The otherlands
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 Épreuve 3 || Kobe High School - Just Married

Père Castor
Conteur d'histoires
Icône : Épreuve 3 || Kobe High School - Just Married K5OhCv3
Citation : “I'm not strange, weird, off, nor crazy, my reality is just different from yours.”
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Père Castor
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Epreuve 3

La vie en rose
Kobe High School - Just Married

Énoncé:

Elle est là, la belle invitation. Dans son enveloppe parfumée. Sertie de votre nom en lettres dorées. Vous êtes conviés, à vous joindre à ce grand événement. Vite. Vite. Il ne faut pas être en retard. Vos hôtes vous attendent pour les célébrations.

Vous êtes invités à l’événement de votre choix (pyjama party, gala, première de film, etc). Libre à vous de développer ce thème tout en respectant les contraintes.

Contraintes

Duo miroir: Dans ce type de Duo, les textes ont la contrainte de devoir se répondre et doivent s’avérer être l’opposé l’un de l’autre, comme des reflets à travers un miroir.

Haut en couleur: Les maîtres du jeu choisiront deux couleurs complémentaires pour chaque duo. Selon leur préférence, chaque duo se distribue les couleurs attribuées. Celles-ci devront être utilisées comme ligne directrice. Elles peuvent influencer la narration comme la forme et être utilisées de manière littérale ou figurée. Pour vous aider, les maîtres du jeu vous fourniront, une petite description de la symbolique de votre couleur.

Vos couleurs :

Rose et Vert

Rose: Associé à l’amour et la femme , il inspire la féminité, l’espièglerie, l’immaturité et l’amour. Cette couleur puissante suscite parfois un sentiment d’urgence, parfois un sentiment d’apaisement. Elle est associée à la jeunesse et est enrichissante et ludique.


Vert: Associé à la nature, l’écologie, l’argent, la croissance, la fertilité et la santé, il inspire la générosité. Cette couleur est omniprésente et évoque souvent le monde végétal. Elle a un effet parfois calme et relaxant, parfois rafraîchissant et revigorant.

Rappels importants:

Cette épreuve est d’une durée de 48h. (Du samedi 25 mars à 00:01 au dimanche 26 mars à 23h59.)
Il s’agit d’un duo en 2 posts (1 par champion) d’un maximum de 1500 mots.
Indiquez les trigger warnings (TW) en début de post s’il y en a et évitez les sujets sensibles. Si cela est impossible ou en cas de doute, utilisez notre code pour y insérer les passages plus délicats.
Code:
<div class="TW">Le texte</div>

Si vous ne voulez pas être commenté, indiquez-le de manière visible au début de votre post.
Les description de votre forum ou personnage en spoiler sont autorisées.



Kaoru
Invité
Anonymous

LA VIE EN ROSE

Je peux enfin te parler ! On se voit bientôt ?
“Oui, on se voit très bientôt. Reste en forme.”

Mes doigts pianotent sur le clavier de mon téléphone. J’esquisse un sourire en regardant mon reflet et cette invitation dans sa belle enveloppe verte qui trône sur le comptoir de ma coiffeuse entre tout mon attirail, dans cet océan corail de produits de beauté.

Ce soir, c’est le grand soir. Je me suis battue, depuis mon départ de Kobe il y a plusieurs années, pour ce moment précis. Six ans. Six ans c’est à la fois long et court, pour se faire un nom dans le métier. Partir et tout quitter à dix-huit ans à peine, c’était un sacré sacrifice que je referais avec plaisir. Des soirs et des matins à m'entraîner, à me perfectionner. Des heures de stress à attendre que l’on pense à moi, des tonnes de mouchoirs pour essuyer mes larmes quand on me claquait la porte au nez.

Je sors tout et je commence. J’aurais pu demander aux maquilleuses de le faire mais j’aime l’idée de garder cet instant solennel. Ma petite bulle avant le grand saut. Réaliser mon rêve, me produire sur les planches d’un cabaret prestigieux. Finir la première partie de ma carrière en apothéose avant de revenir au civil, à l’anonymat, le temps de quelques mois. Me ressourcer pour mieux revenir… Mais avant cela, détenir la scène et l’attention du public. Qu’on reconnaisse enfin ma valeur. C’est grisant. Mais très angoissant en même temps, qu’importe le nombre de spectacles.

Pendant que j’applique mon maquillage, je profite de mes dernières minutes dans cette loge calme. Elle est chaude, réconfortante et accueillante. Le bois se marie parfaitement aux drapés rouges et roses qui viennent ponctuer les montants de la bâtisse. Un nid douillet, un nid douillet dans cette ville où tout va trop vite et où tout me saoule un peu plus chaque jour. Je rêve de tournées, je rêve de partir et de m’envoler. Quelle aubaine que la chanson de ce soir colle si bien à mon était d’esprit.

J’enfile ma robe. Elle aussi, elle est belle. Elle resplendit. Les froufrous et les tissus qui se chevauchent ajoutent du volume. J’occupe déjà l’espace rien qu’en la portant. J’ajuste finalement, encore, le maquillage comme si ce n’était pas assez. Ça ne l’est jamais, merci à toi maman de me l’avoir appris si jeune. Pourtant, là, coiffée et apprêtée de la sorte, dans mon emballage rouge et rose bonbon avec mes lentilles et mon rouge à lèvres, je me sens parfaite. Je me sens moi. J’aime pouvoir transformer mon apparence sans me perdre en route.

J’entends les coups de canne sur le plancher de la scène. Je me lève et me mets en position dans les coulisses. On m’installe mon micro et on me demande ce que j’ai prévu pour ce soir. – “Je ne sais pas, on verra”, leur dis-je avec un clin d'œil. J’ignore tout ou presque du décor ; je ne m'y suis pas intéressée. J’aime improviser, laisser la place au chaos, ne pas me brider. Mon équipe le sait et me laisse carte blanche. J’ai passé trop d’années à me laisser faire par le système, ma famille et mes proches. Après tout, si j’ai décidé de partir et vivre cette vie, n’est-ce pas pour me défaire de ces chaînes qui entravaient jadis mon envol ?

Les coups s’accélèrent, tout comme les battements de mon cœur, j’entends la musique de “The Lady is a Tramp” qui accompagne les encouragements en cadence du public. Ils sont plus prêts que je ne le suis mais “Show must go on”, comme dirait mon metteur en scène. Quand il faut il faut. Alors je fais. Les rideaux carmins s’ouvrent sur des spots éblouissants qui me transportent dans une bulle. Un espace rien qu’à moi pendant les trois prochaines minutes. Un dernier refuge silencieux avant l’explosion en fanfare.

Je m’avance, perchée sur mes escarpins. Je suis fière, je suis fierce. Je commence cet exercice périlleux de chant et de danse. Ma voix est claire. Je fais l’ingénue mais joue des charmes que m’offrent la tenue et le rythme de la musique. La robe me va à ravir, elle épouse les mouvements à la perfection. Le public en a pour son argent, ses yeux et ses oreilles ; j’entends déjà certains d’entre eux s’émouvoir de la performance alors qu’elle ne fait que commencer. Je n’ai pas dit mon dernier mot. Ce soir c’est mon soir mais c’est aussi le dernier avant un petit moment, alors je compte bien leur sortir le grand jeu pour partir avec panache, qu’on se souvienne de moi des années durant.

Le rythme s’accélère encore, les cuivres succèdent au piano. La musique et l’interprétation prennent un nouveau tournant. Je me sens avide de pouvoir, avide de posséder la scène et l’attention telle une diablesse en quête d’âmes pour en tirer son énergie. Et c’est vrai : s’ils se nourrissent de ce que je leur montre pour alimenter leurs fantasmes de grand spectacle, je me nourris d’eux et de leur enthousiasme pour gagner en force et en superbe. Une belle relation saprophyte, presque une symbiose entre eux, vous et moi.

Je lance une œillade vers l’une de mes partenaires de danse. C’était le signal pour que tout s’enflamme. Ni une, ni deux, alors que je viens de terminer le pont de la chanson, les yeux fermés et les cheveux en bataille, elle fait mine de malencontreusement marcher sur un pan de ma robe. A mon mouvement suivant, elle se déchire sur plusieurs centimètres. Alors le temps s’arrête. Le public me toise, me dévisage, me déshabille plus que je ne le pensais. Je voulais faire de l’effet et c’est réussi.

Je bouge les hanches et fait une pirouette lente, presque sensuelle. Je m’étais toujours retenue de pratiquer l'effeuillage. Quelle meilleure occasion que lors d’une dernière danse ? Je me débarrasse de cette robe pourtant belle mais pas si pratique que ça. J’ai l’air encore plus sauvage, avec mon corset pivoine duquel s’échappent des lambeaux roses, mes cheveux en bataille et mon maquillage imparfait. Je lance un regard vif aux musiciens, un autre signal, ils reprennent de plus belle avec un rythme encore plus effréné. Je claque mes talons jusqu’au meneur de revue, le public enchaîne les “oooh” et les “aaah” tandis que je parcours son torse avec mes doigts avant de saisir sa canne.

Mon nouvel outil, ma nouvelle arme. Ma dernière amie dans cet ultime tiers de ma prestation. Avec elle, je commence à saccager la scène et les décors en carton et papier mâché. Je me sens comme Sid Vicious le soir où il a interprété “My Way”, érigeant cette chanson en icône du punk en son temps. Tout y passe. Je décroche les banderoles, je m’enroule dedans en dansant avant de les balancer vers la foule qui devient de plus en plus erratique.

Lorsque je monte sur les tables du premier rang, je peux voir certains spectateurs fuir, le sourire aux lèvres et les verres en main, vers les tables du fond de la salle. Je peux voir mes amies danseuses qui m’encouragent, le barman qui me porte un toast, le grand patron qui me regarde fixement, entre émotion, fierté et, forcément, un peu de colère. Qui aurait prévu que je finisse ma prestation de cette façon, dans le chaos ? En réalité, tout le monde.

C’est bientôt la fin. Je reviens sur scène, plus triomphante que jamais. La canne comme porte-étendard d’un pavillon de fortune fait des chutes de tissus des banderoles et de ma robe. Mon cœur pourrait éclater à chaque seconde, c’est insoutenable mais je suis là, je vis, je me sens plus vivante que jamais, plus forte que jamais. Je claque le bois du plancher de mes talons acérés en cadence avec mon mât de fortune.

Et enfin, alors que les projecteurs semblent mourir eux aussi, que les bandes noires horizontales viennent encadrer mon visage, je prononce les derniers vers de la chanson. Le public s’affole, une vraie standing ovation, digne des meilleures. Les lumières explosent et le courant saute, sous un tonnerre d’applaudissements.


Kaoru
Bunta Nakayama
Invité
Anonymous

LA VIE EN ROSE
  Une ovation d’une trentaine de paires de main claqua comme une troupe de fusiliers, célébrant le clap final d’un tournage héroïque signé Genzo Uezuki. Ce dernier se leva, ravivant les bravos assourdissants. Malgré l’air grave que la vieillesse avait figé dans ses traits, on y devinait une gêne pudique : un amour perçait sa physionomie-carapace.

“Merci… Merci profondément à vous, toute l’équipe. Merci encore, cessez d’applaudir ! Oh mais regardez Bunta, il se lève, il porte quelque chose. Si c’est un cadeau, puisse le ciel me pardonner la haine que je devrais vous administrer !
Un Hibiki, monsieur, annonçais-je respectueusement en présentant 21 ans de maturation dans son coffret, pour l’ensemble de votre carrière et votre dernier film.
— Ah je vous hais, je vous hais… répéta-t-il en enlevant des perles de ses yeux et se saisissant du coffret, le souleva, si je suis obligé de recevoir votre cadeau, vous êtes obligés de le boire avec moi, c’est le pacte ! Allez, à la fête !”

  Des cris de joie succédèrent à l’ordre du briscard et s’éleva sur la berge les riffs saturés de “Salute your Solution”. Les premiers danseurs affolèrent la soirée par le centre ; à la périphérie, on portait les taloches, les compliments, les photos et les toasts ! J’applaudis ! encourage ! en rythme baladines et matassins et quand on me lègue un verre, je chahute mon champagne !

   Hier encore, je pagayais en plein milieu du grand Yukon, entre ces falaises boisées infinies, cet océan de crêtes sauvages et de pins primaux en guerre permanente contre les vents les plus acérés et les hivers les plus malades. Un territoire indompté qui triait les hommes sur la base de la plus solide constitution et les essemait éleveurs ou trappeurs au milieu de son sein gigantesque, leur offrant l’espace mais leur prenant tout le reste… Heureusement, le Canada est cordial l’été.

  On m’avait convié à célébrer ce double clap de fin : du tournage et de la carrière de Genzo. Cette séquence sauvage, il la voyait comme son baroud d’honneur, son instant Fitzcarraldo, et avait hélé sa horde sauvage de le conduire à cette nature misanthrope. Mon rôle à moi dans cette histoire ? Pour soixante scènes, on m’avait promu chef d’orchestre afin de remplacer Genzo que la maladie de l’âge avait rompu au lit trois semaines. Une chance magnifique : l’ours dressé et ré-empilé par notre monteur, l’émotion de voir mes scènes, mes propres filles, s’avéra si nouvelle que mon cœur fut cloué à l’euphorie. Il y avait de mon essence ! Dans l'œuvre ultime de Genzo ! Même ma femme, dont le caractère laissait à la retenue parisienne une place prépondérante, avait été contaminée par mes excès !

  Qu’est-ce que je le respecte, ce vieux lion de Genzo ! Un lambda acquerrait une réputation avec seulement la moitié de sa carrière et une once de ses valeurs. Il faisait partie de ces réalisateurs opiniâtres qui adressaient à l’endroit de leur passion le cinéma français du milieu du XXème siècle, point barre, comme si le langage de la cinématographie y avait été pleinement forgé là-bas et que les décennies d’avancée n’avaient fait qu’embrouiller le chemin vers la perfection.

  Ce soir, le raffut ! Trente personnes lâchaient enfin du bout des bras un projet exténuant, prenant d’assaut par des tables dressées, des projecteurs blancs et du tintamarre tout un rivage canadien. Un fragment de civilisation au milieu de rien, une bulle insouciante dans une tempête figée, l’humanité la plus excitée dans la paume de la nature la plus secrète. Nul horla pour nous tourmenter, sinon celui de la légèreté et de l’ivresse.

“ANAKIN ! Tu étais l’élu ! C'ÉTAIT TOI ! me hurla Fujimaro, debout sur son kayak, éclairé au super trooper, cherchant l’équilibre et agitant vers moi sa pagaie menaçante. Tu devais amener l'équilibre dans la Force ! Nous étions comme des frères !
J’EN VEEEEEEUUUUUX !!!” Et je lui écrasai ma propre pagaie dans la tronche dans un bruit de gong qui le fit plonger droit dans le fleuve. Tous les spectateurs firent la ola pour le côté obscur.

  Je dansais au milieu des conversations. Secrètement, je digère encore mon expérience : commander aux troupes avait opéré un réveil brusque d’une créativité éteinte. En vérité, la même que je possédais quand plus de quinze ans avant j’entrais à l’école ! Assailli par un écho de rêve ! Guidée à nouveau au centre de moi par ce berger qu’on nommait passion, j’avais retrouvé cette muse enflammée qui dansait le jazz dans mon cœur. Ce qui fait un homme d’un humain ? plusieurs choses, et je compte le projet dedans. Comprenez donc qu’à cette fête, je suis un Bunta de poids supérieur.

  Après avoir conversé avec la directrice artistique, Genzo m’aborda. Je lui faisais part de mes joies, de cet élan créatif qui rajeunissait mes mains et mes yeux. Il m’écouta soigneusement, impavide, et demanda ce qui avait provoqué cette soudaine volution. La vérité sortit : oui, au départ, j’avais cru remplacer le capitaine d’un navire qui allait embrasser un port mais qu’au final, le travail accompli, ma vie avait fané.

  Le visage de plomb du réalisateur se fissura légèrement  son nouveau whisky lui autorisait cette débauche. Il se pencha vers moi à la lisière entre le chagrin et l’orgueil :

“Bunta, je t’apprécie, je te dois le respect. Donc de ne pas te ménager.“ Il racla sa gorge de tortue pour y arracher des mots. “ Tu dois connaître un secret su par peu, je ne peux pas trop ébruiter… Je veux que ce film, qui est mon ultime, soit tout à moi. Tu comprends ? Donc, une partie des scènes que tu as eu la gentillesse de réaliser seront coupées du script. Et les autres, je les retournerai dans une semaine.” Notez qu’au départ de la nouvelle, j’ai le foi-clown et suis tout aimable :
“Bien sûr.” D’expérience, toujours une piètre réponse.
“Je suis heureux que tu comprennes, marmonna-t-il hâtif, la conscience si facilement soulagée, tu es une bonne personne.” Tapotements d’épaule, du bon paternalisme. Selon lui, en tout cas.

  Une mauvaise nouvelle n’est jamais liquide : elle est gluante, il faut un temps certain pour la voir tomber entière et s’étaler sur notre esprit. On la reçoit alors avec les usages indispensables : un sacré parterre d’émotions dégueulasses. Très vite, la situation me dégoûta, je me dégoutais et à cette vieille goule qui avait goulument embrassé Godart, il lui manquait des claques ! Combien de facettes d’émotions la déception seule allait encore me montrer ? J’appelle ma femme, besoin de son confort, de lui décapsuler le pull, mais silence total : j’avais oublié, pas de réseau ici.

  Défait, je parcourais la foule infatigable, indifférente, aveugle. Wawa le monteur reposait, ivre de ses tetra-bocks. Les deux techniciennes faisaient de rumeurs des films. Ryujio et Suzue parodiaient leurs scènes près du feu. Je disparus dans les bois, d’un claquement de flammes.

  Les pins m’encerclaient mais nulle angoisse, ils étaient amis. Ou plutôt, ils n’étaient rien. Le rien, c’était mon aspiration. Disparaître de mon univers et ne rien devoir à quiconque sinon ma respiration à l’air et mes pas au sol. Et si les gens me respectaient, ils n’iraient pas me chercher. Mon aigreur n’était-elle pas pleinement claire ? Ma honte, criante ?

  J’errais parmi les arbres, ils me semblaient que le noir en vérité était leur vraie couleur et que celle-ci déclinait en vert poubelle sous les morsures du soleil qui prenait tout le ciel à lui. Je farfouillais l’obscurité jusqu’à une petite clairière pâle, les étoiles enfin m’illuminaient, plus brillantes que les projecteurs de là-bas.

  Comment trier mes sentiments ? Le cœur était un embouteillage d’émotions et le cerveau, un médiocre agent de la circulation. D’un côté, le bonheur d’avoir retrouvé une flamme, aussi impitoyable dans son égoïsme fut-elle, me fascinait : voilà à quoi ressemblaient mes ressources cachées. De l’autre, il fallait bien prêter au vieil homme les mêmes ambitions que les miennes car qu’était sa propre créature intérieure, sinon de la même espèce que la mienne ?

  Les heures passèrent, étalaient sur le fil du temps mes pensées exsangues. Je ruminais là, le dos contre un tronc solide, à observer la nuit et profiter de cette tranquillité où les autres n’existaient plus, ce beau rêve sans personne. Je parvenais à somnoler mais le froid m’élançait trop pour me permettre de dormir, rendant mes humeur encore plus confuses. Le vent tombe, il faut bien givre.

  Mon téléphone vibra cependant ! Surprise. Qui cela pouvait-il être ? Kaoru ? Que voulait-elle :

— “ Kaoru :
Je peux enfin te parler ! On se voit bientôt ? “

Quel amour. Regardez-moi, vieil ours, à me plaindre que j’arracherais la gorge du premier qui oserait exister, et voici qu’en une poignée de mots je souris si fort.

“ Bunta :
Oui, on se voit très bientôt. J'arrive. “


  Enfin l’aube imprègne le ciel d’ambre, efface les étoiles. Que c’est beau, ce pays… La vie verdit autour de moi et mes yeux se réveillent en papillonnant. Je respire, je suis exténué… Me lève… j’ai dormi ? Me pose contre un pin, où je suis ? Ah par-là certainement…

  Et bien Bunta, bougon, belotte ! Tes scènes vont périr, un Achab l’a demandé… Il est temps de rentrer, de subir la civilisation et les humains, de les percuter à nouveau… Reprendre son travail, ses responsabilités, sa position et ses aboiements…
  Mais n’aie-je pas acquis une faim tout de même, de tout ça ? Quelqu’un qui à l’intérieur de moi rêve de mettre la ville à ses genoux.



Bunta Nakayama
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