Si je ne mesurais pas plus d’un mètre soixante-quinze, peut-être qu’on aurait pu aisément me prendre pour un enfant, mais j’en doute. Je passe au mieux pour un ado, parce que je suis assez maigre et qu’on délimite mal ma mâchoire anguleuse encadrée par quelques mèches longues. Mes cheveux sont en bataille, d’un noir aux reflets violets dans une coupe pas vraiment définie, c’est plus un amas d’épis qu’une véritable coupe et je gèle mes cheveux pour couper ce qui me gêne, pas très précis hm ? La longueur qu’ils atteignent au maximum c’est quand je suis capable de faire une queue avec en les empoignant, souvent je coupe avant, parfois, je laisse et j’attache jusqu’à ce que ça me gonfle.
J’ai un aspect plutôt banal du coup, un corps assez fin et vue mon rythme, n’en doutez pas, je suis bel et bien endurant. Ça ne se voit juste pas, parce que je me contente de peu pour ne pas dire que je mange comme un moineau (même si apparemment ce serait faux de croire que ça mange peu ces bestioles). Je ne travaille pas vraiment l’aspect massif, puis quel intérêt ? Franchement ? Enfin, passons, ce qui me différencie de la masse de personnes comme moi ? Mes yeux bleus brillants… ça en attire plus d’un et ça met tout de suite la puce à l’oreille, faut dire que je ne suis pas très calme comme mec, j’essaye d’éviter de me faire repérer avec mes cheveux devant les yeux, mais ça ne suffit pas vraiment, alors, j’ai une grande capuche, d’un manteau noir et long qui vient s’enrouler autour de mon visage auquel j’ajoute pour couvrir mon nez un foulard clair et quelque peu délabré que j’ai toujours avec moi. C’est la seule chose que je garde de mon réveil et qui semble avoir de l’importance. J’ai souvent l’air nonchalant, blasé, contrarié et… c’est vrai. Mais je suis aussi assez barré dans mon genre, pas de panique, on n’échappe pas à son destin de déjan’thé après tout. Que dire, que dire ? J’aime le noir et même si vous me dites que ce n’est pas une couleur, je m’en fous. Je porte la plupart du temps des vêtements assez larges pour être confortable, je n’aime pas quand ça me colle à la peau et j’aime particulièrement les bottes de type rangers, même si une fois mon nom dévoilé, elles finissent dans mon sac à dos. C’est pas un truc énorme, quelques vêtements, autres éléments de survie et un vieux bâton droit auquel des bandages s’enroulent, voilà, à quoi je ressemble. Soit un esquimau sans la fourrure, soit un ado trop téméraire, dans les deux cas c’est à mon avantage. Ah, oui et si vous me voyez sourire ? Je prépare un mauvais coup. Il parait que ça ferait fondre comme neige au soleil la fée des dents… les sourires colgate, ça fait craquer beaucoup trop de gens.
Ah que t’es chiant à vouloir tout savoir ? Tu stalk ? Y’a rien à voir, je suis assez égoïste dans le genre, si je rends service, c’est que j’y trouve compensation, que ça plaise à tout le monde ou non, je m’en tape complètement, tu vois un peu mieux le genre ? Je suis libre de faire ce que je veux, quand je veux, je ne me soucie pas vraiment des clauses concernant les frontières, tout ça, je ne sais même pas qui je suis alors comment tu veux que je choisisse ? Puis pour quoi faire ? J’aime pas ça faire des choix, souvent je ruse pour obtenir gain de cause et ça marche jusque-là. En clair, les jours où je vais être de bon poil, je vais être le bon copain farceur ou la brave petite peste que t’as envie d’exploser pour ses conneries puériles. Les autres jours, je me montre discret pour qu’on ne m’approche pas et si on vient me chercher des noisettes, on récolte le blizzard, J’ai absolument aucune patience et je suis très curieux par nature, mais pas assez pour me faire avoir comme un bleu non plus.
Tu es toujours là ? Okay, c’est que t’as pas vraiment peur de ce que je pourrais dire ou faire et je te dirais bien que t’es aussi givré que moi, mais… j’en doute, j’apprécie quand même l’effort. Je suis un gros flemmard, je fonctionne par période, si ma vie dépend de quelque chose, forcément je vais bouger mon postérieur, sinon… ce sera selon la motivation et faut dire qu’elle est assez imprévisible. J’ai l’air calme, je ne le suis pas vraiment, même si j’essaie de le contenir parfois et de rester sérieux, ça me demande plus de concentration, je préfère faire l’imbécile dans la neige ou sur la glace.
D’ailleurs, je pense que tu l’as remarqué, mais je n’aime pas vraiment la chaleur, c’est quelque chose qui me rendrait presque malade, j’ai horreur de porter des vêtements qui ne couvrent quasiment rien sous prétexte que le soleil a décidé de briller plus fort. Je n’aime pas vraiment l’eau non plus, même si je n’en ai pas peur, je peux la geler s’il faut. Quant à mes goûts, je suis d’avis que tu les découvres par toi-même, parce que flemme, je ne sais pas quoi te répondre ! Tu as des questions ? Eh bien tu les poses !
Jack Frost n’a de souvenir que ce lac gelé sur lequel il s’est éveillé munit d’un foulard clair et d’une canne de marche dont le haut était couvert de bandages. Tout autour de lui était parfaitement gelé, si bien qu’il croyait les hommes de glace être des sculptures. En réalité, il a bien vite compris que ceux qui étaient figés étaient bien réels. Son sourire s’est rapidement transformé en grimace. Lui qui ne savait ni son nom ni ses origines ne se souvenait de rien. Le plus étrange reste que le vent lui a susurré son nom. Jack Frost, voilà ce qu’il avait peiné à dire, peu convaincu d’avoir réellement entendu le vent glacial lui souffler à l’oreille. Il ne lui en avait pas dit plus, le laissant complètement seul dans un village de poupées glacées. Ses pas créaient du givre, il aurait dû avoir froid, mais rien. Les températures et la neige qui soufflait ne changeaient rien à son état. Seul au monde, il avait décidé en prévision des saisons à venir d’enfermer tous les sujets piégés dans un endroit sûr, suivant les températures les plus basses pour s’assurer que jamais ces personnes ne courent de danger. C’était son trésor le plus précieux et aujourd’hui encore, il cherche à savoir qui il est, pourquoi il ne se souvient plus, ce qu’il s’est passé. Le garçon s’est découvert peu à peu, magicien dans l’âme, élémentaire de glace et avait tenté de défaire les prisonniers de leurs geôles, mais rien. Il s’était dit être responsable et avoir eu une bonne raison, se cherchait des excuses, sans être assez stupide pour y croire. Qu’est-ce qui aurait pu causer ce cataclysme ? Une ère glaciaire ? Vraiment ? Mais pourquoi lui avait survécu ? Plus le temps passait, plus il essayait de réparer ses erreurs en cherchant les indices, entretenant les maisonnettes, comme si ce village était de nouveau habité. Mais il n’y eu longtemps que lui avant qu’il ne se décide à voir s’il était seul au monde.
Il a marché longtemps, s’est arrêté plusieurs fois pour diverses raisons, notamment son hésitation à laisser sans surveillance ceux dont il s’était octroyé le titre de gardien. Puis, il a oublié à nouveau avec le temps, avec les sourires sur les visages des gens, avec les coutumes, les bonnes comme les mauvaises choses. Il y avait de la vie ailleurs, il n’était pas seul. Jack s’est amusé, Jack est passé par plusieurs phases… et après la culpabilité sont venues la colère et la frustration de ne pas savoir ce qui leur était arrivé. De patauger sans avoir le moindre indice à part le foulard blanc immaculé à son cou. Personne n’en savait rien, personne ne connaissait son village et lui s’est mis à jouer des tours à tout le monde. Plus il utilisait ses capacités, plus il se faisait un nom. Moins il le faisait, plus on l’oubliait facilement, cruel destin qui voulait le propulser sans que lui-même ne se connaisse. Alors quoi ? S’il avait été à l’origine d’un désastre, quel qu’il soit, on le reconnaîtrait non ? C’était la dernière chose qu’il voulait, pourtant, ça commençait à lui peser et comme l’enfant qu’il était, le givré s’est rapidement mis à faire ce qui lui plaisait sans tenir compte des conséquences, jusqu’à ce jour.
Des amis, il en a des proches, des moins proches, mais il ne reste jamais bien longtemps en place et préfère chercher, toujours et encore ses réponses. Il s’est dit : à quoi bon ? Si j’oublie ceux qui me sont chers, à quoi bon ? Puis il a souri et repris son chemin.
Frost sait qu’il est mort une fois, que ce lac l’a englouti puis recraché pour une raison inconnue. Il a su avec le temps qu’il avait perdu son âme et que ça devait être lié. Mais ce que Jack ne sait pas, c’est qu’il n’est pas responsable, que parmi les villageois, pris par les siècles dans une cryogénisation éternelle jusqu’à ce qu’il en décide autrement et qu’il soit en mesure de briser le sort… il y a sa petite sœur.
