Un passeur trépassé passe

Elles étaient aussi brave qu'elles ne fussent fugaces… Un instant de silence pour ces conversations tombées au combat.

Le faucheur était d’une redoutable efficacité pour les achever.

Et c’est bien dommage, car Saycie, elle aime ça, papoter. Elle aurait pu s’apeusantir encore bien longtemps combien sa mère lui avait également inculquer de se méfier de ce qu’elle ne connait pas, du coup, les animaux entre dans cette catégorie et combien elle serait ra-vie qu’un beau prince lui aprenne déjà à ne plus avoir peur du beau cheval blanc sur lequelle il viendrait la chercher et… Mais bef, car malgré un amour inconditionnel du commérage (et de sa très vivace imagination) , il y a une chose que la secrétaire aime autant, c’est son job. Et justement, elle n’était pas venue papoter mais pour travailler ! Sacré Morty qui la distrait à lui poser des questions ! Mais elle ne se laissera plus dériver, ça non !
Ainsi pleine de nouvelles résolutions, comme réveillée par son petit dossiers encore bien vide dont il est bon de ne pas compter le nombre de page sous peine de découragement foudroyant, Staycie se ressaisit, fronce ses délicats sourcils sur une petite moue déterminée et clic clic son beau stylo pour se remettre dans le bain.

“Un guide touristique ?”

Et ainsi mourut également la très belle résolution de ne pas se laisser distraire.

Car le petit esprit fébrile de la célibataire était de nouveau en pleine effervescence. Peut-être était-ce une couverture pour cette histoire d’amour égaré ? Peut-être était-ce sinon pour référencer les coins les plus romantiques des otherlands ? Un Guide Touristique de l’Amour, en voilà une idée qui réjouissait les petits neuronnes de la jeune femme !
Elle trépignait sur son siège, ses jambes battant du pied d’excitation et son dossier maintenant serré contre sa poitrine comme on sert une peluche fort contre soi.

“Et est-ce qu’il y a un lieux” ou quelqu’un “qui a attiré votre rega…” est-ce qu’on peut parler de regard quand on n’a pas vraiment d’yeux ? “votre coeu…” pareil quand on n’a pas de palpitant “votre intérêt ?” Bien joué Staycie.

“Et vous avez un nom pour vitre guide ? Vous l’écrivez depuis longtemps ? Qu'est-ce qui vous a poussé à le faire ? A-t-il un thème dédié ?” Ou comment en savoir plus avec la discrétion de la grue glissée dans les catacombes.

Staycie attend.

Elle attend avec patience car ça oui, elle est patiente Staycie.
Du moins, elle peut l’être.
Parfois.
Comme là.
Où elle attend le petit détail croustillant qui la fera détentrice du petit secret en plus sur le fameux et mystérieux guide. C’est comme attendre la surprise dans le kinder. Elle attend et elle écoute car même si Staycie aime papoter, elle sait que le premier pas pour une conversation réussie, c’est l’écoute également. Alors, là, c’est comme si elle déballait avec patience son petit Kinder surprise.

Et qu’elle découvre que ce n’est qu’une petite coque vide.

Rien ne vient. Rien de très potin-friendly du moins. La secrétaire en aurait agité ses petits bras si elle n’avait pas eu un petit peu de retenue. Un talon battant la cadence illustre la frustration sur la très lisible secrétaire, une joue un peu gonflée de dépit aussi, mais elle ne dit rien. Ses sourcils tricotent délicieusement tandis que ses adorables méninges turbinent à en faire sortir de la fumée par les oreilles.

Car elle a quand même noté Staycie. Et c’est normal, elle note fort bien, merci pour elle :  elle est secrétaire. Et elle a noté le dernier mot du passeur. Un mot qu’elle connait bien car elle n’est pas stupide (simplement pas très éveillée disait sa maman) mais qu’elle connait mal quand on a un emploi du temps aussi fournis que le siens.

“Ennuis ?” répète-t-elle un peu bêtement. “Vous répertoriez les endroits les plus ennuyeux ?” conclut-elle très bêtement.

Staycie ne comprends pas. Quel est l'intérêt de faire un guide du routard de l'ennui ? Ça, ça la fait bien cogiter. Au moins… 5 min avant qu’elle ne laisse tomber. Car…Bah, les gens sont bizarres, a-t-elle vite compris dans son ancien drôle de monde et dans ce drôle de nouveau ci. Résiliente, elle a bien appris à ne pas s’en offusquer et s’agite sur sa petite chaise avec enthousiasme.

“Bah, vous faites comme vous voulez, M. Morty, hin hiiiin. Mais vous avez pensez à faire d’autre thème ? Comme… Par hasard” Vraiment par hasard “Les coins les plus romantiiiique des Otherlands ! Car on a une ville d’halloween, une ville de conte grec, une ville de petit poney, mais pas une seule ville de l’amour, si c’est pas triste ça !”

Puis elle énumère sur ses doigts “Ou une ville avec des beau célibataire ! Ou une place qui est typée conte de fée mais où on sait reconnaître une secrétaire (comme moi) à sa juste valeur ! Pas comme ces rustres à One-der-land si vous voulez mon avis !” Et Morty, tu ne veux pas son avis. Pourtant, Staycie va te le donner ! Et avec émotion car le rouge lui monte au joue, sa petite bouche se pince et elle sert même ses jolis dossiers contre sa poitrine en geste de réconfort. “Des hommes des cro-mignon -ou c’est cro magnon ?-, voilà ce que c’était ! Y êtes-vous passé ? Rholala, j’vous raconte pas !”

Et pire encore : si on la laisse faire, elle serait bien capable de le raconter.

“Et c’est tout ce que j’ai à dire sur cette bande de rustres !

Vous vous rendez mieux compte maintenant ?!”

Staycie expire. Ce qui est incroyable à concevoir après la plaidoirie qu’elle venait de faire. Comment encore avoir de l’air dans les poumons après avoir parlé si longtemps ? Sans doute avait-elle maîtrisé l’arcane des inspirations courtes entre deux points ou l’art ancestral de savoir parler en inspirant. Qui sait ?
Ce qui était sûr c’est que s’il avait eut des oreilles, Morty pouvait maintenant penser à les faucher. L’humain normal aurait sans doute pris un dossier au pied de la petite secrétaire et aurait enfoncé ce dernier en boule quies du dernier espoir. Ou se serait percer les tympans avec la tasse de thé précédemment offerte. Car elle avait ce truc, la voix de Staycie : cette capacité à faire perdre toute rationalité.

La jeune femme, elle, semblait satisfaite, comme un gros poid qui sortais de son coeur. La main posée sur la poitrine, elle sourit.

“Merci d’m’avoir écouté M’sieur Morty, hin hiiiiin, ça m’a fait un bien fou ! Ça compte beaucoup pour moi.” (Au moins +10% dans la jauge d’amitié de Staycie !)

Elle est chou quand elle sourit Staycie. Inconsciemment, elle penche sa tête sur le côté, ses petites boucles de pointes de cheveux dansent en rythme de son mouvement, sa bouche se pince avec gourmandise. Quel dommage que sa nasillarde voix vienne toujours rompre le charme ! Comme un hérisson lancé à l’aide d’un canon contre un joli ballon.

“Enfiiiiin, je parle je parle, mais ses dossiers vont pas se remplir tout seul, heiiiiiin !”Elle reprend le tout juste cité, se redresse sur sa chaise, lève haut son petit stylo bic qu’elle clic clic deux fois avant de finalement reprendre  “Queeestion 65…est-ce que vous… Pourquoi vous vous ennuyez m’sieur Morty ?”

Est-ce que la petite secrétaire venait de se couper la parole toute seule, comme une grande ? Et bien oui, une autre des merveilleuses capacités de Staycie. Le petit train des informations n’arrivait souvent que bien en retard dans la petite gare mentale qu’était sa tête.

“Ce monde n’a pas l’air super ennuyeux pourtant.”

Elle, elle avait vécu plein de trucs incroyables par exemple. Essayé d’être secrétaire à Wonderland (cf : le long monologue qu’elle venait d’effectuer voyons ! Vous suivez ou bien ?) pour finalement devenir secrétaire du diable, rien que ça ! (Si seulement elle pouvait raconter ça à ses copines ! ces dernières seraient horrifiée vertes de jalousie !) et rien que ça, ça lui semblait déjà beaucoup ! Et évidemment, il y avait tous les drames de cœur…

Mais c’était bien sûr ! N’était-ce pas L’amoûr qui manquait à Morty ? Pouvait-il le ressentir ? Au fond d’elle, l’alice eut bien pitié de ce personnage pourtant attachant.

“
Si quelqu’un te dit Stop, Staycie, tu le crois ! avait un jour dit Maman. S’il voulait en dire plus, il n’avait qu’à être honnête. Surtout s’il a parlé plus de deux minutes avec toi, il doit bien s’être rendu compte.

Oui, Maman ! Pense maintenant la grande Staycie non sans une once de fierté. Car même si la curiosité est grande, pas besoin de savoir quelle est la question à la vie, l’univers et tout le reste pour savoir quand arrêter de poser des questions. Non, c’est non. Ainsi, quand la mort signifie ne plus avoir envie d’en dire plus sur cette histoire d’ennui, la secrétaire répond d’un simple “D’accord !” sans contrariété aucune (car bien trop occupée à se féliciter de se souvenir des sages paroles de sa mère). Car elle parle bien Staycie. Mais elle sait aussi écouter.
Sa mère était une sage femme.
Hey, elle avait réussi à rendre Staycie Adulte !
Un exploit dont peu peuvent se vanter.

Soudain, contre toute attente, M.Morty continue de parler. Après avoir dit stop.

Alors ça, ça dépassait la sagesse de Maman.
(Admettons que la pauvre femme devait établir des règles simples et sans exceptions pour le bien être des cellules vaguements grises de petite Staycie)

Staycie penche la tête, attentive à cette nouvelle vague de paroles, un gros point d’interrogation écrit très visiblement sur la figure. Mais, Miracle ! Elle reconnait ce ton. C’est le ton qu’employait Maman quand elle voulait dire une grande leçon de vie. Alors ses petits sourcils à la secrétaire se fronce de détermination, prête à accueillir cette nouvelle perle de sagesse et les stocker comme la petite huître qu’elle est.

“Oooh, mais c’est le cas M.Morty ! Je profite de chaque minute à FOND !”

Et comme pour illustrer, après un nouveau clic clic de son stylo, la secrétaire gonfle la poitrine, ramène son questionnaire devant elle et rugit avec plaisir :

“Question 65 ! Quelles sont vos perspective d’avenir dans le Train ? Et question 66 avez vous des vénél… véhal… des ambitions de renverser notre très cher créateurs à tous ?”

Car deux mots pouvaient décrire la jeune femme : Secrétaire et Celibataire. Le second point, Staycie avait bien compris (miracle !) qu’il ne serait pas réglé avec le passeur. Le premier point, par contre, Staycie le vivait avec passion.

Staycie semblait distraite. Bien trop inspirée par son questionnaire à noter dans un enchaînement de petites notes et d’abréviation ce que mot pour mot disait M.Morty (comme sa petite tête s'était maintenant habituée à désormais nommer la grande et terrible Mort). Elle notait fort vite, la petit Staycie, ça on pouvait le lui accorder. Mais était-ce au détriment de sa concentration ?

“Vous avez oublié la question 65 M.Morty.”

Et bien non. Elle remua son stylo à l’adresse du squelette, un sourire farceur sur le bout des lèvres, le visage rond de joie. “Allons allons, Monsieur Morty ! Un peu de concentration, sinon, on n’a pas fini ! Là, vous voyez ?” Elle montra les 3 lignes vides face à la question 65, les tapotant du bout de son stylo. Aucune malice dans les grands yeux noisettes de la petite secrétaire. Le nombre de neurones demandés à telle tâche étant naturellement insuffisant sous sa petite tête chevelue.

“Et Oh bonheur ! Vous avez le droit également à l’annexe 9 du questionnaire qui est “Moyen de pouvoir”, vous en avez de la chance ! C’est la première fois que je le sors.”

Penché sur les dossier gisant à ses pieds, tel un petit lapin volant (et pourquoi pas, hum ?) au-dessus d’un champ de carottes, Staycie fondit avec la précision du chasseur sur une nouvelle liasse qu’elle dénoua. Tout, dans sa gestuelle, traduisait le plaisir gourmand quand elle sortit un nouveau paquet de papier tout bien tenu par une agrafe rose brillante (on peut être secrétaire du Diable et avoir un peu de style, nom de nom !).

“Vous disiez donc, question 66 je cite “QUE VOUS AVEZ D’AUTRES MÉTHODES BIEN PLUS FACILES POUR Y ACCÉDER” (elle imitait, malgré sa cavité nasale tout à fait unique, étonnamment bien les autres voix) seriez-vous en mesure de développer ? Sachez que tout ce qui sera dit ici restera évidemment strictement entre vous et le diable.”

Puis Tilt. Et puis Fanny comme disait Maman. Elle mena une main à sa bouche qui s'arrondit maintenant autant que les points qu’elle faisait au-dessus de ses i. Car évidement que Staycie faisait des ronds au dessus de ses i. Au diable (lol) l’efficacité quand il s’agit d’avoir une jolie écriture toute ronde ! Bref, elle ouvrait les yeux comme des soucoupes.

“Hiiiiiin, mais vous devez être rassuré en vrai ! C’est vrai que j’ai oublié de dire que je suis sous serment de confidentialitééééé. Comme les médecins et hypocrite, là ! Donc, vous voyez, votre secret de pasteurs, aucun soucis, hin hiiiiin !”

Et comment en vouloir à cette petite bouille ronde alors qu’elle affichait tant de joie avec ? Hum ?