De tous les précipices au bord desquels Maiden fut contrainte de danser, celui-ci est de loin le plus vertigineux. Sans être littéral, il lui fait davantage tourner la tête que ceux qu’elle a vus de ses propres yeux. (ceux auprès desquels la demoiselle était, physiquement, en détresse) Trottinant au bas de ses escaliers, un œil sur son livre et l’autre sur les marches, Maiden rit presque de l’ironie de la situation. A quoi bon avoir survécu à tant de périls, si quelques rumeurs la rendent aussi fébrile ? Comment a-t-elle un jour pensé être une Tour compétente ? Mérite-t-elle vraiment le rôle de Prince si sa couronne est en carton ? Si Grimm la voyait..
au coin de sa mâchoire naît une plaque d’écailles
les devinant dorées, Maiden fait taire ses pensées
(inutile de se torturer de la sorte)
(ce souvenir ne lui offre nul réconfort)
Arrivée dans la cuisine, elle glisse d’une tâche de lumière colorée à l’autre. Rose. Vert. Or. Rose à nouveau. Puis arrive la table de bois où Maiden pose enfin son livre à plat, laissant les pages blanches se colorer du rouge projeté par sa fenêtre. Autant qu’elle aimerait voir le bout de ce chapitre, son esprit se refuse à la concentration. Tant de paramètres. Tant de nouvelles dynamiques. (tant de nouveaux soucis) L’ascension de Red Queen fut un ouragan de violence qui laissa l’aris-
ancienne aristocrate fort hébétée. La voilà rescapée par son inaction, les échos du fracas dans la tête et les décombres à ses pieds.
et ces rumeurs qui courent
qui gambadent, même
On suppose des intrigues, élabore des plans sur la comète et prête tout un tas d’intentions au Prince des bannis. Maiden ne peut les blâmer. Un coup d'État, ça fait toujours parler. (et le poste qu’on lui a attribué n’est pas vu comme enviable) En revanche, elle aimerait que les commères, gazettes et autres jacasses se gardent de l’importuner quand elle s’efforce de mettre ses dossiers à jour.
Tant de nouveaux patients d’un côté, tant de disparus de l’autre. Sans son organisation méthodique, la demoiselle aurait abandonné. Sans l’aide de ses tisanes aussi, sans doute.. Assise sur le comptoir en attendant que l’eau de son thé ne chauffe, Maiden se demande si ces racontars ne vont pas causer de tort à ses amis. (ceux qui sont encore ici, du moins) Si elle leur fait courir des risques en se refusant à élaborer sur le sujet. Si elle ne ferait pas mieux de s’en aller elle aussi.
(et abandonner l’Underland à son sort ?)
(voilà qui serait indigne d’elle !)
ses pensées tournent
l’eau frémit doucement
son esprit s’enlise, s’angoisse
lorsque l’eau bouillonne enfin
la peur fait trembler ses mains
Pourtant, plus que le cri strident de la bouilloire, ce sont les coups frappés à sa porte d’entrée qui la font sursauter. Elle.. n’attendait personne. (et c’est ignorer l’étiquette que se présenter sans prévenir) Pourtant, il serait incivil de prétendre être absente. Glissant du comptoir avec l’élégance d’une tourterelle désorientée, la demoiselle s’assure d’être au moins.. présentable ? Elle lisse les épis dans ses cheveux de blé. Époussetant sa jupe bleu ciel et réarrangeant le col de sa chemise, Maiden arrive au pas de sa porte..
en un instant, son regard s’illumine
une brève étincelle, surprise mais ravie
“
Gévaudan. ” salue-t-elle, enchantée, “
Que me vaut le plaisir de ta venue ? ”
Voilà bien longtemps que Maiden n’a plus revu Gévaudan. Après avoir quitté l’armée et jeté son dévolu sur le poste de Tour, les opportunités de converser avec la dame cendrée n’ont eu de cesse de lui glisser entre les doigts. Sa présence ici n’est certainement pas fortuite mais.. pour l’heure, la damoiselle est plus curieuse qu’inquiète.
plus charmée que méfiante
les merveilles de ce pays se raréfient
il est décent de les admirer tant qu’elles durent
