- Présentation de Cire:
La vingtaine figée pour l’éternité, elle sait que ses traits ne seront plus soumis aux aléas du temps. Entre son visage de poupée et sa silhouette gracile, son apparence suggère la fragilité. Et ils ont raison, les autres, quand ils disent et pensent qu’ils pourraient la briser, juste en la poussant, en la serrant un peu trop fort. Autrefois étrangère à la douleur, elle la craint désormais comme la Princesse, le petit-pois sous les matelas. Sensible et passionnée, il est aisé de lire en elle comme dans ces livres dans lesquels elle aime s’absorber. Elle a la combustion instantanée quand on vient à la faire craquer. Sa peau paraffine s’éclaire de l’intérieur quand son sang s’échauffe et ses sens s’agitent au gré de ses émotions.
Cire est une chandelle. Vivant d’aube et de crépuscule auparavant, elle a longtemps détesté sa nature contraignante. Son enfance, elle l’a passé à contempler l’extérieur depuis sa fenêtre sous l'œil vigilant d’un père bien trop prudent. Son imprudence, grondée, ses élans fougueux réfrénés, elle s’est mise à cultiver des rêves d’explorations comme autant de grains de poudre attendant une étincelle pour s’embraser. Puis, prenant le risque de se consumer, elle s’est armée de son tenace optimisme et d’une confiance à toute épreuve, s’échappant pour découvrir ce monde, que l’on dit si dangereux et d’autant plus vaste que sa condition de bougie l’empêche d’explorer à bon rythme.
Sur les routes, elle s’est éprise du Feu Calcifer et a offert son âme au Diable contre un corps qui lui permettrait de toucher son Amour sans souffrir de son contact. Innocente en ce temps-là, elle n’a jamais imaginé que Lucifer puisse se jouer d’elle et décide de voler les souvenirs de son Aimé, effaçant de sa mémoire son nom et son visage.
Et si aujourd’hui, libérée de ses contraintes, elle parcourt le monde, ce n’est plus tant pour réaliser son rêve, mais plutôt retrouver sa flamme oubliée, l’espoir alimenté par les étincelles de ses sentiments inaltérés…
Dans le silence de la nuit, quand les ailes de Morphée frémissent sans un bruit,
Plongée dans mes songes, je ne peux m’attarder que sur ce vide qui me ronge.
Je sais avoir senti peser sur moi le regard d’un ange, durant nos curieux échanges.
Si j’ai été protégée par le bouclier du guerrier, par la voix du triton, j’ai été ensorcelée.
Comment pourrait-il en être autrement quand tenter de me remémorer mes longues traversées s’avère être si un cruel tourment ?
Dans la tiédeur de mon lit, quand les pas d’Insomnie troublent mon inertie,
Combler le précipice est une tâche ardue, depuis que la route que nous arpentions s’est fendue.
Je sais l’avoir senti à mes côtés même si dans le puits de l’oubli des bouts de moi sont tombés.
Si j’ai humé à ses côtés le parfum de la liberté, par son absence je suis aujourd’hui emprisonnée.
Comment pourrait-il en être autrement quand mes souvenirs sont flous et que je me demande si le sacrifice de mon âme en valait le coût ?
Dans l’intimité de mes draps, quand la Lune noire se moque tout bas,
Je l’imagine habiter mes décors et le cœur affolé, je rêve encore de son corps.
Je voudrais, entendre autour de moi, le son de sa voix et sourire de ses éclats,
Regarder nos doigts entrelacés, me laisser envelopper dans l’écrin de ses bras,
Sentir sur mes lèvres la chaleur de son souffle jusqu’à ce que nos baisers nous essoufflent.
Si j’aspire à profiter de sa lumière, j’ai peur que mes rêves à jamais ne soient chimères, tour de Lucy Fair.
Comment pourrait-il en être autrement, quand le vide laissé et si violemment présent ?
Devant l’encadrement de ma fenêtre, quand l’Aube de ses doigts roses force Nyx à se soumettre,
Je me déteste, pour ces affections refusées, juste pour plus l’aimer.
Suis-je lâche d'espérer me faire aimer par cet inconnu qui tant me plaît ? Je ne souhaitais rien sinon la certitude qu'il me tiendrait un jour la main.
Comment pourrais-je espérer l'Amour, moi, qui suis la douleur et fuis les plus beaux des discours ?
Laissez-moi.
Encore juste une fois,
Fantasmer sur ce que je n’aurais sans doute jamais avant de l’oublier…