I don't eat or sleep no more just pace around Banging my head on the wall just to hear the sound (...) And I could kill you for what you've done to me
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✶ Bagheera
Parfois, tu te réveilles au milieu de ta chambre constituée d'arbres morts et tu regrettes ton ancienne vie. Tes arbres. La caresse de leur ombre sur tes écailles. Ton vieux mentor, l'humour piquant de Shere, les histoires d'Akeela. Tu te réveilles, emplis de souvenirs à moitié effacés, tes yeux se heurtent à un plafond blanc au lieu d'une voûte étoilée. Tu te fais claustrophobe. Parfois, tu rêves de te débarrasser de tes regrets comme d'une vieille mue. Surtout, tu regrettes cette ville à taille bipède où tu te trouves bien trop souvent obligé de laisser tes écailles. Il est parfois compliqué pour un serpent de plusieurs mètres de déployer ses anneaux dans un univers si étriqué.
A défaut de forêt, tu as ta boutique. Un univers, beaucoup plus restreint, que plus facile à contrôler également. En général. Quand Cate ne magouillait pas dans son coin en pensant que tu étais aveugle aux figures qui défilaient dans sa boutique. Ce n'étaient pas des ombres de souris que tu percevais régulièrement derrière la fenêtre du dernier étage.
Un bruissement interrompt tes rêveries. Ton regard mordoré se détourne de ce blanc si désespérant. Ce n'était pas des bruits de pattes de souris sur le plancher qui te parvenaient du rez-de-chaussé. Tu avais rangé chacun des bibelots sur tes étagères. Tu savais pertinemment le bruit que fait la céramique en glissant sur leur surface. Tout comme tu savais que les incohérences dans ton inventaire n'étaient pas dues à une erreur de ta part ou à une étourderie de ton associé. ( Pour cela, il faudrait que la chenille quitte bien plus souvent la position allongée et pose son narguilé quelques secondes.)
Quelle chance. Un encas nocturne livré à domicile. Il te calerait les crocs jusqu'à l'ouverture. En espérant que ses os soient aussi friables que le précédent. Tu adores les entendre se briser entre tes écailles. Peu importe ce que certaines chenilles pouvaient penser, tes méthodes avaient le mérite d'être doublement efficaces. Tu ne l'avais encore jamais vu courir après le moindre voleur.
Tes pieds sont nus évitent les lames du plancher qui pourraient trahir ta présence et ruiner ton repas. Les seules lumières sont celles qui filtrent de la rue mal éclairée. Le ciel est couvert. Tu te faufiles entre tes rayonnages à la recherche de la moindre ombre suspecte. Il frémit sous ta peau, le serpent, mais tu contiens tant bien que mal tes écailles. Bientôt. Pour l'instant, tu as besoin de la manoeuvrabilité de ta forme bipède. Là. Bien plus menu que tu l'espérais, une demi bouchée en perspective tout au plus.
– Tu comptes payer cette lampe, n'est-ce pas ?
Ta voix basse tient plus du sifflement, trahissant la colère qui t'anime. On osait te voler. Le fruit de maintes négociations et maux de têtes, de beaucoup trop de pleurs et de reniflements insupportables. Particulièrement cette lampe. Sa propriétaire avait vidé la moitié de ta boîte de mouchoirs. Tu avais dû la nettoyer avec de l'alcool, cette lampe, pour en ôter tout le mucus qui la souillait.
Elle se referme sur le collet de ton encas, ta main, avant qu'il ne lui vienne l'envie de fuir. Et si tu le secoues, c'est simplement pour voir si rien ne tombe de ses poches.
Santa Village s’était habillée d’un manteau de nuit aussi calme que paisible. Peut-être trop silencieux, car le moindre de tes pas n’échappait guère aux oreilles les plus sensibles, malgré ta grande discrétion. Heureusement, tu étais seul dans la rue, n’ayant comme seule compagnie celle des lampadaires. Une compagnie trop lumineuse que tu esquivais habilement en rasant les murs jusqu’à la boutique de Have Faith. Tu t’introduis par la porte arrière de cette dernière sans grande difficulté. Les mécanismes de sécurité n’était plus un secret pour toi. Malheureusement.
L’on ne pouvait guère afficher un comportement plus suspect que le tien…
Vilaine habitude ou kleptomanie trop développée, tu ne partais jamais les mains vides de Santa Village - bien qu 'accessoirement, elles étaient déjà bien pleines à ton arrivée dans la journée, avec un.e Alice sur le dos. Ton père adoptif prenait déjà la peine et le risque de te rendre service en récupérant la charge de l’Alice et, pourtant, voilà que tu volais sa boutique.
Vilain garçon.
Tu ravalais ta culpabilité et ta fierté. Après tout, tu n’avais pas le sous.
Sur la pointe des pieds, tu vadrouillais entre les rayons de la petite boutique au mille trésors. Tu t’arrêtais de temps à autre pour analyser des objets malgré la pénombre. En temps normal, tu ne grappillais qu’une ou deux babioles pouvant être utiles à Tree Town et aujourd’hui ne faisait pas exception. Il ne servait à rien d’être gourmand comme lors de tes escapades dans le monde des Alices. Il te fallait quelque chose de transportable, d’utile et surtout… Quelque chose qu’il était bien difficile de trouver dans la nature à Lostland.
Ton attention se posait alors sur une lampe à huile de taille moyenne. Du matériel pour l’allumer était posé à côté. Parfait. Tu tendis la main et te mis sur la pointe de tes pieds pour l’attraper. Le visage de Cate t’apparut à l’esprit, image furtive. Tu grimaçais avant de te faire hésitant. Un peu comme à chaque fois que tu chapardais quelque chose dans cette boutique.
Non. Tu n’avais pas le droit d’hésiter.
Tu repensais à la pauvreté de Tree Town et à cette lampe qui pourrait faire sourire son nouveau propriétaire. Tu balayas toute once de culpabilité. Tu te saisis de la lampe.
Quelle erreur.
Quelle erreur de ne pas avoir tendu l’oreille lorsque tu hésitais encore. Une voix t’interpella. Une voix que tu ne connais que trop bien. Une voix que tu te serais bien passé d’entendre.
Affichant de grands yeux étonnés, tu remarquas ceux qui t'observaient dans l’obscurité. Tu n’eus pas le temps de réagir que l’on te saisit par le col pour te secouer comme un prunier. Aucune prune ne tomba. Heureusement. Mais tu allais passer un sale quart d’heure…
Des deux propriétaires du Have Faith, il fallait évidemment que tu tombes sur Kaa… Quelle plaie. Mais en même temps, ce dernier avait bien raison d’agir de la sorte. Urf.
Tu essayais de retirer la main qui t’empoignait. Très certainement en vain. Tu n’avais pas lâcher la lampe, ton poing s’étant crispé sur la anse de cette dernière. Le serpent était effrayant, mais son aura ne t’empêchait guère de jouer les insolents - rare fois où tu tutoyais quelqu’un, d’ailleurs.
- Tu me traites de voleur, mais cette lampe n’a pas encore quitté ta boutique, à ce que je sache… Laisse-moi au moins le temps d’arriver jusqu’à la caisse…
Mauvaise réaction, d’autant plus que tu n’étais pas en position de force, aussi bien physiquement que verbalement. La fatigue du voyage entre Lostland et Wonderland ne te permit pas de calmer le jeu, bien au contraire…
