La route avait repris plus silencieuse. De grotte en grotte, il fallait se faufiler, l'heure était moins à la gaudriole qu'à la grimpette. Tree Town au loin se profilait.
Robin s'arrêta. Il tremblait un peu. C'était inhabituel pour un être aussi froid, même si récemment, elle lui avait montré à quel point il pouvait encore perdre ses nerfs. Il sentait que dans ce coffret, il y avait plus qu'à l'accoutumée et pour la première fois depuis longtemps, il avait hâte d'en découvrir le secret.
"As-tu une idée d'où commencer nos recherches dans la ville ? Elle parait immense et j'ai perdu l'habitude du nombre depuis longtemps."
Ces roches-là, celles que voici, sont aussi familières au vampire que les lignes de sa main. Chemin faisant, elle baillerait d’un ennui bruyant si elle ne faisait l’effort de se souvenir, tous les deux pas, de sa promesse d’être sage avec ce personnage-ci. Je reconnais que je suis surpris de tant de docilité, pense-t-elle que le renard peut réveiller en elle quelque chose d’éteint ? Je ne saurais dire et n’arrive qu’à constater le plaisir qui se dessine d’un sourire sur sa figure quand la monotonie des stalagmites fait place au majestueux tronc de Tree Town.
Dracula s’étire, fait craquer quelques articulations pour déployer ses épaules et ne prête nul intérêt aux possibles émois de Robin. Calmée peut-être, mais loin d’être attentionnée. Il ne lui faut que quelques mots pour, pour autant, l’arrêter et dévisager l’archer. De sa question, le comte s’amuse : l’espère-t-il prévoyant, vraiment ? C’est bien peu le connaître, mais c’est là toute l’histoire de cette rencontre : deux âmes qui tâchent un tant soit peu de s’apprivoiser. Si tenté que l’animal puisse être dompté, mais le vampire tourne sept fois sa langue fourchue dans sa bouche et si son air exprime quelconques pensées malicieuses, sa voix en est dénuée.
« Les échoppes, une taverne, un endroit où les paroles affluent tant que tes oreilles ont du mal à suivre. » Improvise-t-elle. Son doigt s’élève, se pose d’une pichenette sur le museau et le comte fanfaronne.
« Cela va être bien compliqué pour vous, Renardo, il va autant falloir faire confiance en montrant votre trésor que vous méfier pour ne pas vous le faire dérober. » Dracula ricane un peu. « C’est surtout la première partie qui sera problématique, je présume.
Car voyez-vous, les gens sont craintifs. L’apparition du train a coïncidé avec la disparition de nombreuses personnes et dernièrement, Rob… la dirigeante s’absente pour jouer le conseiller du nouveau créateur. Sans doute espère-t-elle ressusciter les temps enchantés du Féérique. »
C’est tant de nouvelles qui chamboulent la vie ici-bas. Au moins, note-t-elle, les enlèvements n’ont pas été reprochés au terrible comte de la nuit. Quelques âmes y pensent bien, mais le Train récolte le gros des plaintes. Et puis maintenant, sans le garde fou qu’est l’architecte, qui pour surveiller cette petite ville où tout n’est que poudrière de misère ?
Le vampire se questionne, oui, mais je sais qu’il va simplement faire ce qu’il préfère : un pas de côté et observer. Se nourrir de la zizanie. Et peut-être, s’amuser de la vie.
Et voici Dracula 2.0
Robin
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Robin soupira. La réponse ne l'étonnait pas. Le monde était malade et menaçait chaque jour de s'enfoncer un peu plus en phase terminale. La taverne, c'était en effet dangereux mais il jouerait de son sens de l'observation pour repérer la personne qu'il cherchait ... Si elle existait. Le bourg ne lui donnait pas l'impression de renfermer en lui la moindre personne compétente.
La première taverne qu'ils trouvèrent ne payait pas de mine à l'image du reste de la ville. Une ruine étrangement colorée et braillarde où les fastes d'une fête de fin du monde alternaient avec les lamentations qui suivraient l'apocalypse.
Taiseux dans son coin, Robin finit par remarquer un petit notable endimanché, chapeau bleu d'académicien trop grand lui dévorant le front mais doigts agiles sur ses outils de mesure. Lui, peut-être pouvait-il l'aider ... Il restait à trouver une approche avant que son imprévisible compagne ne fasse tout capoter. Mais d'ailleurs où était-elle ?
Le comte Dra… pardon, Dee, paraît gaiement virevolter. Dans la mesure où ses pieds sont légèrement décollés du sol, oui, mais tout autant par sa tête dodelinant au rythme de la mélopée du joyeux brouhaha urbain qui semble chanter dans ses oreilles pointues. Terrée dans la solitude, quand elle tente de retrouver le plaisir de la compagnie, son humeur change : elle a envie d’animation, de rêver, de se sentir vivante ! Puis souvent déçue de l’affrontement entre son idéalisation de la société et la désolante réalité, elle retourne s’enfermer dans sa triste mélodie, fatiguée.
Recommencez ce morose carrousel depuis la mort de son adorée et vous saurez son quotidien. Oh, douce Lisa, que votre absence se fait cruelle. Dracula ne s’accepte plus, pas plus qu’elle n’aime ce monde dans lequel on l’oblige à exister.
Mais pour l’heure, point de ces sombres pensées ! D’un rictus où s’invite une petite canine sur la pulpe de ses lèvres bleutée, la vampire avance, cherchant à droite, à gauche qui pourrait aider. Conformément à ses premières recommandations, elle accompagne le renard dans une taverne, laisse le temps à ses yeux de s’ajuster et repère… ma foi, on pourrait dire une proie.
Ses cheveux noirs dansant dans son sillage, voilà la brave qui va commander trois doux breuvages. Quand tintinnabulent quelques sonnants joyaux tandis qu’elle se saisit de sa bourse, le tenancier se dépêche de bredouiller que ce n’est nécessaire, s’assurer qu’elle soit satisfaite — et par extension, que "son maitre" Dracula le soit — est suffisante récompense en soi. Elle n’insiste pas, hoche gracieusement la tête que le terrible seigneur de la nuit sera fort aise de se savoir ainsi respecté et elle va, décidée, les verres entre ses doigts gantés.
« Mon cher ami, quel plaisir de vous trouver ici ! » clame-t-elle, exquise, au pauvre notable qui s’affaisse légèrement sur son fondement. La grise s’assoie, pose les boissons -un pour elle, un pour lui, un pour une chaise vide — et croise ses phalanges sur lesquelles elle appuie son menton. « Votre présence est providentielle ! Car voyez-vous, nous (fait-elle l’emphase sur ce dernier son) avons grand besoin de vos savoirs et expertises si profitables ! Providentielle, vous dis-je. »
L’homme hésite, lance des œillades à quelle bonne âme s’enhardirait à grandir salvatrice. Las ! Tout regard naguère indiscret se détourne désormais vers plus intéressantes -et prudentes — curiosités. Décroissant les doigts, avec un élégant mouvement de mains, le renard est convié à s’approcher.
« Ce serait si dommage… de contrarier… un cer-tain quel-qu’un~♪. » chantonne-t-elle au rythme de ses ongles qui pianotent sur la table.
Un sourire entendu de l’une. Un soupir résigné de l’autre.
L’homme accepte.
Elle fait pas dans la bagarre, elle fait dans le social.
Robin
Déjan-thé
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L'homme était fatigué et l'alcool n'avait pas aidé à raviver ses réflexes. Penaud, il fixait bêtement ses outils. Robin s'impatientait, le tapotement de ses griffes laissait maintenant de légères traces sur la table.
Robin essaya la patience. Ce n'était pas dans ses habitudes mais un artisan ne travaille pas mieux lorsqu'on l'abîme. Il perdit son temps. Comme il l'avait pressenti, les habitants de cette ville n'était qu'une façade de société. Un mirage d'ancien temps dissimulant avec peine un marécage sec et nauséabond.
Robin se leva et en quelques secondes retrouva la trace de sa bruyante alliée. Attablée avec un notable terrorisé, trois bières et une chaise vide, elle exerçait sur l'homme une pression étrange dont Robin ne saisissait pas les enjeux. Qu'importe, l'homme possédait peut-être un profil plus pertinent que l'autre. Robin s'assit donc avec eux et en eut pour sa peine.
L'homme, qui se dénommait, Gringoire Vanderoli, lui proposa immédiatement ses services. Robin réagit par un léger mouvement de recul. Dans ces contrées, quelqu'un qui veut vous aider ainsi, c'est toujours louche. Toutefois, l'explication à cette amabilité sous-développée se trouvait certainement juste à côté de lui.
Robin offrit donc un semblant de sourire à sa comparse et exposa plus précisément son problème à Gringoire qui les invita à le suivre dans son atelier.
Ils ne marchèrent que quelques minutes avant d'atteindre son échoppe très verticale. En effet, le bâtiment ne devait pas faire plus de cinq mètres de large mais devait en compter aisément une petite vingtaine de haut. La profondeur ne semblait quant à elle pas excéder cinq mètres non plus. Un carré qui aurait trop poussé en somme. Aucun sens mais Robin ne s'en émut pas, ce n'était pas ce qu'il avait vu de pire.
L'intérieur était en revanche d'une élégance remarquable. Robin se souvint avec amertume des grands ateliers d'orfèvre que la noblesse mobilisait pour leurs facéties délirantes tandis que le peuple agonisait.
D'ailleurs, cette réminiscence de l'agonie ... Il y avait un parfum absolument déplacé au coeur de ces meubles brillants et de ces miroirs profonds ... La fragrance épouvantable d'un cadavre.
"Ciel ! Méphisto ! Mon apprenti, mon disciple, mon amant ! Quel malheur ! Sans lui, je ne peux m'occuper de votre coffret, et sans lui, je ne peux retrouver le repos !"
Robin soupira et se retourna prêt à partir, la main déjà posée sur la poignet. Gringoire se jeta alors contre la porte.
"Par pitié, aidez-moi, je vous en prie !"
Le malheureux se jeta ensuite aux pieds de son alliée fêlée et baisa ses pieds.