Lygie à la voix claire ou perçante - en cours

Tu es douce, Ligie, à la voix claire, ou perçante, changeante, instable. Cette voix que tu portes avec fierté et qui s’emporte parfois, comme ton esprit, éteint, nébuleux, perdu dans les ecumes d'elucubrations immatérielles. Tu y nages, t’égares dans les brumes azures de ton regard. L’insolite te laisse de marbre, quand les banalités te surprennent, tu évolues dans le monde comme une mauvaise herbe, sans te conformer aux règles ou à la raison.  Tu t’exprimes avec lyrisme et grandiloquence et ça ne fait pas toujours sens. Tu n’as de mots dédaigneux ou méprisants pour quiconque. Tu contemples le monde de tes grands yeux, portant attention aux détails inusités des visages, aux tics, aux expressions. Tu entretiens une fascination pour le macabre, le sinistre et tout ce qui se meurt. Tu aimes coucher sur la toile toutes ces visions, aussi réelles dans ton esprit qu’elles ne parviennent à s’ancrer dans la réalité des autres.

Tu es dans ta bulle, tu explores les savoirs, te gaves d’informations sans parvenir à les retranscrire avec exactitude dans tes mots. Il n’y a que les sciences qui t’ennuient, tu préfères user de ton imagination pour expliquer ce que tu ne comprends pas, retraces le monde du bout de tes lèvres ou de ton pinceau. Mais l’instruction ne fait guère l’intelligence, encore moins l’éloquence, si les sonorités de ta voix sont envoûtantes, le sens de tes mots reste indéchiffrable. Tu peux t’interrompre au cours d’une phrase, coupée par une pensée insolite ou amusante, la reprendre bien plus tard, un autre jour. Il t’arrive d’anticiper les paroles des autres pour te fondre dans d’odieux monologues et parfois tu te contentes d’observer en silence, sans réellement écouter, décortiquer un mot en oubliant ceux qui l’entourent. Déconcertante.

Tu te sens seule, dans ton monde; incomprise. Alors tu n’aimes pas te sentir isolée, tu crains l’ennui aussi, tu préfères être en désagréable compagnie que seule. Tu es naïve et inconsciente, on te prend souvent pour sotte, mais tu as juste décidé d’exister dans une autre réalité, désireuse d’ignorer les pensées qui fâchent ou celles qui attristent. Alors oui, tu es gentille, bienveillante, une main maternelle qui se pose sur les fronts des éplorés, tu es réconfortante, à ta façon. Mais tu n’es guère une bonne oreille à laquelle se confier, les mots s’échappent de tes lèvres par énigmes, le secret est une notion que tu ne parviens à appréhender, mais tes mots ne sont que rarement déchiffrés; finalement, toute information confiée sera bien gardée.

Tu es la reine des compliments surprenamment malaisants, tu ne remarques jamais lorsque l’on t’insulte ou te méprise, affichant ton éternel sourire en guise de meilleure arme. Parfois, la mélancolie te gagne, et tu fonds en larmes à des moments imprévisibles. On apprécie tes peintures, autant qu’elles dérangent, à ton image, à celle de ta voix, mais on les reconnaît et ne peut être insensible face aux formes chaotiques qui se glissent dans tes portraits, comme les pensées passagères qui viennent te hanter. Tu conserves ton chant comme passion, loin de la salissure des contributions, estimant que ta voix n’a point de prix, que l’offrir en échange de quelques deniers reviendrait à prostituer ta liberté. Alors tu la laisses s’élever, tard le soir, dans les forêts isolées, les cimetières abandonnés, tu cries ta mélancolie; et tes rêves enterrés.