The otherlands
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 .Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes. [Little Mermaid] *

Gévaudan
Déjan-thé
Icône : .Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes. [Little Mermaid] * - Page 2 Yie2
Citation : “There's blood on your lies — the sky's open wide — there is nowhere for you to hide — the hunter's moon is shining.”
Messages : 20
Âge : ~30 ans
Race : Déjan'thé
Métier : Valet de Pique
Avatar : Arlecchino - Genshin Impact
Origine : Légende du pays de Gévaudan
Pouvoir : Paranoïa | Démence psychotique
https://otherlands.forumactif.com/
Gévaudan
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Déjan-thé
Et la soirée fuyait, paisible, d’une étrange spontanéité, d’un déconcertant naturel. Gévaudan n’aurait su dire si sa méfiance se relâchait en présence de cette demoiselle au caractère trop ingénu pour inquiéter quiconque ou si, simplement, l’émoi dont elle irradiait en permanence avait fini par la contaminer elle aussi, d’une bien singulière façon. Sans doute l’attrait de la nouveauté n’y était pas pour rien non plus, si différente de l’ensemble de ses collègues assassins, du personnel royal ou ne serait-ce que des quidams de Wonderland — au point que réentendre ce faux patronyme relâché d’entre ces lèvres lui donnerait presque le sentiment d’une évidence. Que la Sirène eût gobé le mensonge avec tant de crédulité n’avait même pas l’arôme de la victoire, non, au contraire, elle lui trouvait un relent de gâchis, faute de pouvoir l’enrober de vérité. Mais enfin, puisque celle-ci disait qu’il était joli... elle saurait s’en contenter, quoique elle se demanda si la mention des montagnes s’apparentait à une plaisante allusion aux yeux d’une créature marine.
La réponse à cette question fut malheureusement noyée dans un sursaut éhonté, enflammé même, qui laissa Gévaudan coite sur le moment. Avait-elle encore l’opportunité de refuser l’offre sans provoquer un esclandre ? Il lui semblait qu’une dispute à ce sujet serait bien la dernière chose dont elle avait envie, autant pour sa propre tranquillité que pour celle des autres convives autour d’eux, lesquels s’amusaient du spectacle que la Sirène donnait à son insu sans d’ailleurs paraître s’en embarrasser. Et d’un même mouvement cette démonstration d’initiative, emplie de confiance, se grava dans la mémoire de la Pique ; ainsi donc, cet animal fragile qu’elle pensait trop timide était aussi capable de hausser la voix pour faire valoir les décisions qui lui tenaient à cœur. Pas si timide, donc. Elle en aurait souri en retour si à la seconde elle n’avait détourné le regard vers une femme assise deux tables plus loin, une sorte d’aristocrate en meringue qui avait gloussé de ridicule en prêtant l’oreille aux propos de Selkie. Encore une qui aura perdu trace de la politesse sous sa crinoline. Qu’à cela ne tienne — il suffit d’un battement de paupières de la part de la Bête pour que l’idiote s’étranglât de peur dans son verre de vin, brusquement saisie d’épouvante comme si une goule avait hurlé conte sa nuque — et l’effroi de disparaître aussi vif qu’il avait surgi, l’abandonnant dans l’incompréhension et les taches de son crachat sur la nappe. Le temps qu’elle s’en remît, Gévaudan était déjà revenue, impassible, à sa Sirène de nouveau assise délicatement sur son siège.

« Si vous en perdez le sommeil... eh bien, je suppose que je serai la plus égoïste du monde si je m’acharnais à décliner. C’est donc d’accord », conclut-elle avec une risette de connivence, se gardant bien de rebondir sur cette histoire de loquet.
Comme si l’une ou l’autre avait à craindre quoi que ce soit de la seconde... si ?
Non, bien sûr que non.

La discussion poursuivit sur un contraste des plus surprenants, entre le réconfort tissé par l’image du chocolat et d’une joie domestique toute enveloppée d’humilité d’abord, puis l’allusion au magasin des suicides en guise de nouveau départ. Sinistre. Délicieusement sinistre. Dire qu’elle venait d’avouer ces lugubres pensées à une inconnue qui lui mentait depuis le début... sauf que la Pique n’envisageait pas cet excès d’honnêteté comme un appel à rejeter son propre masque, faute de pouvoir se le permettre, loin de là. Cette confiance que lui témoignait la Sirène la consolait plutôt de se montrer aussi artificielle, si tant est qu’elle le déplora sincèrement. Une interrogation cependant subsistait ; qu’est-ce qui pourrait amener une demoiselle si adorable à embrasser l’impasse du suicide ? Quel drame insurmontable, quelles ténèbres de l’âme ? Une chance qu’elle ait fini par se détourner de ces macabres intentions, sinon...
« Pas vraiment : les festivités et l’allégresse ne sont guère ma tasse de thé. Plutôt de café. Pas plus que le magasin des suicides, soit dit en passant. »
Là-dessus, inutile de mentir — son avis transpirait sur son visage avare d’émotions, le menton posé sur ses phalanges croisées. Telle allait sa nature.
« Mais si ce quartier n’existait pas, la fin de l’histoire aurait été plus triste et nous ne nous serions pas rencontrées. Alors pour cela, je veux bien l’aimer un petit peu plus. »
Juste un peu. On n’oblige pas un carnivore à manger des gâteaux, quand bien même ils seraient aussi appétissants que cette chouquette aux prunelles perlées de sucre.

Malgré sa curiosité, Gévaudan ne renchérit pas quant aux motifs qui avaient emporté la Sirène dans cette spirale extrême. Les circonstances plus chaleureuses de l’instant ne lui semblaient pas convenir à triturer d’anciennes souffrances, et voir de nouvelles larmes rouler sur les joues de cette dernière l’incitaient davantage à faire preuve de compassion que d’indiscrétion. Peut-être même que l’infime brûlure qu’elle sentait tirailler ses yeux avaient un pouvoir particulier auquel elle était sensible. Ah. Fallait-elle qu’elle s’en inquiétât ? Elle n’avait pas pensé à enquêter sur le pouvoir de Selkie depuis le soir où elle l’avait sauvée — elle n’imaginait pas que cela pût poser problème à cette heure, et pourtant. Elle aurait sûrement dû.
L’apparition de Rudolph, un plateau de soupes à la main, acheva de reléguer le moment au passé. Que sa cliente fût prise en flagrant délit de larmoiement ne parut pas l’embarrasser non plus ; il lui déposa son velouté avec un grand sourire à peu près aussi réconfortant que le fumet odorant du mets, puis disparut dans une élégante courbette en leur souhaitant bonne dégustation. La Bête profita de cette brève distraction pour sortir le petit mouchoir de coton qu’elle portait en accessoire sur la partie gauche de sa poitrine ; ce n’était là qu’un carré blanc au liseré rouge, d’une sobriété sans raffinement, qu’elle tendit à la Sirène par le côté de la table.
« Tenez, pour vos yeux. Vous pouvez le garder. »
En prononçant cela, son cœur rata un battement. Dans un coin du mouchoir. Discret mais bien visible, brodé au fil noir. Un M capitale. Un M comme il n’y en avait aucun dans Gévaudan ni Edelweiss. Un M comme dans Marguerite. La Pique ravala une malédiction. En se changeant tout à l’heure avec Hildegarde, elle avait pris le premier — sinon le seul — mouchoir qu’elle possédait pour agrémenter sa tenue, et c’était celui que la Reine lui avait demandé un jour d’aborder, il y a des années. Un caprice sans autre mobile que l’Ennui, probablement ; Gévaudan ne se souvenait plus tout à fait des circonstances, mais la Reine avait exigé. C’était assez pour qu’elle obéisse sans tergiverser. Et elle n’y avait plus songé, jusqu’à maintenant.
Trop tard. Elle n’allait pas le reprendre aussi sec, ce serait trop suspect. Puis, si Selkie posait des questions, elle n’aurait qu’à inventer un nouveau mensonge, ce n’était pas ce dont elle manquait dans ses poches, contrairement à d’autres pièces de tissu.

Une fois qu’elle revint à son assiette — elle se serait cru de retour sur un champ de bataille, quand tout ce qui composait les repas des soldats ressemblait à un ragoût de navet où surnageaient des morceaux de gras — qui malgré sa subtile présentation ne tordait pas de désir son estomac, une nouvelle salve d’interrogations la détourna de ses couverts. Son mentor, celui qu’elle considérait comme tel, en tout cas, son premier maître. Où se trouvait-il aujourd’hui ? Elle qui s’était habituée à son absence n’espérait que sa survie ; elle se satisferait d’ignorer tout le reste. Toutefois, qu’avait-elle déclaré plus tôt, durant son récit inventé ? Ah oui, pas grand-chose. Elle n’avait qu’à coudre de nouveau dans le tissu de la cohérence.
« Oh, il... était quelqu’un de très secret. Il ne parlait jamais de lui... je ne sais même pas où il est parti. C’était un palefrenier au palais et, c’est en sortant les chevaux un jour qu’il m’a aperçue à l’orée des bois où je suis née. Où je présume que je suis née..? Enfin. À force de lui traîner dans les pattes comme un jeune poulain, il est devenu mon tuteur et tout le monde s’était accordé à dire qu’il m’avait adoptée, même si ce n’était sûrement pas sa volonté. Parce qu’il n’était pas non plus la tendresse incarnée, non, mais je n’ai jamais connu plus droit et intègre que lui. Il était persévérant, résilient et plein d’abnégation. On pouvait compter sur lui. »
Elle prit une pause, le temps de tremper sa cuillère dans le velouté et de remuer trois légers tours. Le mensonge prenait une bonne consistance, il serait bientôt à point.
« Un endroit préféré ? Laissez-moi réfléchir... comme je n’ai jamais voyagé au-delà des frontières de Wonderland... »
Le palais ? Trop professionnel. L’Atlantide ? Trop incongru de la part d’une soi-disant garde de la surface. Le domaine du Chapelier fou ? Trop convenu et trop bourgeois. Sans parler du mont Olympe, trop trop martial. Cela ne laissait plus vraiment de choix.
« ...la Forêt désenchantée ? Elle n’est pas aussi lugubre et dangereuse que les rumeurs le prétendent, vous savez. Le temps d’une promenade, elle est même très agréable. Ou bien..., rectifia-t-elle en croisant le regard de la Sirène, le bord de mer. L’océan est magnifique à contempler. »
Et depuis le début du dîner, quel que fût le sens caché de ces mots, c’était la première fois qu’elle ne mentait pas.
Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes
Préparée à argumenter autant qu’il ne le fallait pour convaincre la Blanche à ne pas crécher dehors par ce froid hivernal, tu écarquillais tes yeux humides avec surprise en entendant l’approbation d’Edelweiss. T’attendant à davantage de résistance, cette victoire te paraissait trop facile. Avais-tu mal écouté ? Non… Mais bizarrement, tu te sentais à la fois heureuse et prise au dépourvu, au point de rester bouche bée un instant, afin d’assimiler l’information et de recouvrir tes esprits.

Autant dire que tu jubilais sur ta chaise, tapotant le bout de tes deux index avec un certain enthousiasme qu’il était rare de te voir afficher. Edelweiss ne dormirait pas à la belle étoile, tu étais rassurée. Bien que Santa Village ne soit pas sa tasse de thé… ou plutôt de café, oui. Peut-être devrais-tu faire le déplacement la prochaine fois que vous vous reverrez ? Histoire de ne pas l’embêter avec un endroit aussi barbant… Peut-être son lieu préféré, si la réponse venait à tomber dans la conversation.

« La fin de l’histoire aurait été plus triste et nous ne nous serions pas rencontrées. »

Tu sentais ton cœur se serrer au fond de ta poitrine, laissant gagner le silence de ton côté de la table. Tes anciennes intentions paraissaient pourtant claires au vu de tes propos. N’importe qui aurait deviné tes projets en fréquentant une boutique aussi lugubre. Petit pincement au cœur emprunt de chaleur et de culpabilité.

Tu avais la vague impression qu’Edelweiss était contente que tu ne sois pas allée au bout de tes bêtises…

- Selkie ne devrait vraiment pas vous embêter avec tout ça… Ce n’est pas votre rôle, ahah… Oh ?

Ton regard larmoyant s’arrêta sur un tissu que la belle demoiselle te tendait. Un mouchoir ? Quelle délicate attention… Un véritable prince charmant tout droit sorti des contes de fées. En mieux.

Tu attrapais volontier le mouchoir offert avec gentillesse, ne relevant pas la micro hésitation de ton interlocutrice. Trop brève. Imperceptible. Tu tamponnais délicatement tes paupières, retirant le trop-plein d’eau salée que ces dernières avaient accumulé.

Un bref répit avant que tu ne deviennes à nouveau une cascade ambulante ou que le pauvre tissu ne se retrouve complètement imbibé de tes larmes.

- Selkie vous remercie infiniment… hoquetas-tu avant de retrouver un sourire amusé. C’est une drôle de manière d’écrire un « E », on dirait un « M ». C’est mignon ! J’aime beaucoup.

La bonne odeur chaude, un brin sucrée, qui émanait des veloutés apportés par Rudolph, chassait les cauchemars du passé et t’ouvrait progressivement l’appétit. Tu remercias chaleureusement ce fidèle serveur, malgré les pleurs que tu ne retenais plus. Il devait avoir l’habitude de te voir dans tous ces états, après toutes ces années.

Par politesse, tu te retenais de te jeter sur la nourriture, salvatrice et réconfortante. Tu te contentais simplement d’attraper ta cuillère du bout des doigts, attendant patiemment que ton invitée n’en fasse de même, essayant de ne pas succomber à la fumée alléchante qui te chatouillait le bout du nez.

Finalement il t’était impossible de résister davantage. Trop tentant. Trop succulent.

Ce met était exquis. Une explosion de saveurs caressait ton palais gourmand à t’en faire chantonner à tue-tête. Tu en oubliais presque de te concentrer sur la conversation… Que disait-elle ? Ah oui ! Son mentor et son endroit préféré ! Être triste, joyeuse ou attablée ne devait pas baisser ton quotient intellectuel au même niveau que celui d’une huître.

Tu sentais beaucoup de respect et d’admiration émanait de son récit, ce qui n'entachait en rien son charisme naturel. Toujours aussi éclatant et attirant.

- Votre histoire commune a l'air des plus touchantes, j’espère sincèrement que vous vous retrouverez un jour. Je ne doute pas qu’il serait fier de voir la vaillante Edelweiss que vous êtes devenue. Et s’il n’est toujours pas tendre avec vous, alors je compenserai !

Plait-il ? Réfléchir avant de parler ? Pourquoi, donc, le velouté est si bon, pourquoi se creuser les méninges ? Tu laissais le contenant vide, à ta droite, maintenant que tu avais déjà tout siffler. C’était si bon. Aucun regret.

- C’est amusant… La Forêt Désenchantée vous sied, d’une certaine manière. Je ne saurais pas trop dire pourquoi… Je vous vois bien dans une forêt ou dans une montagne. Quelque chose de calme… Enfin calme… Aimez-vous y flâner pendant des heures, quitte à vous y perdre ?

S’y perdre, n’est-ce pas. Oh seigneur, voilà les larmes qui reviennent incruster le coin de tes yeux.

- Il… Il y a des choses que vous voulez oublier ? Des soucis ? Si vous avez besoin de parler de quoi que ce soit, n’hésitez vraiment pas… Hum… Enfin, si vous voulez… Bien sûr… Et euh…

L’apparition soudaine de Rudolph, venant récupérer les bols vides avant de repartir tout aussi rapidement, te fit perdre le fil de ta phrase. Comme d’habitude tu te faisais certainement des films, imaginant les problèmes de tes interlocuteurs. Tu n’allais quand même pas gâcher un si bon repas avec toutes ces maladresses et ce manque d’assurance…

D’ailleurs, pourquoi te préoccupais-tu tant de ce genre d’apparence ? Ce n’était pas comme si tu voulais plaire à qui que ce soit… ? Tu concentrais finalement ton attention sur l’océan qu’Edelweiss venait de t’apporter sur un plateau d’argent.

- Le bord de mer ?... Vous avez bien raison, se promener sur la plage et respirer l’air iodé de l’océan est revitalisant. Et aussi nostalgique… La prochaine fois que l’on se reverra, je vous emmènerai en bord de mer. Je connais quelques endroits sympathiques où la vue est magnifique et l’eau agréable pour se baigner. Enfin euh… Y patauger les pieds ? Non, euh…

Sous la table, tu sentais ce bracelet métallique entourer ta cheville gauche. Tu ne pus t'empêcher de venir l’effleurer de ta cheville droite. Tu n’étais plus autorisée à rejoindre l’océan depuis fort longtemps, est-ce qu’y risquer un orteil restait dangereux ? Certainement…

- Regarder avec les yeux ne me paraît pas si mal, finalement. Pourquoi Selkie se baignerait-elle, ahaha !

Tu profitais de ton petit rire nerveux pour croiser tes jambes différemment sous la nappe, heurtant doucement quelque chose sur ton passage. Ce n’était pas le pied de la table. Par surprise, tu sursautas et heurtas cette même table avec ton genou, faisant valser les couverts. Ouch.

- Oups, pardon ! Je ne vous ai pas fait mal ?
Emme


Gévaudan
Déjan-thé
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Déjan-thé
Du bout des lèvres elle goûta une cuillerée de cet intriguant potage, moins par curiosité que parce que le fond de son gosier se faisait soudain desséché — serait-ce parce qu’elle avait perdu l’habitude d’autant converser ? Il est vrai que ses journées se déroulaient pour la plupart dans un épais mutisme que venaient percer de temps en temps un ordre, une remarque à l’adresse d’un collègue, un salut, plus rarement un échange de renseignements ; elle qui pourtant élevait le silence au rang de vertu cardinale se retrouvait à présent à soutenir depuis presque une heure une discussion aussi banale qu’innocente. Et le pire dans cette histoire ? Elle s’y adonnait avec plaisir, sinon avec un intérêt confinant à l’agrément. Certes, elle accumulait les mensonges et les omissions tel un perfide Petit Poucet, fausse de partout sauf de ses sourires, mais elle ne pouvait se leurrer elle-même sur la félicité qu’elle en récoltait, sur ce minuscule joyau caché quelque part entre ses poumons, en un lieu scellé à l’abri des regards inquisiteurs et des commérages. Cela resterait — envers et contre tout — son secret.
Bien qu’exquise pour un palais végétarien, la saveur de l’entrée ne fut guère de son goût ; un constat prévisible. L’arôme velouté, terreux, avait beau supplanter de loin les potées dégorgeantes de sel des cantines militaires, le mets demeurait trop incongru, trop insipide à ses papilles élevées dans le sang et la carne, ce qui ne l’empêcha pas d’y retremper sa lippe à plusieurs reprises, avec une lenteur princière, tandis qu’en face la Sirène semblait ne pas avoir mangé depuis dix ans. Quand l’appétit va, tout va, énonce le dicton. Pourquoi donc l’en blâmer ? Cependant, la Pique ne parvenait pas à démêler la cause de la conséquence : s’amusait-elle de cette attitude parce qu’elle trouvait ainsi en son hôte de quoi happer son attention ou bien était-ce parce que celle-ci se montrait d’abord adorable dans son ensemble que la moindre de ses bévues, jusqu’à confondre un E et un M, se rehaussait de distraction ? Et puis, quelle importance d’en deviner l’ordre, au fond ? De l’œuf ou la poule, à la fin elle dévorerait tout.
À moins que.
À moins qu’elle ne puisse tout simplement pas finir son plat en raison d’un sous-entendu des plus farfelus qui lui fit relever les yeux. Par les incisives du Père Castor. De quelle tendresse parlait-elle ? Celle de ses joues, de ses cuisses joliment rebondies sous ses interminables cheveux, du moelleux de ses paumes de main qui invitait à les étreindre avec délicatesse ? Et compenser comment ? Avec sa prose d’écume, le soir à la chandelle, ou bien avec ses regards de mésange à la profondeur marine, avec les saphirs de ses larmes pour unique berceuse, oh, si elle était de cire elle aurait fondu d’une telle promesse — non — quelle folie alors qu’elles ignorent tout l’une de l’autre ! Qu’y a-t-il de vaillant lorsqu’on est dressé à tuer, sans émotion ni inimitié, c’est son travail, rien de plus. Sera-t-elle toujours tendre lorsqu’elle apprendra toute la cendre et le sang dans lequel elle se baigne depuis sa naissance ? Non, bien sûr que non. Et les ultimes gouttes de soupe soudain virent amères sur sa langue.

« Oh, non... rien de tout cela... » commence-t-elle en réponse à cette nouvelle salve de questions que d’autres larmes viennent déjà entrecouper. Ces premières semblent inconvenantes, sans qu’elle sache expliquer pourquoi ; elle n’est pas vraiment coutumière de ces sollicitations, qui par l’inquiétude qu’elles transportent lui évoquent les heures en compagnie de Maiden, Maiden et son souci infini à l’égard de cette Bête que d’aucuns jugeaient irrécupérable, Maiden élégante aux manières de lys, la seule dans l’armée à lui témoigner cette attention sentimentale, à s’intéresser à ce qui fleurit au fond de son myocarde — sauf que Gévaudan l’ignore elle-même. Veut-elle oublier ? Alléger un quelconque fardeau par les mots ? Ceux-là qui résonnent dans le gouffre entre ses poumons ? Ce n’est pas tant qu’elle ne veut pas — elle refuse — mais il n’y a rien en elle qui vaille la peine d’être dit ni même partagé, voici la vérité.
Dire que Rudolph la sauva de cette impasse serait à peine exagéré. Néanmoins, par son irruption digne d’un ninja en exercice, il transforma ce silence en évidence, ouvrant de fait la voie à de meilleurs sujets. L’océan, par exemple. Et la Sirène d’y plonger avec affection ; l’inverse aurait été interlope. De là à se réjouir d’une baignade prochaine, cependant... La Pique passerait son tour. Si c’était pour finir poisseuse à barboter dans des flots turbides, plutôt rester sur la grève et admirer les créatures aquatiques depuis le rivage : laissons à Pontos ce qui lui appartient et les poissons seront bien nourris.

« La prochaine fois..? Ce genre d’invitation ne se refuse pas. »
Qui sait sincèrement si elles se reverront, quand la révolte couve parmi le peuple et que la guerre est aux portes du Royaume. La retrouver est un éclat de verre dans une marée de sable, tant l’avenir est incertain et les lendemains aussi instables que le cours du thé, cependant elle ne peut se permettre de jouer les oiselles de mauvais augure ou ne pas saisir la corde qu’on lui jette par-dessus le bastingage. Pas tant pour sa propre conscience, d’ailleurs, que pour celle de Selkie, qu’elle imagine aisément rompre en pleurs sur-le-champ si jamais elle ose prétendre que cela serait impossible. Cela le sera sûrement — pour l’instant, elle ne veut pas y songer. Oui, voilà ce qu’elle souhaite oublier : la déception qu’elle ne manquera pas de causer.
« S’y baigner, eh bien, parce que vous semblez aim-... »
Le sursaut de la demoiselle trancha net la fin de sa phrase. Le monde entier eut un hoquet, et par réflexe Gévaudan plaqua sa main sur le couteau qui avait tressailli à sa droite, se défendant toutefois de s’en emparer pour occire la menace. Ne pas refermer les doigts sur le manche, non. Aucun danger. Juste un faux mouvement contre sa jambe, le coup de queue inopiné d’une anguille bien décontenancée par son propre frisson. Si elle lui a fait mal ? Oh, qu’on la flagelle tous les matins de cette façon, si c’est là l’expression de sa douleur !
« Ne vous en faites pas, rassure-t-elle avec une risette qui camoufle mal sa moquerie, c’était agréable. » Puis se penche d’un cran tout en étirant ses jambes sous la nappe, sans rien laisser paraître de sa détente, faufilant deux longues mines entre les pieds de la table tout en scrutant son interlocutrice. « ...Le referiez-vous pour moi ? »
À l’évidence, Maiden lui aurait tapé sur les doigts pour moins que ça.

Un toussotement proche l’arrache à sa plaisanterie. Rudolph est revenu avec les plats de résistance, comme s’il avait senti depuis l’autre bout des cuisines que sa cliente favorite avait tremblé ; ce n’est pas un serveur, plutôt un chien de garde, en définitive, et si Gévaudan se recule sagement sur son siège afin d’accueillir l’assiette qui la sépare encore de son authentique festin, elle ne se départ guère de sa mine mutine. De toute manière, ce n’est pas comme si ce qu’elle avait sous son nez était en mesure de la faire plus saliver. N’ayant jamais vu de seitan de son existence, elle ne peut juger cette galette brunâtre arrosée de sa sauce à la morille — toute délectable qu’elle embaume — qu’à l’aune de son ignorance.
Une petite bouchée dans l’inconnu.
Et contre toute attente, l’étonnement la happe. Ce carré grillé, un soupçon spongieux mais dense, aux arômes fumés que souligne le crémeux de la sauce, est loin d’être aussi ennuyeux qu’elle le craignait. Il serait même plutôt savoureux, si on lui pardonne son allure de steak de mie, surtout avec le fondu des pommes de terre cuites à la perfection. Ah. D’accord, elle le reconnaît, le plus sincèrement du monde :
« Ce plat... est bon ? Je ne connaissais pas du tout. »
Pour l’extase, on repassera. Ce qui est déjà un grand pas.
Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes
Tu n’auras pas ta réponse ce soir.

Entre son hésitation puis son silence, l’arrivée de Rudolph pour débarrasser les verrines vides et ton genou cognant la table… autant dire que l'heure n’était pas aux confidences. Une partie de toi-même était quelque peu déçue, frustrée de ne pas pouvoir prêter une oreille à celle qui t’avait sauvée. Déçue de ne pas en connaître davantage sur sa personne.

Tant pis… Au moins ton cœur s’allégeait doucement en constatant que la blanche ne refusait pas ta proposition. Une petite promenade en bord de mer. Rien que toutes les deux. Tu avais grande hâte.

Enfin, ça c’était avant de te cogner le genou contre la table. Tu étais embarrassée d’avoir autant effrayé ton invitée. Edelweiss venait même d’arrêter un vif mouvement. Allait-elle tomber de sa chaise ? Attraper un couvert qui aurait bondi en dehors de la table ?

Qu’est-ce que tu t’en voulais. Après quelques « pardon » et d’autres « désolé» qui échappèrent à ton contrôle, la soldate tenta bien que mal de te rassurer. Tu sentais un ton légèrement moqueur dans sa voix. Ouf. Elle ne t’en voulais pas…

Par contre…

Comment ça, agréable ? Tu pensais lui avoir donné un coup dans le mollet, pauvre dame.

Comment ça, le referiez-vous pour moi ?. Tu te surpris à devenir soudainement rouge, bien plus rouge que la veste du père Noël.

Tu rentrais doucement ta tête entre tes épaules, tout en joignant les mains, timide. Tu ne savais pas trop comment réagir face à cette tirade… Et fort heureusement, Rudolph vint à ta rescousse en apportant le plat principal.

Tu te détendis quasi instantanément, reprenant tes couleurs normales et ta voix fluette habituelle, comme si tu venais de revêtir ton masque professionnel.

- Oh, que ces assiettes ont l’air fameuse ! Transmets mes compliments au chef, Rudolph. C’est parfait comme toujours, votre travail à tous est remarquable.

Tu avais un petit rire, doux et mignon, à la fin de ta phrase alors que Rudolph déposait les assiettes avec soin sur la table, à l’aide d’une serviette pour éviter de se brûler les doigts. Il te souriait poliment - autant dire que tu ne voyais pas du tout les regards lourds d’avertissement qu’il envoyait à Edelweiss.

Pas grave. Ce n’était pas le plus important… Le serveur s’en allait retourner à son service, sans un mot, tandis que tu observais la blanche prendre une bouchée du seitan. Tu attendais patiemment la moindre expression sur son visage ; allait-elle aimer ? Allait-elle détester ? Quel suspens.

Tes yeux bleutés se remplirent de mille étoiles et les larmes coulaient à nouveau, de joie cette fois-ci. Un compliment ? Sur l’un de tes plats préférés ? Tu avais l’impression qu’on venait de te complimenter toi et non pas le repas. Tu étais aux anges et tu te pressas de manger à ton tour, jubilant sur ta chaise.

- J’aime tellement le seitan aux morilles, c’est mon plat favori du restaurant. Selkie pourrait en manger toutes les semaines, si ce n’est tous les jours. Il est délicieux. Et je suis tellement heureuse qu’il vous plaise, bien qu’il s’agisse d’un plat sans viande.

Une bouchée. Deux bouchées. Trois bouchées. Comme l’entrée, tu te jetais sur le plat principal à bon coup de fourchette et de couteau. Et dire que le dessert qui arrivait ensuite était encore plus exquis.

- Selkie est certaine que la bûche de Noël vous laissera pantoise, miss Edelweiss. Une explosion de gourmandises et de délices. Vous n’êtes pas prêtes !

Tu parlais presque la bouche pleine, où étaient passées tes bonnes manières. Tu restais concentrée sur ton assiette jusqu’à ne laisser aucune des délicieuse pomme de terre ni aucune goute de la sauce morille. Tu étais repue et pourtant le repas n’était pas fini. Loin de là.

Enfin, tu crois.

Posant tes couverts dans l’assiette, tu la repoussais doucement pour marquer la fin de ce plat succulent. Tu posais ta tête sur le bout de tes doigts, ne te lassant pas d’observer ton interlocutrice. Tu n’avais pas remarqué les mèches teintées de noires dans ses cheveux. C’était discret. Plutôt joli. Ses cheveux avaient l’air soyeux, peut-être même…

Agréables.

Tu rosis doucement. Une de tes jambes croisées vint doucement caresser celle d’Edelweiss. Tout du moins tu sentais surtout les lacets de ses hautes bottes. Dommage.

Mais qu’est-ce que tu fichais ??

- Pardon, je… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris…

Écarquillant les yeux avant de rougir, tu te ravisais finalement, masquant le bas de ton visage avec tes mains. Tu regardais ailleurs avant de ramener ton pied bien trop curieux vers toi.

Puis tu entendis un claquement métallique contre le carrelage. Quand tu te rendis compte de ta bêtise qui allait sans doute gâcher la fin du repas, il était déjà trop tard. Tes jambes se transformèrent en une queue de poisson et tu glissas de ta chaise pour finir à moitié sous la table, te noyant sous la nappe, n’ayant plus de jambes pour te maintenir assise. Ta soudaine disparition devait en surprendre plus d’un.

Ah. Il semblerait que tu ais retiré ton maudit bracelet par mégarde. Cela t’apprendra peut-être à penser à mettre des chaussures, à l’avenir.
Emme


Gévaudan
Déjan-thé
Icône : .Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes. [Little Mermaid] * - Page 2 Yie2
Citation : “There's blood on your lies — the sky's open wide — there is nowhere for you to hide — the hunter's moon is shining.”
Messages : 20
Âge : ~30 ans
Race : Déjan'thé
Métier : Valet de Pique
Avatar : Arlecchino - Genshin Impact
Origine : Légende du pays de Gévaudan
Pouvoir : Paranoïa | Démence psychotique
https://otherlands.forumactif.com/
Gévaudan
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Déjan-thé
Comment devient-on une bonne personne, un gent de bien ? Par quel miracle de physionomie, par quel coup de dés chanceux tiré avant la naissance se voit-on doté d’un caractère plus tendre ou pourvu par les anges d’une âme plus douce, couleur coton, autour de laquelle s’emmitoufle notre corps ainsi qu’un pelage d’hiver ? Quand elle voit la Sirène s’empourprer autant, qu’elle l’observe minauder délicatement, inconsciente sans doute de se montrer si adorable, Gévaudan ne peut que s’interroger sur la somme de coïncidences et de hasards qui ont conduit à la genèse d’une telle créature — et dans l’équation, n’aurait-elle pas pu recevoir elle aussi un de ces charmes naïfs, le don de voir le monde autrement que comme un vaste champ de bataille ? C’est que la demoiselle est à l’opposé de tout ce qui compose son existence de Pique ; nul angle chez elle, rien que des rondeurs, nulle épine, rien que des fleurs, des caresses par milliers et des gestes cent fois polis jusqu’à la ligne de ses dents, jamais avare d’une jolie flatterie ou d’un encouragement, primesautière, printanière, petit paradis de chair et d’os serti en guise de voix d’un chant d’oiseau.
Et un appétit de lionne, à en juger par la célérité avec laquelle elle termine sa nouvelle assiette. Malgré son approbation, Edelweiss ne peut cependant l’imiter, et cela tient moins du fait qu’elle se raccroche aux règles de bienséance qui lui ont été inculquées jadis que de son simple engouement pour le plat qu’elle déguste à petites bouchées. Elle a dit « bon », pas délicieux. Pas de quoi en tomber en pâmoison ni même verser des larmes à l’instar de l’amoureuse du seitan aux morilles, encore que l’enthousiasme de cette dernière vis-à-vis du compliment tout tempéré lâché par la militaire suffit à rehausser d’un cran la saveur de l’ensemble ainsi qu’une pincée de sel. Au moins saurait-elle où l’inviter la prochaine fois.
À laisser pantoise, la bûche ? Malgré l’air résolument catégorique de cette affirmation, la Pique ne se trouve guère convaincue par la suite. Pas qu’elle imagine Selkie capable de lui mentir ou d’enjoliver la réalité des choses, non, mais c’est qu’à y réfléchir... a-t-il déjà eu un seul moment dans sa vie qui l’ait vu s’ébahir ? Existe-t-il au monde une seule chose en mesure de lui arracher un haut-le-cœur de joie, une vague de plaisir qui ne soit ni cadenassée par le rigorisme ni affadie par ce dé-goût qu’elle a face à son environnement ? Comment c’est, d’être saisi, littéralement saisi de volupté par un mets que l’on ingurgite sans vouloir s’en sustenter, mais pour s’en délecter de la plus triviale des façons ? Elle a beau avaler sans renâcler, Gévaudan ne parvient pas à concevoir l’effet que cela ferait, si elle était aussi transportée que sa voisine par un coulis de champignons et des patates rôties. Oh, la vie serait peut-être plus amusante, certes, tout au plus. Et cela lui donne presque envie de s’y essayer.

La Sirène termine aisément la première, quand il subsiste encore le tiers du plat dans l’assiette de la Bête. Celle-ci ne se presse pas pour autant ; le silence retombé entre elles, en aucun cas gênant ou dépréciable, lui autorise un répit bienvenu dans cette conversation bien plus longue que celles qu’elle a l’habitude de gérer avec n’importe lequel de ses collègues ou supérieurs. Dans la salle du restaurant, le niveau sonore est assez bas pour que les discussions se distinguent les unes des autres, intelligibles à qui prêterait l’oreille, pourtant elles ne recèlent rien d’intéressant que Gévaudan saurait retenir pendant qu’elle mange. Des menus propos. Des histoires de famille, des ragots inoffensifs, d’oisifs roucoulements. Puis le regard de Selkie qu’elle sent posé sur elle sans lourdeur, insistant quoique innocent, et qu’elle ne croise pas à dessein puisque si elle ose relever vers elle ses pupilles deux fois fendues de rouge, c’est certain, la nymphe se détournera et disparaîtra dans les profondeurs de sa honte.
Une honte qui, l’espace d’un instant, a toutefois mis les voiles devant les agissements de la Sirène, juste le temps qu’elle envoie son pied effleurer la jambe de sa convive — et Edelweiss de s’immobiliser, la fourchette à quelques centimètres de sa bouche entrouverte, guettant la suite comme si l’on venait de prononcer son nom. De suite il n’y aura point, malheureusement, ou du moins pas à hauteur de l’appel ; avant même que la soldate puisse esquisser une risette, le contact se dissipe dans la confusion de son initiatrice. Dommage, oui. Trois fois dommage. Quant à deviner ce qui lui a pris, voyons...
« ...hm, je serait tentée de dire que... »
Elle n’aura pas le loisir de finir sa phrase : dans un tintement de céramique, le visage de Selkie se décompose sans que son précédent frôlement y soit pour quelque chose. Typique expression de celle qui a oublié le hamster dans la machine à laver. D’instinct Gévaudan se braque d’autant, aux abois — un danger vient-il d’entrer dans la salle, derrière elle ? — mais tout ce qu’elle voit, c’est son rendez-vous qui file à l’anguille sous la table, aspirée par Castor sait quel siphon souterrain. Autour, un silence de tuyauterie s’empare des clients éberlués tandis que le Valet recule d’un cran afin d’analyser le phénomène, et se tranquillise aussitôt en apercevant remuer de son côté les nageoires bleutées à l’extrémité de ce que la nappe maintenant dissimule. Une queue de poisson. Bien entendu. Par chance, ce n’est pas ainsi que s’achèvera cette soirée : elle ne laissera pas ce contretemps ruiner le dessert.

« Mademoiselle..? »
Le ton n’est pas curieux — soucieux, plutôt. Constatant que la Sirène ne remonte pas à la surface, elle en déduit que l’invisibilité est préférable à l’embarras et que, si elle veut la revoir, il lui faudra s’agenouiller. Soit. D’une main elle soulève lentement le tissu ; dessous se terre sans nul doute un animal apeuré, mieux vaut éviter de le brusquer. Ce faisant, Gévaudan n’a que faire du murmure désapprobateur glissant parmi la clientèle, car si elle le souhaitait, ils détaleraient tous comme des lapins de trois semaines. Un genou au sol, elle faufile une moitié de son corps sous la nappe.
« Que s’est-il passé ? » Question rhétorique, nez-à-nez avec ce serpent bleu qui a dévoré les jambes de la psychologue. Recouverte d’une fine pellicule d’écailles scintillantes, sa queue prend des allures d’immense murène irisée, et la Bête ne sait s’interdire de penser à des darnes tranchées par une main experte. À côté, le seitan n’est qu’un bout de carton poêlé. « Ne pleurez pas, ce n’est rien », ajoute-t-elle alors que mille autres perles pointent déjà aux yeux de Selkie. Puis elle distingue une chaînette turquoise échappée un peu plus loin et comprend tout de suite qu’elle tient là le coupable. Ce n’est pas la première fois qu’elle manipule des objets magiques de la sorte, néanmoins celui-ci est d’une préciosité toute particulière, fragile et délicat, aussi le ramasse-t-elle à l’instar d’un souriceau.
« Permettez ? »
La demande intervient un peu tard, alors que cela fait déjà plusieurs secondes que sa main droite traîne quelque part sur la peau froide de ces anciennes jambes, ses phalanges à peine enfoncées en douceur dans la masse de muscles. Si le toucher est intentionnel, telle une petite revanche à l’encontre du pied qui l’avait effleurée la minute précédente, le transformer en caresse ne l’est cependant pas, mais s’en excuser ne lui traverse même pas l’esprit. Contrairement au fait qu’elle désirerait qu’il n’y ait plus qu’elles deux dans ce restaurant, tout en ne le souhaitant pas. Parce que dès lors, elle remplacerait ses doigts par ses dents.
Oh, to touch the mighty sea in your hair and drink its stars from your eyes
Honteuse de gâcher un si beau repas à tes dépens, tu n’essayais plus de remonter sur ton siège ou même de t’agripper à ce dernier. C’était peine perdu, tant tu enchainais les maladresses ce soir. Ramenant ta queue de sirène vers toi pour qu’elle ne dépasse point de la nappe, tu rêvais déjà de devenir invisible ou de te cacher dans un trou de souris pour échapper à la réalité.

Encore et encore, tu ne retenais plus ses émotions qui coulaient de tes yeux avant d'atterrir sur le carrelage froid. Tu cherchais vainement le bracelet magique du regard, mais tu ne le trouvais pas. L’idée de ne pas retrouver rapidement tes jambes humaines t’angoissait ; comment allais-tu rentrer chez toi ? Comment vivre parmi les bipèdes sans jambes ? Qu’allait-elle bien penser de cette horrible queue de poisson ?

La chaise devant toi glissait sur le sol tandis que la nappe laissait entrer un peu de lumière sous la table, faisant briller quelques-unes de tes écailles. Tu te doutais bien qu’Edelweiss jetterait un coup d'œil pour s’assurer que tu ailles bien, mais tu redoutais son regard. Et si sa bienveillance se transformait en dégoût ? A cette idée, tu te figeais..

Après tout, les humains ne trouvaient pas les queues de poisson très jolies…

Tu murmurais mille pardons, bien que la demoiselle se voulait rassurante dans ses propos et ses gestes. Sa voix te calmait. Un peu. Avant que sa main posées délicatement sur tes écailles bleutées ne te fit sursauter une énième fois vers le plateau de la table. Décidément. Mais la petite douleur occasionnée à l'arrière de la tête n’était rien en comparaison à ta rougeur. Tu avais l’impression que ton système sanguin allait exploser, tant ton cœur s’emballait sans raison.

Mourir de honte. Ce devait sans doute être ça.

Bien qu'inattendu, tu ne détestais pas cette légère caresse. En réalité, tu ne savais pas trop comment réagir face à la situation. Comme d’habitude. Tu relevais doucement la tête vers Edelweiss, la surprise ayant réduit le flot de larmes.

-  Cela… ne vous rebute pas ? demandais-tu, la voix sanglotante mais étonnée. C’est visqueux et froid, non ? Enfin… Euh…

Tes pupilles d’aigue marine croisèrent un objet bien singulier entre les mains de ton invitée. Tes yeux devinrent ronds comme des billes lorsque tu réalisas qu’il s’agissait de ce maudit bracelet de cheville. Brusquement et avec une poigne que tu ne t’imaginais pas, tu t’emparas de ce trésor empoisonné en l’arrachant des griffes gantées d’Edelweiss, sans réfléchir, sans aucune délicatesse, comme si ta vie en dépendait. Tu tenais le bracelet fort contre toi, comme pour te convaincre qu’il n’était plus perdu.

Ce n’était qu’une fois rassurée et soulagée que tu dessinais un sourire embarrassé. Tu avais agi brutalement sans réfléchir, par réflexe de survie. Presque.

- Selkie est sincèrement désolée… J’ai eu très peur de ne pas le retrouver.

Tu restais immobile un court instant. C’était étrange. Le carrelage n’était pas spécialement confortable et on entendait encore les autres clients piailler derrière la nappe. Et pourtant, tu avais l’impression que le temps s’était suspendu, comme dans une bulle de savon. Juste toi et elle.

Tu te sentais plus calme, te perdant dans ses pupilles striées de rouge. Elles t’hypnotisaient tant que tu en oubliais ta queue de sirène et la bûche de Noël. Tu posais doucement ta main sur l’une des siennes, gardant précieusement ton bracelet dans l’autre main.

- Merci beaucoup Edelweiss… De toujours me porter secours, ahah…
Emme


Gévaudan
Déjan-thé
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Déjan-thé
C’est plein de vie sous la pulpe de ses doigts, elle le sent. Toute cette vitalité qui palpite malgré la fraîcheur de la chair, l’océan dans les veines, vagues de chaleur sous les pommettes et le long des nerfs dressés, sur le qui-vive, à retenir ce contact pour ne pas l’oublier, pour le graver à coups d’aiguilles dans tous les pores de sa peau, et quand reviendra la solitude, quand il n’y aura de nouveau plus qu’elle sous le ciel de Wonderland, sa paume encore se rappellera de ce toucher fébrile, tatouée par sa présence enfuie, bénie. Bien entendu la Sirène persiste à pleurer, à s’inquiéter, et si elle savait tout ce que la Bête a déjà touché de visqueux et de froid durant son existence — des viscères en veux-tu en voilà, à s’y rouler tant et tant qu’elle perdrait le compte, la viande froide est d’un ordinaire — mais non, elle ne la rassurera guère sur ce point, craignant trop l’effet inverse.
Alors, surprenante de rapidité, Selkie lui reprend tout à coup le bijou. Sur l’instant, Gévaudan se contracte, ses sens assimilent la soudaineté à une menace, sauf qu’elle se relâche presque instantanément face à ce timide sourire qu’on lui offre en guise d’excuses, avant de se voir ramollir pour de vrai quand la demoiselle lui touche la main. Odieuse sensation. Même à travers son gant, la Pique sent la douceur de ces phalanges si fines qu’elles lui évoquent du cristal, discerne dans la pénombre sous la table les quelques écailles bleutées qui y ont germées, se retient de les enserrer.
Non.
Ne se retient pas. Sans qu’elle ne les commande, ses propres doigts glissent, se retournent pour venir cueillir ceux de sa compagne du soir. Puisqu’elle n’a pas voulu lui céder le bracelet, elle devra donner sa main entière en échange, et ce sans concession ; pourtant le geste est trop soigneux pour s’imposer, la prise n’a rien d’une cage et si le poisson veut s’échapper, qui est-elle pour l’en empêcher ?

« Ne me remerciez pas ; ce n’est pas mon devoir, mais uniquement mon envie. Je suis en quelque sorte... un monstre d’égoïsme. »

Entre autres choses. Mais elle n’a pas le temps d’expliciter qu’un raclement de gorge sonore, émanant de l’extérieur de leur cachette, les arrache à leur cocon de coton. Là derrière la barrière de la nappe, dressé tel un phare luttant contre la perversion, Rudolph se rappelle à elles avec cérémonie. Les mains chargées des assiettes à dessert, il ne peut s’accroupir à son tour — son éducation de même que l’exigence de son travail ne le lui autoriseraient pas non plus — cependant il sait qu’il doit intervenir pour la sécurité de sa fidèle cliente, ou tout du moins pour éloigner la prédatrice qui lui tournerait autour de la plus indécente des manières.
Gévaudan réprime une moue. Son visage redevient neutre, son squelette reprend consistance, son instinct se ressaisit. Et sa main de délaisser à regret celle de la Sirène, lorsqu’elle commence à se redresser.

« Je crains que nous ne puissions rester là-dessous plus longtemps. Si vous préférez vous en occuper vous-même — ses pupilles désignent le bijou de perles —, je me charge de rassurer notre sentinelle. »

C’est prononcé sans humour, sans sourire non plus, néanmoins il est impossible de ne pas y lire un trait de dérision à l’égard du brave serveur — brave serveur qu’il lorsqu’il aperçoit la grande militaire sortir de sous le tissu, pas ébouriffée pour un sou, hausse un sourcil circonspect tout en demandant si Mademoiselle a besoin d’aide.

« Nullement, il n’y a rien de grave, répond Gévaudan monocorde, donnez-lui juste une minute, elle réajuste sa toilette. »

Il n’en faut pas davantage pour faire monter le rose aux joues du professionnel, à cause d’une pensée qu’il gardera secrète, et que son interlocutrice se défendra de chercher à connaître. Même si, au fond, elle regrette un peu de ne pas avoir agi de manière à lui fournir pour la peine une excellente raison de s’embarrasser.
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