the man on the silver mountain || genghis [Abandon]

Le soleil qui dévore la peau, brûle les mains, assèche les yeux jusqu'à voir les paysages en lavis délavés. Des retrouvailles avec le désert et ses dunes d'ocre, si belles contre le ciel d'argent. L'air chaud chargé de sable est comme un mot de bienvenue, ses pas s'enfoncent dans le confort du retour chez soi. Il se croirait presque à Gobi, au fin-fond des plaines, où l'herbe rase se transforme en poussière aride et où le vent se fait meurtrier. Il pourrait presque se retourner et voir des amis dont il a oublié le nom, des visages presque effacés dans le tumulte de ce qui a suivi, qui marchent dans ses pas telle une armée fantomatique.

Il n'y a plus que lui, maintenant.

Les années sont passées, toutes aussi surréalistes les unes que les autres. Mais le problème, c'est surtout les gens qui ont défilé sans jamais se ressembler, ou si peu. Des vêtements affreux, colorés, bien loin de ses armures de cuir et de plaques. De la nourriture immonde, du sucre, de l'eau chaude trempée d'herbes. Des carrés lumineux qui produisent des sons stridents, bien heureusement rares. Il a du se fondre dans la masse, rester silencieux, suivre les enseignements précieux de Confucius et se rappeler que le sage est calme et serein. L'homme de peu est toujours accablé de soucis. Et il n'est pas un homme de peu, loin de là. Il est et restera toujours le Grand Khan.

Il n'a jamais été homme à se soumettre, c'est plutôt lui qui enchâssait les mains et jambes de fer rougeoyant et mettait son monde en servitude. Alors quand l'occasion s'est présentée, il s'est enfui. Un lâche a frappé pour lui, s'est proclamé roi, il a simplement profité du chaos pour se tirer avec la caisse.

Il n'y a jamais eu d'honneur dans cette victoire, le trône mérite largement mieux qu'un arriviste assassin.

Alors il est parti, comme ça, du jour au lendemain. Il est parti comme on part en guerre, menton haut et torse bombé. Il est parti riche, les habitudes ne se perdent pas et le pillage est dans ses veines. Mais il est parti, à la recherche d'une armée. D'une véritable victoire contre quelqu'un qui cèdera à cette opportunité facile du siège vacant.

Et il cherche depuis longtemps, sans vraiment savoir où la trouver.

Le charisme, il sait qu'il en déborde. Peut-être est-ce son passé d'Empereur de Tous les Hommes, Seigneur du Ciel, chevaucheur invaincu. Peut-être est-ce son ancien statut de Roi, ces quelques temps au sommet de Lostland n'ont pas nécessairement été perdus pour autant. Ou peut-être est-ce lui, Genghis Khan, la terreur venue de l'Est pour anéantir toutes ces civilisations bien-pensantes qui s'enterraient dans leurs tombeaux de pierre.

Ce passé lui manque, la mélancolie se fait plus pressante maintenant qu'il a vaincu. La Terre, son empire, sa famille et ses amis, tout ce qui lui semblait si futile quand il avait les yeux sur l'horizon. Ici, il n'a pas d'attache. Il a réussi seul, avancé seul, et il est parti seul. Personne pour fêter ses victoires, à quoi bon ? Ces gens sont bien trop faibles et fragiles, dans leurs atours pompeux et leurs couleurs criardes. Non, ce qu'il cherche, ce sont des guerriers. Des guerriers, et un adversaire qui en vaudra enfin la peine.

En attendant, il lui reste encore un problème à résoudre. Un élément qui a assis ses victoires et assuré ses chevauchées sans sommeil. Pas grand chose, un détail mineur qui faisait résonner le tonnerre sur le versant des collines.

Qu'est-ce qu'ils ont trafiqué avec les poneys, ici ?

Vraiment, c'est un problème. Comment des chevaux peuvent-ils parler, et a fortiori être traités comme des humains ? Il y en a même qui ont des ailes, ou des cornes. Qu'ont-ils fait à ces pauvres bêtes ?

Et surtout, sur quoi va-t-il mettre son armée s'ils n'ont pas de fiers destriers pour porter leur légende ?

Très bien.

Ils seront la première cible.

Son royaume pour un poney.

 

Les rides se font de plus en plus creusées. Il aimerait y croire, même s'il sait que c'est probablement la lumière. Rien n'a changé depuis qu'il est arrivé ici, ou alors peut-être n'y fait-il juste plus attention. Il a toujours la même apparence, les même traits fiers de son peuple, la vivacité transparente dans ses yeux d'encre. Mais quelque chose est comme éteint. Peut-être est-ce sa quête, trop facile.

Aujourd'hui, c'est Halloween. Aujourd'hui, il disparaît.