Courant d'air et Court en l'air (ou : Wind wins) -Nyan Cat

Duchesse s’est toujours interrogé.

Pourquoi diable est-il si léger ?
Il a une taille relativement dans la norme -quoi qu’un peu court sur pattes, or là n’est pas la question : son poids plume est la question-, pourtant, Madame le soulevait sans soucis. Ses frêles bras de noble-j’ai-appris-la-cours-et-c’est-tout l'enserrent afin de lui témoigner toute son affection et espièglerie ? Vraiment, aucun souci. Pieds décollés du sol. Zoup.
Grâce à cause de son poids plume.
Oh, il grognait Duchesse.
C’est un dur, un vrai. Alors être pris ainsi dans les bras…!
Bon, il ronronnait aussi et ne se débattait que pour la forme. Ce qui ne le rendait peut-être pas assez crédible. Cependant, il lui fallait exprimer son indépendance de caïd, grmf !
Son image en dépendait -voilà, son image-.

Toujours est-il que Duchesse, il a un poid plume.

Dans les jours très venteux, des fois, il lui arrive de perdre rapidement l’équilibre, mais son agilité et quelques bons réflexes ont tôt fait de le remettre d'aplomb. Ça, et de bonnes griffes plantaires qui accrochent magnifiquement le sol. Une veine pense-t-il.
Ce qui n’est pas de bol, c’est aujourd’hui par contre.

C’est venteux. Genre Très. ‘Semblerait que même un pays très doux et tendre aime bien une certaine normalité météorologique. Beau temps, oui, ainsi que pluie, brume, orage...
Et vent.
Surtout pendant l’Havent’ure.

Ah ! Sauvé par le gros sac de croquettes pour chiens et chats errants qu’il tient entre ses bras Une sombre histoire de mamie qui ne pouvait pas aujourd’hui et qu’ça lui brisait le cœur. “Pas mon problème” a dit Duchesse en détournant le regard -puis il a accepté de remplacer Mamie-. Et le sac de croquette est assez lourd et le maintient au sol. Duchesse Wins.
Bien.
Parfait même.
Retour de la chance.

Ce qui est moins une aubaine, pense-t-il en marchant à contre-vent, c’est de voir un collègue chat passer avec légèreté au-dessus de lui -limite a-t-il dû se pencher afin de ne pas se prendre un pied dans le museau-, emporté par une bourrasque moins légère que lui. Du genre presque vénère même.
Si lui est poids plume, Nyan Cat est poids-négatif.
Ah, quelle drôle de vie dans ce pays !
Évidemment qu’il apprend à se faire à ses étrangetés, ce n’est qu’une partie du paysage. Une peinture bigarrée, différente de celle qu’il a toujours connue, une colorée des milles nouvelles choses ! Un quotidien neuf qu’il assimile et accepte sans se débattre. La résilience, c’est important : plus qu’une compétence, c’est un mode de vie. Ce pays est si éloigné de l’Upperland et l’Underland, s’en est déconcertant.
Évidemment qu’en voyant son jeune ami il en lâche le paquet de croquettes et se précipite à sa suite. Qui sait où le vent peut emmener l'arc-en-ciel fait félin ?
Et Duchesse, il est… disons pas bon en tout, oui, mais il sait un peu tout faire. Juste pas super bien. Il sait un peu courir vite - assez pour se situer en dessous de son comparse balloté- il sait un peu sauter -assez pour lui frôler les pieds- et il sait un peu reconnaître qu’il lui faudra une petite aide pour l’atteindre. Et dans ce coin en friche entre deux jolies bâtisses, où l’herbe verte d’une prairie danse avec le courant d’air, son opportunité se présente en un arbre où les feuilles chantent avec la brise.

Duchesse a, par contre, toujours été super bon à grimper les arbres -ouaip, ça, il est doué !-. Alors il escalade en quelques sauts à peine et là, d’un nouveau bond, il arrive à saisir les chevilles de Nyan cat.

Et là, vient le problème de son poids plume.

Car il décolle presque.

Et Duchesse, il aime bien pleins de trucs, mais faire le drapeau derrière un ballon de baudruche n’en fais pas partie. C’est un peu avec l’énergie du désespoir qu’il s’accroche à une dernière blanche grâce aux griffes de ses pieds -cheh à toutes les personnes qui lui vantent les bienfaits des chaussures-. Cool ! Il n’est maintenant plus qu’un charmant carillon tintinnabulant (pour la version poétique) ou un manche à air sifflant (pour la version véridique).

Ainsi accroché, tendu comme la corde d’un arc entre son bout de branche et son compère chat, il soupire, conformément aux us et coutume de la saison - il ne se savait pas traditionaliste, mais on en apprend tous les jours-. Les cheveux flottants, les oreilles vibrantes et sa queue angora battante, il regarde ses couleur à l'hélium qu’il tient comme si sa vie en dépendait -peut-être pas la sienne, mais au moins celle de l’autre. Une sur deux, c’est déjà pas mal- et demande gentiment :

“Elle était au moins bonne, ta tartine ?”

Et au loin, il voit chiens et chats en train de goûter le paquet de croquettes à présent éventré. Au moins a-t-il réussi sa mission de la journée.

Duchesse aimerait dire qu’il n’a pas de chouchou.
Qu’il soigne et prend soin des gens, qu’importe l’origine ou la race, le ronron en libre service -en vrai, c’est le cas-.
Sauf que, se sent-il coupable, quand il a appris l'existence d’un compère chat à Vallhaland, son petit cœur a fait un bond joyeux et il s’est empressé de la faire, sa petite fiche, en grande priorité.

Car oui, Duchesse écrit des petites fiches. Pleins. Une par personne. Du coup, plein.
Il ne se lasse pas, il ne se plaint pas, il les fait.
Qui y a-t-il à savoir sur le patient ? Souffre-t-elle d’afflictions incroyables -il a vite appris à méfier de tout : meilleur ou pire. Parfois les deux en même temps-, a-t-elle des besoins spécifiques, craintes particulières, et il en passe.
Plus étonnant sont les informations telles que “fleurs préférées” et “formes de biscuit”.

Comme il est étrange de le voir arriver, oreilles couchées, queue battante, tête “je vais te tuer dans la seconde” et de l’entendre grogner “Et le beurre de cacahuète ?”
Réaction allergique grave afin de se débarrasser d’un importun par accident ou réelle préférence alimentaire ?
La réception de cookie au beurre de cacahouète en cas de “j’aime !” dans les jours suivants semblent faire pencher la balance, mais qui sait…
Heureusement, Duchesse se sait super discret à ce sujet. Ça oui.
Réputation, tout ça.
Et si on le remercie, il fait l’étonné -mal-. Si on insiste, il justifie qu’il avait trop de beurre de cacahuète, c’tout, va pas t’imaginer des trucs -on s’imagine des trucs-.

La fiche du chat-tartine fut l’une des premières faites. Son truc de mémoire, il en a pris connaissance auprès de gens. Certains ont rit, d’autres se sont moqués. Duchesse n’a pas vu le risible du tout. Ses joues rouges ne l’étaient ni par gêne, ni confusion.

Du coup, oui. C’est un de ses protégés. C’est un chat, comme lui. C’est pas drôle de pas se rappeler. C’est nul d’être baladé par le vent si on a eu faim.
On dit souvent de Duchesse qu’il est soleil, Nyan est son arc en ciel.

Alors, il est patient , plus que la normale -il en est quand-même le premier étonné-.

“Mais était-elle bonne cette bouchée ?”
Sans reproche.
Une conversation normale.
Entre un enfant et son cerf-volant - qui, certes, l'entraîne au loin vers des horizons nouveaux qu’on a pourtant pas envie d’explorer-, sans rancœur aucune.

D’ailleurs, décide-t-il, il est temps de remédier à ce problème. Sa main glisse de cheville au poignet tenant son bras et il sert. Assez sans blesser, les griffes rétractées, il sert.
Bien, next move.
Il se plie, avec force et agilité, afin d’accrocher son autre main qu’il libère à la branche salvatrice -merci Monsieur Bois, s’il savait comment, Duchesse te revaudrai ça - et s’il est doué à monter aux arbres, il n’est non plus pas chat ayant besoin de pompier pour l’en déloger -Ok, c’est arrivé Une fois-.
Si bien que, bien cramponné, il descend doucement, se cachant du vent grâce au tronc.
Et il arrive en bas.
Alors, ouais. Il a un bras qui enlace le feuillu comme on étreint son amant, son autre ballote aux vents avec son ami félin au bout, ses griffes arrières sont plantées à lui avoir mal aux pieds sur les racines. Mais il est positif Duchesse, Ok ? À son avis, ça s’arrange grave, la situation est même limite sous contrôle.Très satisfait, il se détend :

“Non, tout propre. J’ai un troisième sens” Non, on dit ça pour les yeux. “Heu, Neuvième ?” ça, ce sont les vies des chats -aucune envie de vérifier ça-. “Sixième !” Bien joué Duchesse, beau rattrapage -et ouaip, il en est fier-.

Enfin, il tire sur son bras, approchant Nyan près de lui et, museau presque contre museau, il encourage “Tu peux t’accrocher à moi ? La taille de préférence.” Nyan agrippé au cou + vent violent = Duchesse étranglé. Pas son truc. “On va tenter de bouger et s'abriter.” Car il doit bien y avoir un café ou une taverne à proximité où se détendre et laisser le chat voler tranquillement sans danger, pas vrai ? Suffit d’y aller.
Facile. Rien d’impossible pour lui.

Car il a grave la situation sous contrôle.
Et il ne laissera pas un de ses petit protégé dans cette galère -il ne laisserai personne dans cette galère-.
Même s’il aimerait dire qu’il n’en a pas, de chouchou.