Un jour mon prince viendra disait l'autre là - Broponce

Ouais bon ok, je te vois déjà froncer les sourcils. Ouais, toi là. Alors on va tout de suite mettre les pieds dans le plat, oui, je suis une princesse. J'ai pas choisi, alors comprends que je suis tout aussi perplexe que toi. Ouais, j'ai les boules. A chaque fois qu'on entend mon nom on éclate de rire, puis quand on comprend que je déconne pas ils se tirent. Donc tu m'étonnes que je me sois auto-confiné dans une tour. Je sais, je sais, on me le dit souvent, si j'en ai pas la gueule, je pourrais au moins me comporter comme une putain de fleur délicate histoire de coller à l'histoire. Mais à quoi bon ? De toute façon vous serez déçus et trouverez toujours quelque chose à redire, autant vivre par moi-même et me foutre des autres. C'est d'ailleurs ce que je fais, souvent, matant la tronche déconfite des princes désireux de sauver une douce princesse et de vivre heureux pour toujours. En général je les dégage à coup de balais et me paye une bonne tranche de rire. Des fois je m'emmerde, alors je balance des bouteilles à la mer, des feuilles de romans, des messages de détresse pour leurrer les imbéciles qui se perdent dans les bois juste histoire d'avoir quelqu'un sur qui hurler. En même temps... j'ai mes raisons non ? Ces enfoirés tirent sur ma barbe comme des dératés, bordel, c'est pas une putain de corde, faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer.

Nah, j'suis pas un bon gars, plutôt du genre ours mal léché. Bref, c'est ma vie. Mais ce que tu veux savoir c'est mon histoire. Tu veux un truc tire larmes, la tragédie grecque et tout le tralala. Ouais, bah non. C'est juste une histoire commune, pas plus triste qu'une autre dans ce pays de dégénérés. Je suis né pendant l'époque noire, du coup c'est plutôt commun de se faire abandonner par ses parents. Les souverains d'un pays déchu n'avaient plus de quoi nourrir les nombreuses bouches de la progéniture issu du "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Ouais. Ils réalisaient pas les gars qui ont écrit ces merdes. Du coup on s'est fait dégager avec ma sœur cadette façon petit poucet sans galets pour retrouver sa route. De toute façon, il faut être sacrément con pour retourner comme un petit chien dans les pattes de parents irresponsables et négligents. J'ai galéré, fait de mon mieux pour ma sœur, mais sans succès. En même temps, un gosse de douze ans en période de guerre... on a vu adéquat à la survie. Les bruits courraient dans le royaume, parlant d'un homme qui recueillait les enfants. Mais l'adolescence étant entamée le capitaine crochet a décidé que j'étais trop âgé pour rejoindre son équipage. Du coup j'ai largué ma sœur, me disant qu'on aurait tous deux plus de chances de survivre.

J'ai économisé, payé pour qu'on enferme mon âme dans un talisman. Puis, regrettant mon geste, la solitude me pesant, j'ai tenté de retrouver ma sœur. C'est pour la même raison que je tente d'attirer les gens, je les cuisine et les dégage quand ils n'ont pas d'infos intéressantes. Un jour, lors de mes sorties, j'ai rencontré le grand méchant loup. Ouais, tous les contes y passent. Elle m'a parlé d'une mèche rose s'étant échappée de la capuche de la dirigeante de son royaume, un trait plutôt familier. J'ai commencé à recueillir les informations sur cette Ombre, mais aucune piste ne fut concluante, simplement des histoires de meurtres et de rigidité. Des fois j'hésite à rejoindre le royaume, juste pour avoir l'occasion de la croiser, la questionner. Mais au vu du mauvais traitement réservé aux déjan'thés, je finis toujours par me raviser. Alors, heureux ? Maintenant va fourrer ton nez dans les affaires des autres tarés qui passeraient par là.