait. Tu fuyais à grandes enjambées. Tu fuyais les griffes du Roi et de cette famille. Tu fuyais. Quelque part.  

Ce fut auprès de la troupe de Robin Hood que tu trouvas enfin un foyer dans lequel tu eus l’impression d’enfin respirer. Bien que le premier Roi Noir venait d’être renversé, le Royaume n’était pas encore en paix et la guerre continuait de sévire. Les rois se succédèrent jusqu’à ce que Robin Hood ne devienne l’Architecte. Loyal et plaçant tes espoirs en iel, tu lui offris ton âme et tes services de Passeur. Le Royaume se reconstruit. La guerre prit fin. Mais tu étais naïf. Vous l’étiez peut-être tout.e.s un peu… A quoi t’étais-tu de nouveau enchaîné ?

L’architecte démissionna après avoir formé lea Féérique. Tu ne débauchas pas, fidèle au Royaume que Robin Hood s’était embêté à construire. Ton âme appartenait aux Rois Noirs, après tout. Quelle entêtement stupide. Ce ne fut qu’après l’assasinat de cet énième roi et les désaccords avec son successeur assassin que tu pris la fuite de nouveau. Tu disparus de la circulation, essayant de te faire oublier avant de finalement trouver une nouvelle destination.

Une forêt sous terre parée d’émeraudes : Tree Town. Depuis la chute du Royaume, tu y avais élu domicile et contribuais au développement de la “ville”. Parfois bricoleur ou rafistoleur quand l’aide se faisait ressentir, mais surtout grand chapardeur. Tu ramenais des vivres aussi bien de la surface que du monde réel… Et autant dire qu’il t’arrivait parfois de commettre quelques bourdes.

N’appartenant plus à aucun Royaume, selon tes dires, tu n’étais pas intéressé à ramener des Alices à Otherland. Tu craignais même que l’on te suive malgré toi, lors de tes escapades. Et cela ne manquait pas. Malheureusement. Tree Town avait beau être une terre d'asile pour tout.e.s, tu ne pouvais te résoudre à ce que ton statut de passeur soit connu du plus grand monde. Tu voulais vivre tranquillement, dans ton paradis éphémère. Mais tu ne pouvais pas dévorer ces Alices ou les abandonner sans le moindre remord. Tu avais encore un peu trop de cœur pour en venir à de telles fins. Alors tu leur tenais compagnie quelques jours et les informais brièvement d’Otherland, profitant de leur ignorance pour ne pas divulguer ton petit secret avant de les emmener aux abords de Wonderland pour les confier à une connaissance de confiance.

Tu essayais de ne pas t’attacher à ces petits d'homme et tu espérais ne jamais les revoir. Ce ne serait pas prudent, ta dernière maladresse remontant à six ans... Sûrement la plus jeune Alice que tu ais dû envoyer loin de toi.

Des remords ?

Non. Tu voulais vivre tranquillement, pas devenir l'animal de compagnie d’un autre Royaume.